Le ultime ore di una vergine
Autres titres: Une vie sans importance / La collégienne pervertie / Un doppio a meta / Double by half
Réal: Gianfranco Piccioli
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 83mn
Acteurs: Sydne Rome, Massimo Farinelli, Don Backy, Piero Nuti, Enor Silvani, Sebastiano Amaro, Giangiacomo Elia, Barbara Pilavin, Carla Mancini, Alba Maiolini...
Résumé: Enrico, étudiant aux Beaux-Arts en pleine crise contestataire, est passionné de photographie. A travers ses clichés il tente de démontrer le pouvoir de l'image sur le lecteur, la manière dont une photo peut détourner la réalité. Avec un ami journaliste il décide de faire un reportage-photo afin de le prouver. Enrico a une petite amie qui lui annonce qu'elle est enceinte. Entre l'idée de devenir père et son obsession pour la photo Enrico s'enfonce de plus en plus dans une sorte de folie qui le coupe de la réalité. Son obsession pour la photographie conduira le jeune couple vers le drame...
Essentiellement connu comme producteur Gianfranco Piccioli a cependant débuté comme réalisateur. C'est à lui qu'on doit Il fiore dai petali d'acciaio, un giallo agréablement réputé qu'il tourna en 1973 juste après son premier film, un drame contestataire aujourd'hui complètement oublié Un doppio a meta initialement sorti en 1972 puis redistribué en 1973 sous un nouveau titre plus aguicheur Le ultime ore di una vergine.
Enrico est étudiant aux Beaux-Arts de Rome. En pleine crise contestataire il se heurte à ses professeurs, ses camarades ne le comprennent plus. Son attitude nuit également à sa
relation avec sa petite amie Laura, une jeune fille simple de bonne famille elle aussi étudiante en arts. Depuis que sa femme a été internée en asile psychiatrique le père d'Enrico, un musicien, stagne professionnellement ce que son fils lui reproche. Rien ne semble plus aller dans la vie d'Enrico qui nourrit une passion démesurée pour la photographie. Il a installé son laboratoire dans une sorte de grenier afin d'être tranquille. A travers ses clichés il tente de reproduire la réalité brute, sans fard, sans trucage ni considération psychologique aucune à une époque où il est si facile de créer l'illusion dans la presse et les médias à travers des photos prises hors contexte ou simplement illusoires.
Afin de prouver qu'il est facile de créer l'illusion, de manipuler et fausser la perception du lecteur il commence avec l'aide d'un ami journaliste-photographe, Roberto Savarese, par prendre des photos de mendiants, d'estropiés, d'handicapés, de diseuses de bonne aventure, prédicateurs... qui font la manche dans la rue. Ils veulent démontrer que la plupart du temps ce sont des escrocs, des gens comme tout le monde qui se font passer pour miséreux afin de se faire de l'argent facile sur le dos des citoyens. Très content des clichés que Enrico a pris le patron de Roberto lui demande alors un véritable reportage-photo sur ce problème. C'est alors que Enrico apprend que Laura est enceinte. Cette nouvelle trouble
profondément Enrico qui, de plus en plus obsédé par ses photos, a beaucoup de mal à accepter l'idée d'être père. Il a d'autant plus de mal à l'accepter qu'il traverse une crise existentielle, qu'il se demande ce qu'il doit faire de sa vie. A force de ne voir la vie qu'a travers ses clichés il se coupe d'une réalité bien réelle cette fois. Laura en souffre beaucoup mais elle essaie de rester à ses cotés et de l'assister comme elle peut dans sa passion vampirique. Un spectacle de magie dont le thème est vérité et illusion l'égare encore plus. Se sentant incapable d'élever un enfant, faisant passer ses obsessions en priorité il demande finalement à Laura d'avorter. Ils vont ensemble chez un praticien. Des
complications se présentent malheureusement durant l'opération. Laura meurt devant Enrico.
