L'ambizioso
Autres titres: Mourir à Naples / L'ambitieux / The climber
Real: Pasquale Squitieri
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Polar / Noir
Durée: 113mn
Acteurs: Joe Dallesandro, Stefania Casini, Raymond Pellegrin, Benito Artesi, Ferdinando Murolo, Pietro Torrisi, Tony Askin, Leopoldo Buondonno, Giovanni Cianfriglia, Angelo Corrieri, Paolo De Lucia, Ugo Donadio, Bernard Farber, Antonella Fasano, Ranieri Ferrara, Marcello Filotico, Gregorio Gandolfo, Guido Giuseppone, Maria Greco, Giuseppe Leone, Enrico Maisto, Edmondo Mascia, Amadeo Messori, Lorenzo Piani, Francesco Spilabotte, Angelo Boscariol, Bruno Di Luia, Claudio Ruffini, Nando Sarlo, Oscar Sciamanna...
Résumé: Aldo, un jeune immigré américain, survit à Naples en vendant des cigarettes au marché noir. Ambitieux il souhaite vite grimper l'échelle sociale et gagner de plus en plus d'argent. Dans un premier temps il se retourne contre ceux pour qui ils travaillent dont le chef est le dangereux Don Enrico. Don Enrico vient justement de le bannir de son clan après avoir découvert qu'il prenait des commissions sur la revente des cigarettes. Aldo voit là l'occasion rêvée pour prendre sa place. Entourés d'une bande de jeunes voyous romains Aldo commence à se faire une petite réputation à Naples. Il devient au fil du temps un mafioso respecté que rien n'arrête. Il parvient même à faire chanter Don Enrico. Jusqu'au jour où Enrico enlève sa petite amie...
Ex-époux de Claudia Cardinale avec qui il tourna une dizaine de films le cinéaste et homme politique Pasquale Squitieri a passé la majorité de la seconde partie de sa carrière à traiter du mal de vivre, de la misère dans le sud de l'Italie en abordant des sujets tels que la mafia, le fascisme, l'immigration et la drogue. Il est ainsi l'auteur d'une série de films souvent graves, dramatiques qui parfois prennent des airs documentaires. Quelques années après Camorra / Tueurs à gages et I guappi / Lucia et les gouapes Squitieri pose sa caméra dans sa Naples natale pour infiltrer une fois encore le milieu de la mafia et réaliser ce qu'on peut
considérer comme le troisième volet d'une série de cinq films mafieux.
Fils d'un père américain et d'une mère italienne Aldo survit comme beaucoup à Naples en donnant dans la contrebande de cigarettes. Il travaille dans un entrepôt pour Don Enrico, un des dangereux gangsters qui règnent sur la ville. Ambitieux Aldo ne peut plus se contenter d'être aux ordres de Don Enrico pour quelques malheureux billets. Il rêve à son tour d'être riche, puissant, de se faire de l'argent facile. Pour avoir pris des commissions sur la vente des cigarettes Aldo est passé à tabac. Blessé, il trouve refuge chez la fragile Luciana qui devient sa petite amie. Il s'exile à Rome, fait la connaissance de jeunes délinquants
rencontrés dans le milieu de la boxe et du motocross. Ils vivent de leurs larcins lorsque poussé par son ambition et son désir de vengeance Aldo décide de retourner à Naples pour rivaliser avec Don Enrico qu'il souhaite mettre à ses pieds. Avec sa petite bande de voyous il commence à se faire un nom dans le milieu et se fait assez rapidement une place au soleil. Cruel, impitoyable rien n'arrête Aldo dans son ascension. Son succès lui vaut bien évidemment de nombreux ennemis qui tentent de l'éliminer, Don Enrico le premier à qui il a déclaré la guerre en le soumettant à ses ordres. Le mafieux fait alors enlever sa petite amie. Fourbe, Aldo lui fait clairement comprendre qu'il peut la tuera car il ne l'a jamais aimé. Son
mensonge va lui être fatal. Enrico tue Luciana. Fou de rage Aldo affronte son ancien chef et l'abat de sang froid. Plus rien ne peut arrêter son ascension. Devenu riche et puissant Aldo ne va cependant pas longtemps profiter de son triomphe. La mort le cueillera plus tôt que prévu, victime de son ambition et de ses propres erreurs.
