E venne il giorno dei limoni neri
Autres titres: C'est la loi des siciliens / Et vint le jour des citrons noirs / C'est la loi des siciliens (et vint le jour des citrons noirs) / Mafia connection / Black lemons / Das gesetz des schweigens
Real: Camillo Bazzoni
Année: 1970
Origine: Italie
Genre: Drame / Polar
Durée: 96mn
Acteurs: Antonio Sabàto, Florinda Bolkan, Stefano Satta Flores, Didi Perego, Loris Bazzocchi, Silvano Tranquilli, Don Backy, Frank Latimore, Peter Carsten, Massimo Farinelli, Bruno Boschetti, Pier Paolo Capponi...
Résumé: Après plusieurs années de bagne l'ex-mafioso Rosario Inzulia est enfin libre. Il souhaite aujourd'hui couper tous les ponts qui le lie à son passé, par conséquent à la mafia. Mais celle ci ne l'entend pas de la même oreille. Tout homme qui un jour à fait serment d'en faire partie est liée à elle à vie. De plus l'inspecteur Modica souhaite que Rosario l'aide à faire condamner un important boss. Lorsque Rosario apprend que sa femme est décédée non pas de mort naturelle comme il l'a toujours cru mais assassinée il décide de faire justice lui même en retrouvant le ou les coupables...
Essentiellement producteur Camillo Bazzoni débuta sa carrière de metteur en scène au début des années 60 avec quelques courts métrages avant de réaliser son premier film en 1968, le western L'évadé de Yuma, suivi d'un film de guerre Commando suicide. Avec son troisième film tourné à Naples durant l'hiver 1969, E venne il gorno dei limoni neri connu en France sous le titre C'est la loi des siciliens, Bazzoni s'attaque à sa manière aux mafia movies. A sa manière car cette troisième réalisation diffère quelque peu des traditionnels polars mafieux et c'est là toute son originalité.
Rosario Inzulia, un ex-mafieux, vient d'être libéré du bagne après y avoir passé plusieurs années. Il est aujourd'hui bien décidé à couper les ponts avec son passé mais très vite il va se rendre compte que ce n'est pas si facile. D'un coté l'inspecteur Modica lui demande de l'aider à lui apporter les preuves qui pourraient condamner un gros bonnet de la mafia, Vinzoni dont le procès est en cours, d'un autre coté la mafia ne cesse de lui rappeler qu'il a prêté jadis allégeance et qu'il reste donc à vie un membre de la Camorra alors que tout ce que souhaite dorénavant Rosario est d'être un homme libre et vivre paisiblement. Lorsque la Mafia assassine son meilleur ami la vie de Rosario va changer. Il apprend de la bouche de
Carmelo Rizzo, un mafioso sans pitié, que sa femme qu'il croyait décédée de mort naturelle dans un accident de voiture a en fait été tuée. Fou de douleur, aidé de Carmelo, il décide de mener sa propre enquête pour retrouver le ou les coupables afin de faire lui même justice. Il découvre finalement qui est à l'origine de sa mort, son supposé ami Orlando Lo Presti. Rosario kidnappe son fils, Michele, qu'il tuera si Orlando ne vient pas à lui. Il finit par venir au rendez-vous quelque part sur un terrain vague qui va être le témoin d'un horrible carnage, un massacre somme toute bien inutile puisque le véritable coupable de la mort de la jeune épouse n'était pas Orlando, un coupable qui ne sera jamais ni pris ni puni.
