Romeos
Autres titres:
Real: Sabine Bernardi
Année: 2011
Origine: Allemagne
Genre: Drame
Durée: 96mn
Acteurs: Rick Okon, Maximilian Befort, Liv Lisa Fries, Felix Brocke, Silke Geertz, Gilles Tschudi, Ben Gageik, Sigrid Burkeholder, Johannes Schwab, Tessa Lukat, Julia Schäfle, Julianne Knoppeck...
Résumé: Lukas vient d’avoir 20 ans. Il commence son service civil à Cologne en même temps que son amie d'enfance lesbienne Ine. Bizarrement affecté dans le groupe des filles, il tente de préserver à tout prix son secret. Lukas est en fait une fille prénommée Miriam, un transgenre, une fille en voie de devenir un garçon. En compagnie de Ine et quelques amis gay, il fréquente le milieu homosexuel de la ville. Une nuit dans un club branché, il fait la connaissance du séduisant et sulfureux Fabio, un jeune italien effronté, téméraire et terriblement aguicheur, connu pour ses frasques sexuelles, ce que Lukas rêverait d'être un jour. Une véritable attraction nait entre les deux garçons mais la véritable identité sexuelle de Lukas l'empêche de concrétiser cet amour. Fabio, las de le voir se refuser à lui, s'éloigne peu à peu. Un jour, il découvre bien involontairement le secret du jeune homme. Cette découverte brisera t-elle leur relation?
Les films qui traitent de transsexualité ne sont pas légion y compris dans le cinéma gay qui trop rarement aborde ce douloureux sujet. On garde surtout à l'esprit la tentative de Kimberley Peirce qui avec le fracassant Boys don't cry nous plongeait dans l'univers de Teena dont le plus grand désir était de devenir un homme. Travestie en garçon, elle tombait amoureuse d'une jeune fille, Lana, jusqu'au jour où ses frères allaient découvrir la vérité. L'enfer crasse de cette Amérique profonde, violente, machiste, homophobe du film de Peirce, fait place ici à une Allemagne lumineuse, ouverte, où la jeunesse tant lesbienne que homosexuelle vit au grand jour, s'éclate en club et s'aiment le long des couloirs sombres des discothèques. Le changement de ton est radical mais le parcours de Lukas, le jeune héros de Romeos, est tout aussi difficile et parfois douloureux que celui de Teena.
Les temps ont bien changé. Romeo et juliette ne sont plus ou du moins plus tels que nous les avons connus. Les Romeos des temps modernes sont gays, Juliette est lesbienne, parfois ce sont tout simplement des FTM, des female to male, tout simplement peut être sauf que rien n'est simple bien malheureusement. Romeos met en scène Lukas, un jeune et beau garçon aux allures androgynes en apparence ordinaire qui effectue son service civil à Cologne. Affecté dans les baraquements réservés aux filles où il retrouve son amie d'enfance lesbienne, Ine, Il commence à faire se poser bien des questions à son entourage. Seules son assistante sociale et Ine connaissent la vérité. Lukas est en fait une fille qui a depuis des mois déjà entamé un processus de transformation totale afin de devenir définitivement un garçon. De son corps de fille ne lui reste que la poitrine qu'elle dissimule sous d'épais bandages et son sexe sur lequel elle ajuste un pénis en latex. L'effet est saisissant et aucun de ses camarades ne soupçonne la véritable identité de Lukas, garçon timide, peu sûr de lui, encore moins Fabio, un jeune étalon italien qui collectionne les conquêtes masculines dont Lukas tombe amoureux, une relation compliquée, véritable jeu de cache-cache, où l'amour qui brûle en eux ne peut être consommé.
Romeos pourrait être qu'un énième film sur le milieu gay, sa facilité, ses amours d'une nuit, ses ambiguïtés, une nouvelle ode aux amours adolescentes homosexuelles comme en ont décrit maints coming of age movies. La majeure partie du métrage est ainsi centrée sur la relation du beau et sulfureux Fabio et du fragile Lukas, cette attirance si particulière entre deux garçons qui n'ont en commun que le fait d'être homosexuel, ce désir foudroyant pour cet autre qu'on souhaiterait devenir contre vents et marais, jusqu'à sa propre perte. Tout est convenu, téléphoné. Sabine Bernardi dont c'est ici le premier long métrage utilise toute l'imagerie gay habituelle afin de décrire l'univers dans lequel évolue son jeune héros. Backrooms, discothèques assourdissantes et branchées où se retrouvent toute la faune
homosexuelle allemande, acte sodomite comme pouvoir de domination, relations illusoires... Plus que le cheminement de Lukas vers sa phase terminale c'est la conclusion, la consommation de ses amours qu'on attend surtout et avant tout, de fiévreux ébats masculins, puissants, bestiaux à l'image même de cette virilité qu'il veut acquérir. Et c'est à cet acte sexuel que mèneront les divers rebondissements et autres nombreux détours parfois un peu gros (la pseudo petite amie de Fabio qui s'avère lesbienne, lui laissant le champ libre pour enfin conquérir Lukas) que déploie la réalisatrice. On regrettera l'inconsistance des personnages qui entourent les deux principaux protagonistes, conventionnels au possible, véritables stéréotypes parfois inutiles, souvent niais, Sven plus particulièrement, incarnation de la bêtise et de l'indélicatesse, et la petite soeur de Lukas, une gamine effrontée, petite peste détestable qui fera voler en éclats publiquement le secret de son "frère", une des séquences certainement les plus dures du film.
