La morte cammina con i tacchi alti
Autres titres: Nuits d'amour et d'épouvante / La mort marche à talons hauts / Death walks with high heels
Real: Luciano Ercoli
Année: 1971
Origine: Italie / Espagne
Genre: Giallo
Durée: 104mn
Acteurs: Frank Wolff, Susan Scott, Simon Andreu, George Rigaud, Carlo Gentili, Claudie Lange, Luciano Rossi, Fabrizio Moresco, José Manuel Martin, Rachela Pamanti...
Résumé: Ernest Rochard vient de dérober des diamants. Alors qu'il regagne l'Espagne à bord d'un train, il est assassiné par une silhouette cagoulée d'où se détachent une paire d'yeux d'un bleu azur. Strip-teaseuse à Paris, sa fille est Nicole est interrogée par la police qui la soupçonne d'en savoir plus qu'elle ne le dit. Très vite elle est agressée par la mystérieuse silhouette qui lui demande de l'aider à retrouver les diamants. Nicole rejoint son fiancé Michel et découvre dans l'armoire à pharmacie des lentilles de contact bleues. Effrayée, elle s'enfuit et part pour l'Angleterre en compagnie du docteur Matthews, un de ses fervents admirateurs qui très vite lui propose de l'épouser. Une romance nait entre eux mais l'assassin semble avoir suivi la jeune femme...
Second opus d'une trilogie ouverte en 1970 avec un divertissant mais peu crédible Photos interdites d'une bourgeoise, La morte cammina con i tacchi alti ne fait que confirmer l'impression laissée par le premier volet de ces trois gialli et annonce d'une certaine manière la stupidité exaspérante du troisième épisode, La mort caresse à minuit. Luciano Ercoli n'a jamais pris le genre très au sérieux et s'en amuse une fois encore à ses risques et périls.
Après avoir dérobé des diamants, Ernest Rochard s'enfuit à bord d'un train afin de regagner l'Espagne. Il est assassiné dans son compartiment par un mystérieux meurtrier qui
malheureusement ne trouve pas les joyaux. Strip-teaseuse à Paris, sa fille Nicole apprend le vol et la mort de son père par la police qui bien entendu la soupçonne de complicité même si elle avoue n'avoir plus eu de contact avec lui depuis bien des mois. Nicole est alors agressée chez elle par un homme portant un passe-montagne qui laisse entrevoir des lentilles de contact bleu azur. Il la menace de la tuer si elle ne lui dit pas où sont les diamants. Elle court se réfugier chez son fiancé, Michel, un alcoolique qui la trompe avec une danseuse de couleur. Il tente de la rassurer mais l'agresseur continue de harceler la jeune femme au téléphone en déguisant sa voix grâce à un synthétiseur vocal. Une nuit Nicole
découvre par hasard une paire de lentilles bleues chez Michel. Terrorisée, elle s'enfuit. Elle part pour l'Angleterre dans un petit cottage au bord de la mer avec le Dr Matthews, un spécialiste de la chirurgie oculaire. L'homme, fou amoureux de Nicole, lui promet de l'épouser dés qu'il aura divorcé. Folle de joie, Nicole oublie ses soucis jusqu'au jour où son agresseur refait surface. Quelqu'un l'épie à la jumelle, la traque. Après s'être absenté quelques jours, Matthews apprend la disparition de Nicole qu'un pêcheur va retrouver morte sur la plage. C'est au tour ensuite du docteur d'être grièvement blessé dans son cabinet par une silhouette noire portant des talons hauts. La police piétine même si elle suspecte un
patient que soignait le docteur, un homme devenu aveugle suite à un accident. Quant à Vanessa, l'épouse du docteur, elle découvre l'infidélité de son mari. C'est alors qu'arrive Michel venu retrouver Nicole dont il ignore la mort. Les événements se précipitent. La police arrête le gardien de la maison du docteur qu'elle découvre travesti en femme, habillé avec les vêtements de Nicole, alors qu'il s'apprêtait à tuer Michel du moins en apparence puisque Michel s'avère être le coupable des assassinats. Il connaissait bien le père de Nicole et avait organisé le vol des diamants avec lui. Afin de les garder pour lui, il l'a tué mais Ernest ne les avait déjà plus. Son seul moyen de les récupérer était donc d'approcher sa fille. Alors que
l'inspecteur l'embarque, un inattendu tour du hasard va révéler que Michel est parfaitement innocent. Le véritable assassin est tout autre.
Comme pour son thrillers suivants Ercoli s'évertue à utiliser bon nombre des éléments de base des gialli à la Argento notamment le tueur vêtu de noir et ganté dissimulé derrière un passe montagne d'où se détachent deux yeux d'un bleu électrique qui rappelle notamment L'homme aux yeux de glace de Alberto De Martino, l'utilisation d'un rasoir à la lame acérée comme arme, la voix métallique effrayante et les coups de téléphone, l'aveugle. Seul le mobile diffère puisqu''ici la motivation de l'assassin est l'argent du moins des diamants. On
se rapproche donc plus cette fois des thrillers à la Lenzi dont l'intrigue tourne autour d'une jeune femme prise au piège d'une sombre machination, l'ensemble arrosé d'une bonne dose d'érotisme. Pour continuer les mélanges, Ercoli qui avec cette trilogie a prouvé qu'il aimait mixer les genres y ajoute une touche "british" en situant le lieu de l'action dans un petit village au bord de la mer non loin de Londres.
