L'arma, l'ora, il movente
Autres titres: La proie des vierges / La proie des nonnes / The hour, the weapon, the motive
Real: Francesco Mazzei
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Thriller
Durée: 100mn
Acteurs: Renzo Montagnani, Bedy Moratti, Maurizio Bonuglia, Eva Czemerys, Salvatore Puntillo, Claudia Gravy, Alicia Harris, Arturo Trina, Adolfo Belletti, Francesco D'Adda, Gina Mascetti, Filippo Pompa Marcelli, Lorenzo Piani, Arnaldo Bellofiore...
Résumé: Le père Don Giorgio officie au monastère d'un petit village du sud de l'Italie. Jeune homme fort séduisant il ne laisse aucune soeur indifférente et partage ses nuits avec deux maitresses, Giulia et Orchidea, l'infirmière qui soigne Ferruccio, un petit orphelin recueilli par les nonnes. En pleine crise existentielle Don Giorgio souhaite retrouver sa chasteté. Si Giulia n'y voit aucun inconvénient, Orchidea, intransigeante, exige de lui une ultime nuit d'amour. Après l'avoir quitté, il est sauvagement assassiné dans la nef de l'église. Ferruccio, grâce à un trou percé dans le plafond du grenier, a été témoin de la scène. Le commissaire Boito est chargé de l'enquête. Si le sacristain semble être le coupable idéal, Boito n'est pas convaincu de sa culpabilité. Il veut trouver l'heure du crime, l'arme et le mobile, les trois éléments qui pour lui le mèneront directement au véritable assassin qui erre dans le monastère...
Seule et unique réalisation de Francesco Mazzei à qui on doit les scénarii de Une fille nommée Julien et le piteux nazisploitation Convoi de filles, L'arma, l'ora, il movente tardivement sorti sur nos écrans de manière fort discrète en avril 76 sous les titres fallacieux La proie des vierges ou La proie des nonnes est trop souvent considéré comme un giallo. Il s'agit en fait d'un thriller clérical qui multiplie les références à bon nombre de genres tant et si bien qu'il peut sembler parfois vouloir manger à tous les râteliers.
Don Giorgio, un jeune et très séduisant prêtre de campagne, doit essuyer bien des rumeurs dans le petit village où il officie. Non seulement il ne laisse aucune des nonnes indifférente, plus précisément Soeur Tarquinia qui est secrètement amoureuse de lui, mais il partage surtout ses nuits avec deux femmes, Giulia, une cartomancienne qui trompe son mari pour lui, et Orchidea, l'infirmière qui soigne le petit Ferruccio, un enfant orphelin que les soeurs ont recueilli au couvent qui n'a pour unique compagnon qu'un petit chat noir. Malheureusement pour elles, Don Giorgio, en pleine crise existentielle, désire mettre un
terme à cette vie de débauche bien peu conforme aux voeux qu'il a juré de respecter. Orchidea est bien décidée à le faire changer d'avis quitte à le faire chanter. Elle exige de lui une dernière nuit d'amour. Désespéré, Giorgio accepte. De retour à l'église, il s'y enferme et se mortifie sous l'oeil de Ferruccio qui satisfait ses instincts voyeurs grâce à un trou qu'il a percé dans le plafond du grenier. C'est alors qu'une mystérieuse silhouette tue le prêtre. Fraichement débarqué dans la région, c'est le commissaire Franco Boito qui est chargé de mener l'enquête. Si le vieux sacristain au passé coupable est de suite accusé, Boito doute pourtant de sa culpabilité.
Il va alors tout mettre en oeuvre pour déterminer l'heure du crime, trouver l'arme et déterminer le mobile, les trois facteurs indispensables selon lui pour démasquer le véritable coupable que Ferruccio pourrait peut être bien connaitre.