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Cependant Romeos parvient tout de même à mettre en exergue avec beaucoup de sensibilité, parfois de cruauté la difficulté d'une part de vivre coincer dans un corps qui ne nous appartient pas, d'être un entre-deux, d'autre part celle de s'intégrer dans une société qui n'est pas encore prête à accepter les transgenres pas même chez les homosexuels. C'est cette sensibilité qui donne au film son pouvoir émotionnel, cette pudeur avec laquelle Bernardi filme certaines séquences particulièrement dramatiques même si elle se laisse aller à quelques accès de voyeurisme qui raviront tout ceux qui font de la complaisance un élément de vile satisfaction et dérangeront fortement les autres comme en témoignent les scènes, tout spécialement troublantes, où elle dévoile le corps nu de Lukas, une tête d'homme sur un corps de femme à la généreuse poitrine. Ces incursions dans ce qu'il y a de plus intime chez Lukas provoquera certainement un certain malaise au delà même de la fascination morbide qu'on pourra éprouver face à cet être inachevé. Mais le principal atout de Romeos demeure la magistrale interprétation du jeune Rick Orion, acteur allemand venu de la télévision. La polémique fut grande à la sortie du film quant à la réelle identité sexuelle de Rick. Véritable transsexuel en cours de mutation ou méticuleux effet spécial? Sabine Bernardi après de nombreuses recherches de jeunes transgenres capables de jouer à la perfection le rôle de Lukas abandonna l'idée d'avoir recours à l'un d'eux.
Aucun n'était vraiment acteur et ne parvenait à faire passer toute l'émotion du personnage. Il lui fallait un comédien, doué, talentueux qui pouvait se glisser aisément dans la peau de Lukas-Miriam et arriver à transmettre le message qu'elle voulait faire passer. Son choix s'orienta sur Rick qui allait porter ses surprenantes prothèses mammaires criantes de vérité. Force est de constater que Rick Orion est absolument fabuleux. Le film tout entier repose sur ses frêles épaules. D'une étonnante justesse, à des années lumière de tout sensationnalisme, Rick est un Lukas émouvant, déterminé, d'une fraicheur exemplaire, solide comme un roc malgré les épreuves qu'il doit endurer, la souffrance et la peur avec laquelle il doit vivre au quotidien.
Toutes les scènes qui le mettent en avant sont d'une touchante beauté, imageant avec force et conviction et surtout avec beaucoup de sensibilité son profond malaise, sa difficulté d'exister mais également cette obstination presque masochiste qui le pousse à aller au bout de sa mutation qui devrait prendre encore de longs mois durant lesquels il devra continuer à cacher son corps, à aller de compromis en ruses diverses pour cacher ce secret et vivre normalement en société en refusant de surcroit toute relation sexuelle. C'est là la grande réussite de Romeos. Il est simplement dommage que Bernardi n'ait pas su retrouver tout ce tact et cette justesse tout au long du film plus spécialement lorsque Lukas est entouré de ses amis, ses connaissances ou plongé au sein de la société, faisant de Romeos un film un brin bancal.
Outre le charme androgyne de Rick Orion, on ne pourra que succomber à la beauté latino de l'incandescent Maximilian Befort qui interprète Fabio, véritable bomba latina sexuelle dont Bernardi nous dévoile la nudité intégrale lors de quelques savoureuses scènes. Insolent, sulfureux, sûr de lui, aguicheur, désinhibé, il est le prototype même du petit mâle macho à la gueule d'ange pour qui tous les mâles se damneraient pour le posséder ne serait ce qu'un seul instant, celui dont le corps (et le reste) qu'il offre si généreusement n'a plus aucun secret pour tous les petits loups en rut de la ville. Rick et Maximilian forment un couple transcendant qui en fera encore longtemps fantasmer plus d'un et montrent surtout que la transsexualité ne mène pas obligatoirement à l'hétérosexualité. Outre cette beauté de mâle
dévastatrice, Bernardi a également de la virilité une conception très odorante tellement vraie et représentative qui devrait là encore transporter de bonheur tous les amateurs d'odeurs corporelles masculines. Etre un garçon signifie sentir la transpiration, suer. C'est ainsi que Lukas, en cet été particulièrement chaud, passe son temps libre à faire d'intenses exercices musculaires, porte des T-shirts marqués de profondes auréoles, fier du parfum fort naturel de ses aisselles qu'il badigeonne simplement de déodorant à chacune de ses sorties. Un homme ne passe son temps sous la douche nous rappelle t-il ainsi! Comme quoi Bernardi a parfaitement su capter l'essence même de la masculinité afin de mieux faire tourner la tête et mettre sens dessus dessous les sens du spectateur tant et si bien qu'on sentirait presque l'odeur de notre jeune héros suinter à travers l'écran.
Romeos est une jolie romance certes convenue mais qui à le mérite de porter un regard sincère et touchant sur la jeunesse transsexuelle. Le film aurait pu être traité différemment mais Romeos fonctionne néanmoins parfaitement grâce au jeu impressionnant de ses deux jeunes vedettes et à la réalisation tout à fait efficace de Bernardi qui prouve une fois de plus toute la force du cinéma gay allemand.