Le ultime ore di una vergine prend pour sujets principaux deux thèmes alors en vogue dans le cinéma italien, le pouvoir des médias plus précisément ici de la photographie et l'avortement, en explorant la psyché d'un jeune étudiant. Le rapport entre photographie et réalité avait déjà été traité de manière remarquable par Michelangelo Antonioni dans Blow up dont Le ultimo ore di una vergine n'est qu'une pâle copie. Malheureusement n'est pas Antonioni qui veut et mélanger deux thèmes aussi délicats et complexes que ceux choisis par Piccioli était un choix fort risqué. Le résultat est loin d'être un désastre mais manque
simplement de saveur et surtout de consistance. Difficile en effet d'aborder de tels sujets en seulement 80 petites minutes. Il n'est donc pas étonnant que l'un d'eux, l'avortement, ne soit jamais vraiment développé et se retrouve relégué en toute dernière partie lors d'une séquence choc qui fit la réputation du film. En fait pendant quasiment plus d'une heure on suit Enrico dans son reportage-photo où il traque mendiants, estropiés, handicapés, miséreux, laisser pour compte... afin de prouver que la majeure partie d'entre eux ne sont que de simples escrocs qui vivent de la charité des passants. Piccioli donne ainsi un ton réaliste à son film qui se transforme en une sorte de documentaire-vérité mais il lui manque
le plus important, une âme et surtout cette bonne dose de psychologie, de psychanalyse que toute pellicule qui se veut introspective requiert. Difficile de réellement s'intéresser à Enrico tant il est fade et sans épaisseur, de le comprendre et réagir face à ses réactions avec autrui, au lien qui l'unit à la photographie, son mal être, ses obsessions et tourments. Tout est d'une superficialité parfois déconcertante, un défaut majeur aggravé par le fait que Piccioli part un peu tout azimut et soulève nombre d'autres points. Contestation universitaire, anarchie, révolution, crise d'identité, vie familiale... sont autant de sous thèmes qui restent au stade embryonnaire et ne servent finalement à rien. Tout comme la parenthèse tout en
flash-back sur l'internement en asile psychiatrique de la mère d'Enrico si ce n'est de faire un lien entre la folie de la mère et celle dans laquelle son fils sombre lentement. Intéressant mais totalement maladroit.
Si l'analyse psychologique échoue faute de profondeur, si l'intrigue ne décolle jamais vraiment Le ultime ore di una vergine n'est cependant pas une pellicule dénuée d'intérêt pour le peu qu'on soit bien entendu magnanime. Tout amoureux des années 70 se délectera de cette atmosphère contestataire dans laquelle baigne le film. On savourera la beauté d'une Rome hivernale et on se laissera capturer par tous ces visages que traque l'objectif de Enrico.
On sera séduit par la jolie photographie de Nino Borghesi et les musiques aux accents funky de Daniele Patucchi. On gardera également en mémoire quelques séquences notamment celle de la visite d'Enrico à l'asile où est internée sa mère, celle très étrange du spectacle de magie à la fois libérateur et destructeur et surtout celle de l'avortement qui clôt le film, dérangeante, terrible. Si le thème avait été jusque là un peu trop délaissé il revient en force et conclut de façon féroce, effroyable cette introspection. Si beaucoup se souviennent de l'avortement de Qu'avez vous fait à Solange celle de Ultime ore di una vergine bat et de loin celle de Massimo Dallamano tant elle est insoutenable. Le regard de Laura d'où
s'échappe lentement toute vie fixant l'objectif, sa souffrance alors qu'elle agonise dans son sang, l'impuissance d'Enrico qui réalise enfin la tragédie dont il est à l'origine, est à vous glacer les sangs tant elle est cruelle. Sydne Rome est magnifique tout au long du film et cette fin dramatique restera une des séquences les plus fortes de sa carrière.
Il est dommage que le reste de la distribution ne soit pas à la hauteur des ambitions du metteur en scène. On est toujours ravi de revoir Don Backy, très bon acteur, mais qui cette fois manque de punch et ne semble pas trop très convaincu par des dialogues somme toute trop philosophiques et surtout bon marché. Le jeune Massimo Farinelli découvert en
1968 dans Les jeunes tigres est toujours aussi séduisant malgré sa barbe mais il est trop insipide, trop anonyme dans le rôle phare de Enrico pour créer un réel choc émotionnel.
Inédit en salles à Paris mais sorti inaperçu en 1978 en province sous les titres franchement hideux et absurdes Collégiennes perverties puis Une vie sans importance, Le ultime ore di una vergine est une curieuse tentative auteuriale qui s'inscrit dans le filon du film contestataire typiquement années 70 malheureusement trop superficielle pour vraiment percuter et fonctionner. De jolies idées souvent intéressantes, de bonnes thématiques, des moments certes captivants mais Piccioli n'est pas à la hauteur de ses ambitions
intellectuelles. Reste un film discret, louable qui se laisse visionner avec un certain plaisir ne serait-ce que pour ses qualités artistiques.
Inutile de dire qu'il n'y a bien évidemment aucune vierge dans le film, cette appellation faisant juste référence au personnage de Sydne Rome qui ne l'était plus puisque enceinte! "Les dernières heures d'une femme enceinte" aurait été plus juste mais moins accrocheur pour appâter le badaud de l'époque friand de jeunes vierges en tout genre.