Pour son unique essai cinématographique Mazzei a voulu faire dans l'original, l'étrange, le malsain. La tentative est audacieuse et mérite d'être saluée même si Mazzei échoue malheureusement dans sa tentative de créer une réelle atmosphère, à mettre en place un véritable suspens. Tous les éléments étaient pourtant là et bon nombre d'idées étaient tout bonnement grandioses. Tout d'abord celle de situer l'intrigue dans un couvent perdu
quelque part sous la chaleur d'un petit village du sud de l'Italie qui oriente par instant le film vers le nunsploitation dont il récupère quelques ingrédients: la figure du prêtre déchiré entre son voeu de chasteté et son attirance pour la chair qu'il consomme régulièrement avant de se mortifier, les nonnes éprises de ce séduisant homme qui leur fait tourner la tête et monter le désir en elles, les secrets d'alcôve...
Francesco Mazzei s'inspire aussi du pur film d'horreur tendance gothique à travers quelques séquences telle celle où le petit garçon erre de nuit dans les couloirs venteux de l'abbaye, traverse la salle où sont conservés les oiseaux et autres animaux empaillés ainsi que celle, purement fantastique, haletante, où Ferrucio est poursuivi par l'assassin dans la
crypte du couvent emplie de squelettes lorsqu'apparait soudain la silhouette spectrale d'une soeur qui le sauvera d'une mort certaine. La présence du petit chat noir de Ferruccio pourra aussi faire penser au fameux félin de Poe d'autant plus que c'est grâce à son mignon coup de patte que le coupable sera démasqué. On pensera également au fameux Mystère de la chambre jaune quant au meurtre déguisé en suicide dans une pièce close. La présence de l'enfant est elle aussi très intéressante. Malade, orphelin, il est non seulement le seul témoin apparent du meurtre mais il souffre également d'une forme de complexe oedipien. Il voit en Orchidea cette mère qu'il n'a pas connu et fantasme sur elle, créant entre eux un lien
plutôt pervers que Mazzei suggère plus qu'il ne le montre. Du giallo Mazzei lui emprunte sa silhouette meurtrière et surtout cette bille tombée du trou par lequel l'enfant observait le prêtre alors que l'assassin s'enfuyait, ce petit grain de sable qui mènera le commissaire au meurtrier lors d'un final aussi sordide que désespéré. On vise aussi parfois la comédie par le biais d'un commissaire souvent truculent et jovial qui traite son enquête avec un sérieux teinté d'humour parfois potache. Ajoutons au tableau une galerie de personnages tous bien sympathiques: un vieux sacristain maniaco-sexuel, une cartomancienne libertine, et cette infirmière aux airs angéliques qui cache une redoutable femme.
L'arma, l'ora, il movente, titre fort intelligent qui résume très bien le film, pourrait par instant faire penser à Non si sevizia un paperino de Fulci et La maison aux fenêtres qui rient de Pupi Avati auquel il pourrait s'apparenter de par son ambiance cléricale, ses ecclésiastiques coupables qui se terrent dans une abbaye de l'Italie profonde réduite à une petite communauté où tout se sait mais rien ne se dit. On est malheureusement loin du climat étouffant et sordide de ces deux films puisque malgré les efforts déployés rien ne fonctionne vraiment faute à une mise en scène trop classique et surtout trop molle. Avoir de bonnes idées et un sujet en or ne suffit pas si la technique ne suit pas. Certes l'enquête est
menée avec une certaine dextérité, doucement mais de façon cohérente. L'intrigue en elle même sans être géniale se tient malgré quelques détails grossiers qui feront sourciller le spectateur chevronné. Mais on pardonne facilement, nous ne sommes pas non plus dans une enquête judiciaire formelle. Le rythme n'est pas vertigineux mais privé de temps mort, le film n'est jamais ennuyeux. Les superbes décors naturels donnent une certaine patte au film tandis que le très beau monastère de San Cosimato situé non loin de Rome, à Vicovaco, près des falaises calcaires qui bordent l'Aniene, abrite en son enceinte séculaire les protagonistes de ce thriller atypique. Le film n'est pas très sanglant, on ne compte que trois
