Ingrid sulla strada
Autres titres: L'hystérique aux cheveux d'or
Real: Brunello Rondi
Année: 1973
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 92mn
Acteurs: Janet Agren, Franco Citti, Francesca Romana Coluzzi, Bruno Corazzari, Luigi Antonio Guerra, Alessandro Perrella, Fred Robsahm, Luciano Rossi, Enrico Maria Salerno, Marisa Traversi, Fulvio Mingozzi, Franco Garofalo, Tony Askin, Rosario Borelli, Mariama Camara, Gino Cassani, Silvana Panfili, Patrizia Meyer...
Résumé: La jeune Ingrid quitte sa Finlande natale pour Rome bien décidée à se prostituer. Elle prend le train, y fait ses premières affaires pour gagner un peu d'argent et débarque finalement dans la ville éternelle. Elle y fait la connaissance de Claudia, une prostituée qui vit chez un artiste peintre étrange. En compagnie de Ingrid apprend à vendre son corps. Elle fait bientôt la connaissance de Renato, le protecteur de Claudia, un dangereux proxénète néo-nazi sadique et bestial à la tête d'un groupuscule fasciste. C'est pour la jeune fille une lente descente aux enfers...
Brunello Rondi fait partie de ces metteurs en scène controversés qui bien souvent ont attiré l'attention à travers des sujets audacieux saupoudrés d'une ombre de violence parfois assez brutale qui font de ses films un mélange bâtard entre le cinéma d'auteur et la pure exploitation. Ingrid sulla strada ne fait pas exception à la règle.
Ingrid est finlandaise, c'est une prostituée dans l'âme, déterminée. Elle a décidé de quitter son pays natal par ses propres moyens pour se rendre à Rome afin d'y vendre ses charmes. La jeune femme prend donc le train, jette sa petite culotte dont elle n'aura plus besoin, le signe de sa toute nouvelle liberté, et commence à monnayer son corps dans les wagons pour gagner un peu d'argent. Arrivée à Rome, elle fait la connaissance de Claudia, une prostituée au franc parler qui lui apprendra les bases du métier. Ingrid se fait alors ses premiers clients dont un pervers aux tendances nécrophiles. On reconnait là le goût de Rondi pour certaines formes de perversions dont ses oeuvres ne sont jamais exemptes. On retrouvera par exemple ces tendances nécrophiles arrosées d'un zeste de pédophilie dans l'excellent Velluto nero / Vicieuse et manuelle.
Tout aussi sordide est cet artiste peintre excentrique qui crée d'étranges tableaux quand il n'épingle pas d'affreux poupons ensanglantés au mur ou sur ses toiles. Malheureusement ces petites touches morbides et malsaines n'arrivent pas à insuffler ce souffle vénéneux tant attendu à cette longue première partie consacrée à l'apprentissage d'Ingrid, ses diverses passes et rencontres. Rondi se contente de filmer sans grande originalité le quotidien de ces filles romaines qui n'ont d'autres choix que de se prostituer tout en tentant au mieux d'approfondir la relation qui unit Ingrid et Claudia. Malheureusement, l'ensemble ronronne et
n'arrive guère à passionner tant il manque d'âme et surtout d'énergie. On suit la vie d'Ingrid au jour le jour sans ressentir le mal être, le désespoir de ces prostituées romaines encore moins la tristesse, la dureté de leur vie. On pense certes à Pasolini dans cette peinture sociale mais Rondi n'est pas Pasolini et n'a pas l'art de capter toute la poésie de la rue. Faute à la désinvolture dont fait preuve la mise en scène on a un peu de mal à s'attacher au personnage d'Ingrid dont on ne connait pas ou trop peu les motivations si ce n'est à travers un long flash-back qui nous la montre entrain d'être violée par son père comme il est difficile de haïr (ou apprécier) tous ces personnages plus odieux les uns que les autres.