La morte cammina con i tacchi alti se scinde facilement en trois parties distinctes. La première qui s'ouvre sur un meurtre plutôt visuellement réussi, le seul du film à l'exception de celui de Claudie Lange, spectaculaire et sanglant, le sein, la gorge et la bouche lacérés, se
déroule à Paris dans le milieu huppé des clubs de strip-tease de la capitale dont le Crazy Horse. Tout cette partie s'attarde surtout sur l'aspect érotique du film et l'anatomie de Nicole interprétée par l'épouse même du réalisateur, Nieves Navarro alias Susan Scott qui fut l'héroïne des trois gialli de son mari. Tout est prétexte pour la déshabiller un maximum même si elle n'apparaitra jamais nue cependant. Des coulisses des cabarets aux scènes de vernissage d'ongles, de lit, de toilettes et autres défilés en nuisette et tenues légères, Ercoli filme sa femme avec désir tout en la mettant en valeur même lors de son agression nocturne lorsque l'assassin la déshabille brutalement pour mieux caresser son corps du
bout de sa lame de rasoir. L'érotisme fait ici oublier le manque d'action, une absence encore plus marquée lors de la seconde moitié située désormais dans un petit village côtier anglais qui n'a d'anglais que l'apparence puisqu'il s'agit en fait de Port Lligat à Cadaquès en Espagne. Elle est presque uniquement consacrée à la romance entre Nicole et le docteur Matthews juste avant la disparition de l'héroïne en milieu de film dans la plus pure tradition hitchcockienne. Le rythme déjà assez lent au départ s'effondre totalement pour ne reprendre qu'en fin de deuxième partie pour s'accélérer lors de la troisième jusqu'au final qui accumule les rebondissements de manière étonnante. Voilà bel et bien le gros problème de ces Nuits d'amour et d'épouvante, un rythme inégal qui alterne petites scènes d'action et de pseudo
suspens et longues scènes beaucoup plus banales où l'ennui pointerait presque le bout de son nez si la beauté des décors tant intérieurs qu'extérieurs très bien mis en valeur par une jolie photographie n'attiraient pas autant l'oeil. A l'inégalité de la mise en scène s'ajoute cet humour omniprésent certes beaucoup moins exaspérant que dans La mort caresse à minuit mais qui malheureusement nuit à une intrigue dont on a déjà un peu mal à croire au départ à l'image même de Nicole dont on comprend mal les réactions. Nieves Navarro comme d'accoutumée cabotine même si elle n'atteint pas les sommets du ridicule de La mort caresse à minuit. La comédie n'ayant jamais été le point fort de l'actrice comme le
prouveront les quelques comédies dans lesquelles elle se perdra quelques années plus tard Nieves peut assez vite devenir exaspérante à force de ne pas se prendre au sérieux , se montrer si détachée face aux évènements qu'elle subit. Quant aux incessantes piques et autres déductions sur le pouce souvent absurdes que se renvoient l'inspecteur campé par un flegmatique Carlo Gentili et son jeune assistant, le séduisant Fabrizio Moresco, elles ne feront rire que ceux qui ont l'humour (bête) facile et n'aident guère à rendre plausible l'ensemble. Ce n'est jamais qu'une preuve de plus du parti pris du cinéaste de tourner à la dérision le genre dont il utilise que le coté le plus ludique. Quant à Frank Wolff, toujours aussi appréciable, qui interprète ici le docteur Matthews, Nuits d'amour et d'épouvante sera le dernier film qu'il tournera. L'acteur dont le regard libidineux nous régalera ici se suicidera en effet quelques mois plus tard incapable de surmonter son divorce.
L'histoire est fort heureusement plus crédible que celle de La mort caresse à minuit, plus travaillée. C'est là le point fort du film qui n'avait peut être pas besoin d'autant de rebondissements qui ne font qu'alourdir l'intrigue en lui faisant perdre peu à peu de cette vraisemblance salutaire jusqu'à ce final en pirouette qu'on aurait aimé plus simple car pressenti. Ercoli aidé au scénario par Ernesto Gastaldi ne cesse de brouiller les pistes de façon grossière, accumule les personnages plus étranges les uns que les autres, en tête Luciano Rossi que le réalisateur oblige ici à se travestir en femme. Si on pense aux futurs Pulsions et Body double de De Palma on a surtout pitié du pauvre Luciano, pathétique, prémices du rôle particulièrement idiot et insupportable qu'il incarnera dans le giallo suivant du réalisateur.
Souligné par une musique subtile signée Stelvio Cipriani, La morte cammina con i tacchi alti n'est certainement pas le plus mauvais giallo de Ercoli, cet honneur revenant à La mort caresse à minuit. Moins cohérent et surtout crédible que Photos interdites d'une bourgeoise, il est par contre tout aussi divertissant si toutefois on parvient à passer outre l'aspect comédie et parodique qui pourra vite en irriter certains. Ce second giallo visuellement très beau est tout simplement un petit film intéressant, un petit thriller jamais très convaincant souvent improbable qui a son coté séduisant.