On est ici assez loin des oeuvres de Damiano Damiani, des films plus psychologiques de Elio Petri, loin également des futurs polars mafieux qui feront fureur dés le milieu des années 70. Pas de guerres des gangs, de trafic de stupéfiants, de trahisons. Bazzoni signe une bande ténébreuse, sombre qui se veut le reflet de ce 'qu'est exactement la mafia qu'il compare, dépeint comme une secte satanique. L'ouverture du film donne de suite le ton en plongeant le spectateur dans un univers glauque, presque suffocant avec l'intronisation d'un homme au sein même de la Camorra. la cérémonie est présentée comme une sorte de
messe noire célébrée au coeur d'une salle obscure remplie d'ombres, de silhouettes. l'homme doit prêter serment et jurer fidélité et dévotion à la Camorra après avoir égorgé un poulet et recueilli son sang dans une obole. Désormais il est lié à vie à la mafia. Rarement avait-on ainsi rapproché cette organisation et ses ramifications tentaculaires à un monde diabolique, aux Enfers, ses membres à des démons invisibles, un dédale dans lequel on entre un jour pour ne plus jamais en sortir même lorsqu'on en trouve l'issue. Par la suite, C'est la loi des siciliens, un titre français qui retranscrit assez bien l'intrigue, prend la forme d'un drame mafieux sur fond d'auto justice tout en mettant en évidence cette impossibilité
pour un mafioso de quitter le milieu. Toute l'histoire de ces Citrons noirs tourne donc autour du dilemme de cet ex-bagnard qui souhaite plus que tout oublier le milieu mais ne peut pas, déchiré entre son désir de liberté, un inspecteur qui l'oblige à jouer les balances, le serment qu'il a jadis fait et la Cosa Nostra qui est sans cesse derrière lui dans l'ombre, où il aille.
A cette alternative s'ajoute cette tragique découverte qui va le transformer en justicier solitaire qui va prendre en otage le fils de celui qu'il présume être responsable du meurtre de sa femme, un moyen inattendu qui renforce l'originalité du film qui se clôture sur un final explosif, cruel, tourné comme un western. Au ton général obscur, noir, souvent désespéré de
l'ensemble s'ajoute alors une violence inouïe ou la mort, l'exécution d'un homme comme on ne l'a que trop rarement vue, une fin qui laisserait un gout amer quelques temps après que les lumières se soient rallumées. Cette conclusion tragique renvoie en fin de compte à la séquence d'ouverture. Le film débutait dans l'obscurité, il se termine la nuit. Il s'ouvrait sur un rituel qui s'apparentait à une messe noire, il se finit sur la vision d'une silhouette qui dérobe le nom du vrai coupable, une ombre assimilée à un être invisible, un de ses démons insaisissables tapis dans l'ombre, toujours prêts à se jeter sur leurs proies, prouvant l'invincibilité et la toute puissance de la Mafia qui comme le Mal règne en maitre sur le
monde. La métaphore est réussie.
Une réussite est également la distribution avec en tête Antonio Sabato taciturne dans la peau de Rosario et Don Backy, excellent dans le rôle de Carmelo, un personnage déchainé, cruel, qui par bien des aspects annonce Bisturi, le voyou sanguinaire fou furieux qu'il interprétera quelques années plus tard dans Chiens enragés de Mario Bava. Autour d'eux toute une pléiade de gueules du cinéma de genre, jouant toutes sans excès, telles Pier Paolo Capponi, l'allemand Peter Carsten, Silvano Tranquili en inspecteur, Bruno Boschetti sans oublier le jeune Massimo Farinelli, play-boy éphémère du cinéma d'exploitation post
soixante-huitard (Les jeunes tigres, Le ultime ore di una vergine). Florinda Bolkan discrète et surtout très sage ici est une douce veuve éplorée. L'imposante Didi Perego est une putain exubérante dont on n'oubliera pas le passage à tabac sur la plage avant sa mise à mort que Bazzoni nous laisse imaginer la rendant encore plus effroyable.
Si Camillo Bazzoni n'a pas l'ampleur de Damiano Damiani il n'en signe pas moins une oeuvre digne d'intérêt, belle et par instant poignante, mais surtout réaliste. Loin des excès de bon nombre de bandes de ce type C'est la loi des siciliens mêle l'introspection à une intrigue ténébreuse sans temps mort suffisamment captivante pour conserver l'attention du
spectateur jusqu'aux ultimes et tragiques minutes. Voilà un bon film d'action, plutôt original dans sa présentation de la Camorra dépeinte comme une véritable science occulte qui régit le monde, un univers tentaculaire dont on découvre les méandres dans la pénombre desquels se meuvent ceux qui la font vivre, des êtres, des ombres insaisissables donc terrifiantes auxquelles on ne peut échapper une fois le pacte signé. accompagné d'une jolie partition musicale signée Carlo Rustichelli C'est la loi des siciliens dont on adorera le titre alternatif très étrange Et vint le jour des citrons noirs mérite toute l'attention de l'amateur de mafia movies d'autant plus que le film, trop méconnu et injustement oublié, n'est plus facilement visible aujourd'hui.