Méconnue dans la longue filmographie de Squitieri cette obscure pellicule mérite pourtant toute l'attention de l'amateur. Si le cinéaste poursuit avec elle son exploration du monde mafieux napolitain, sa misère, sa délinquance il opte ici pour un ton radicalement différent qui au premier abord pourra déconcerter. Camorra était un vrai polar napolitain, I guappi un
film plus orienté vers la dramatique, tous deux recréant parfaitement l'atmosphère de la vieille Naples, L'ambizioso après une ouverture typiquement napolitaine se transforme très rapidement en un véritable film américain tourné à l'américaine qui pourrait même faire oublier au spectateur qu'il est au pays de Dante. Inutile donc de chercher une quelconque ambiance italienne si ce n'est par quelques très légères touches L'ambizioso est une suite d'évènements aussi brutaux que sanglants souvent peu vraisemblables filmés avec violence. C'est peut être ici le gros défaut du film qui autrefois causa son échec, lui mettant la critique à dos.
Squitieri ne s'embarrasse guère ici de psychologie comme il ne cherche pas vraiment à
fouiller son scénario. Il se contente de suivre la sanglante ascension de son jeune héros privé de valeur symbolique et trop peu défini pour qu'on puisse l'aimer ou le détester au coeur d'une intrigue peu crédible. Difficile de croire en effet qu'une petite bande de jeunes voyous romains puisse à elle seule mettre à feu et à sang toute la mafia napolitaine. Le réalisateur nous avait habitué à plus de rigueur scénaristique. Sur ce point précis L'ambizioso pourra donc décevoir un public pointilleux.
La grande force de cette pellicule, tout son intérêt se situe en fait dans son rythme et sa violence débridée. Filmé à cent à l'heure avec professionnalisme, dénué de tout temps mort
L'ambizioso accumule les scènes de meurtres particulièrement sanguinolents, de cruauté, les bagarres, passages à tabac, poursuites au détriment de toute analyse. seul prime ici l'action et surtout le spectaculaire. le cinéaste signe une oeuvre dure, amère, cruelle, hyper violente mais basique qui en l'état ne s'élève guère plus haut qu'un simple très bon film d'exploitation. En ce sens L'ambizioso remplit sa fonction et atteint son objectif jusqu'au final peu surprenant annoncé par un de ces titres français alternatifs Mourir à Naples. Ce troisième volet de la trilogie napolitaine de Squitieri séduira ainsi tous les amateurs d'ultra violence qui relèveront également l'efficacité de l'interprétation.
Squitieri confie le rôle de Aldo à Joe Dallesandro, l'ex-icône gay du duo Warhol-Morrissey. Alors installé à Rome depuis quelques mois où il venait de tourner Flesh for Frankenstein et Du sang pour Dracula, Dallesandro entame alors une carrière transalpine. On pourra lui reprocher sa mono-expressivité, son jeu un peu rigide auquel il nous a habitué depuis sa célèbre trilogie qui nuit quelque peu à son personnage de jeune mafioso arriviste mais on ne peut lui reprocher ici son investissement. Déchainé dans la peau de cette bête jeune et inconsciente il tente du mieux qu'il peut de donner corps à Aldo, la férocité dont il fait preuve étant assez bluffante. Quant à sa beauté elle n'est plus à démontrer. On pourra là encore s'en
repaitre. Dallesandro réitèrera ce type de rôle dans Fango bollente et Il tempo degli assassini deux autres classiques du polar brutal. A ses cotés se dresse l'incontournable Raymond Pellegrin, excellent, glacial, dans la peau de Don Enrico. Tout autour d'eux gravitent une pléiade de gueules du cinéma de genre dont on prend toujours plaisir à retrouver Giovanni Cianfriglia, Tony Askin (excellent dans le rôle muet d'un des deux tueurs français), Pietro Torrisi et son frère Salvatore qui nous offre un réjouissant nu frontal, Benito Artesi entre autres. L'atout féminin revient à la diaphane Stefania Casini, spectrale, désillusionnée, qui nous offre l'espace de quelques minutes une scène d'amour avec Dallesandro, son
compagnon d'alors dans la vie.
Rythmé par une excellente musique très américaine qui oscille entre rock et funk signée Franco Campanino, un autre des gros atouts du film, L'ambizioso malgré ses faiblesses scénaristiques et son peu d'originalité, s'il n'est pas le meilleur film de son auteur, n'en est pas moins une oeuvre intense, violente, truffée de moments forts (la destruction d'un des locaux par les motards, la mort stupéfiante de Corrado le receleur gay) et de scènes à la limite du gore (le couteau remplace ici les revolvers, déchire, lacère, les chairs des victimes avec une brutalité souvent animale). Si une tentative d'analyse s'était greffée sur l'aspect spectaculaire Pasquale Squitieri tenait là un petit chef d'oeuvre du film de gangsters napolitain. Demeure néanmoins une pellicule coup de poing parfaitement divertissante, haletante, dont on se souviendra essentiellement pour sa violence explosive.
Pour la petite histoire le film inspira dit-on fortement le Scarface de Brian de Palma.