meurtres peu visuels mais le but de Mazzei n'est pas de donner dans le sanguinolent mais d'instaurer plutôt une atmosphère morbide, délétère. Voilà où le bât blesse. Faute en revient déjà aux personnages eux mêmes, Renzo Montagnani en tête. Plus connu pour ses comédies légères qui représentent 95% de sa carrière, Montagnani, qu'on peut comparer quant à son parcours cinématographique à notre Galabru national n'a guère eu l'occasion de prouver ses énormes talents d'acteur comme il peut le prouver grâce à l'excellent et dramatique La preda, L'ora l'arma il movente était pour lui une nouvelle chance de montrer combien son talent de comédien pouvait être surprenant. Malheureusement Mazzei a cru
bon d'intégrer au film et plus spécialement à son personnage, ce policier motorisé qui roule en Yamaha, une dose d'humour qui trop souvent désamorce une tension déjà peu présente. Le duo qu'il forme avec Salvatore Puntillo, son adjoint, affublé d'un époustouflant brushing, est souvent exaspérant et ne colle pas vraiment à l'ambiance générale. Peu crédible est également la romance entre l'inspecteur et Orchidea. S'il s'agit d'un machiavélique stratagème, en lui même acceptable, le fait qu'un policier de la trempe de Boito se laisse séduire jusqu'à leur improbable mariage, l'est par contre beaucoup moins.
Aussi séduisant soit il, le prêtre interprété par le toujours aussi attrayant Maurizio Bonuglia
pour qui on se damnerait, inoubliable en jeune hippie séducteur sous les flots bleus et meurtriers de Top sensation, est lui aussi peu crédible dans la défroque de ce père en pleine crise de foi... et on ne rajoute pas de "e" à foi! Là encore on pardonne puisqu'on aura tout de même l'occasion de l'admirer entièrement nu. En fait, il manque à L'arma l'ora il movente ce souffle de folie religieuse, ce vent d'hérésie qui devrait s'abattre sur ce couvent qui abrite péchés et tourments de l'âme, cette force sournoise qui exacerbe les faiblesses de l'Homme, un ingrédient indispensable à tout bon thriller clérical qui se respecte qu'on ne retrouvera le temps de quelques minutes seulement lors de la scène où, prises d'une sorte
de folie punitive collective, les nonnes se déshabillent et se flagellent jusqu'à épuisement dans un concert de cris de douleur et de râles d'agonie, un pur moment d'exploitation qui en ravira plus d'un à l'instar de la masturbation du prêtre sous la table lors du repas familial.
Quant au suspens, si Mazzei tente de garder secrète l'identité du tueur, on aura très vite fait de mettre un nom dessus malgré la tentative du cinéaste de brouiller maladroitement les pistes en accusant le sacristain puis le mari d'Orchidea. L'erreur vient peut être du personnage de l'enfant qui, témoin involontaire du crime, refuse que l'assassin l'approche ou de rester seul avec lui, cette peur insensée n'ayant aucune raison d'être s'il ne s'agissait pas du coupable. Ne reste plus qu'à attendre de voir quelle faute fatale il commettra pour
pouvoir être enfin démasqué. C'est le chaton de l'enfant qui mettra un terme à la mascarade lors d'une scène finale aussi tragique que pathétique.
Malgré ses défauts, L'arma l'ora il movente demeure un thriller policier parfaitement divertissant, un premier et ultime film honorable, original, loin des classiques du genre. Voilà une agréable surprise qui mérite d'être découverte et appréciée à sa juste valeur malgré l'absence d'un véritable climax d'autant plus qu'il nous permettra de revoir également la slave Eva Czemerys, la candide Claudia Gravy et Bedy Moratti, la soeur du président de l'inter FC de Milan d'alors, revue par la suite dans la peau de la pyromane de La vie sexuelle dans une prison de femmes.
Précisons qu'il ne faut pas confondre le film de Mazzei avec La proie des vierges, un film pornographique de 1972 réalisé par Henning Shellerup sorti en salles la même année que ce thriller.