La seconde moitié d'Ingrid sulla strada change soudainement d'orientation et fera sans nul doute sortir le spectateur de sa douce torpeur. Lentement Rondi sombre dans l'exploitation en accumulant les scènes de violence graphique et de sadisme. Ainsi Ingrid fait la connaissance de Renato, un jeune fasciste cruel et sadique à la tête d'un groupuscule néo-nazi qui sévit sur la capitale. Particulièrement violente cette dernière partie accumule les scènes de tortures et de supplices sur fond de chants nazis qui ne seront pas là encore sans rappeler Pasolini et Salo et les 120 journées de sodome quelques années avant l'heure. On se souviendra longtemps du calvaire que subira un traitre, le pauvre Luciano Rossi, l'éternel maltraité du cinéma italien, qui après avoir été forcé à manger de la merde aura la langue tranchée au rasoir. L'esprit rebelle et entier d'Ingrid aura raison également
d'elle puisqu'elle osera se dresser contre Renato et tentera de quitter le milieu. Droguée, elle sera enlevée puis ramenée au jeune proxénète qui la violera tandis que Claudia sera poignardée pour avoir voulu venir à son aide. Désespérée, Ingrid est désormais seule, errante hagarde au vent d'hiver dans les terrains vagues, noire silhouette vagabonde et trébuchante attendant que la mort vienne enfin la cueillir. Certes, cette seconde partie est plus vigoureuse et devrait pleinement réjouir les amateurs d'exploitation et de violence sur fond néo-nazi mais elle est aussi peu convaincante que le reste du métrage. Rondi soulève trop de thèmes qu'il n'exploite jamais vraiment. Il reste au stade de la simple ébauche d'où ce sentiment de frustration et d'ennui mais surtout de grotesque notamment quant au personnage de Renato, très peu crédible. Reste un final très réussi, très beau, un no happy end plutôt émouvant, cette émotion qu'on aurait aimé retrouver tout au long du film.
Au générique on retrouvera dans le rôle titre la plus italienne des suédoises, Janet Agren, magnifique comme d'accoutumée mais qui ne parvient pas vraiment à donner une réelle envergure à Ingrid si ce n'est lors des premières scènes dans le train et le dramatique final. C'est d'autant plus dommage que Janet tenait très certainement le plus beau rôle de sa carrière. La toujours aussi monstrueusement gigantesque Francesca Romana Coluzzi, quelques années avant d'être abonnée à la sexy comédie, interprète l'extravagante Claudia avec une certaine aise. Le pasolinien Franco Citti qui avait déjà tourné pour Brunello Rondi
Une vie violente campe un chef néo-nazi impitoyable malheureusement sans grande conviction, à la limite de la caricature. On reconnaitra le norvégien Fred Robsahm et Franco Garofalo parmi les hommes de main de Renato. Enrico Maria Salerno endosse quant à lui la peau d'Urbano, le client nécrophile d'Ingrid qui à travers la jeune fille cherche à faire l'amour à sa défunte femme grâce à d'occultes subterfuges. On appréciera ou non sa prestation que certains pourront trouver ridicule et hors propos.
Ingrid sulla strada dont on doit la photographie hivernale à Stelvio Massi n'est pas un mauvais film ni même un film raté, il manque tout simplement d'énergie et d'âme véritable. En voulant traiter trop de sujets, Rondi se perd et reste beaucoup trop en surface jusqu'à provoquer un doux ennui que renforcent cet intellectualisme qu'a cru bon d'ajouter le cinéaste et des dialogues parfois peu convaincants parlés en différents dialectes. Quant aux scènes de violence si elles apportent un regain d'intérêt elles ne viennent malheureusement pas sortir Ingrid de la banalité dans laquelle elle s'enlise doucement. Voilà qui est dommage. Rondi tenait là un sujet en or.
Le film fut jadis édité en vidéo sous le titre très drôle mais absurde L'hystérique aux cheveux d'or.