Dal nostro inviato a Copenhagen
Autres titres: Sindrome infernal / Syndrome infernal / Cosi USA
Real: Alberto Cavallone
Année: 1970
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 86mn
Acteurs: Antonio Casale, Maria Pia Luzi, Tony Di Mitri, Walter Fabrizio, Vittorio Fanfoni, Michelle Stamp, Anna Ciucci, Quinto Marziale, Orazio Stracuzzi...
Résumé: Nick valenti et William Cole ont déserté l'armée américaine en pleine guerre du Vietnam. Ils ont trouvé refuge à Copenhague. Ils se font embaucher par une organisation clandestine pour laquelle ils travaillent. William habite chez un couple qui l'héberge. Le mari a des tendances homosexuelles, sa femme est attirée par William mais le jeune soldat, traumatisé par les horreurs de la guerre, sombre lentement dans la folie. Il tue la femme. Sa folie ne cessera de croitre jusqu'au point de non retour tandis que son compagnon s'adonne quant à lui à la pornographie...
Réalisé entre Le salamandre, un des plus gros succès publique de Alberto Cavallone, qui prenait pour thème le colonialisme, l'ambiguïté des relations amoureuses et le conflit des sexes et le sombre et cruel Afrika qui mettait en parallèle racisme et homosexualité Dal nostro inviato a Copenhagen est peut être le film le plus "normal" du cinéaste surnommé le poète de l'extrême mais aussi un de ses moins enthousiasme.
Originellement intitulé Cosi USA, Cavallone se vit contraint par la Cidif, le distributeur italien qui appartenait au parti communiste, de changer le titre qu'il trouvait beaucoup trop engagé. Cosi USA se transforma ainsi en Dal nostro inviato a Copenhagen, un titre moins éloquent et beaucoup plus journalistique mais surtout parfaitement ridicule que détestait le réalisateur. Si l'histoire s'inspire en partie de la tragédie de Milai, Dal nostro inviato a Copenhagen peut être considéré comme un des tout premiers films à traiter de la guerre du Vietnam, de ses conséquences et des traumatismes qu'elle engendra chez les nombreux déserteurs et anciens combattants. Si Cavallone refuse de suivre le filon alors très en vogue en Italie du film dit politico-civil, Dal nostro inviato a Copenhagen n'en est pas moins une oeuvre parfois attendrissante dans sa manière d'aborder le conflit impérialiste. C'est aussi une peinture souvent très noire et parfaitement pessimiste d'une société moderne en plein essor qui derrière le vernis de la bourgeoisie, de la richesse ne fait pourtant que reculer et s'affaisser pour lentement sombrer dans l'aliénation.
Cavallone est certes ambitieux mais loin est encore l'époque où il mélangera avec force et conviction les univers de Marx, Bataille et Lautremont à travers sa trilogie surréaliste, les particulièrement choquants et fascinants Spell, Blow job et Blue movie. Si on retrouve déjà dans Dal nostro Inviato a Copenhagen quelques unes des bases du futur cinéma du metteur en scène, il faut avouer que le film, aussi bien mené soit il dans sa construction dramatique, s'avère vite assez ennuyeux car d'une part beaucoup trop linéaire, d'autre part faute à son évident manque de force, d'énergie. C'est de façon un peu trop détachée qu'on suit l'itinéraire de ces deux anciens combattants américains du Vietnam qui ont trouvé refuge à Copenhague. Après s'être faits engagés par une organisation clandestine, leur route va
rapidement se séparer. L'un va s'adonner à la pornographie, l'autre va lentement sombrer dans la folie, incapable de surmonter les traumatismes de la guerre. Filmé pour la plupart du temps caméra à la main, un choix voulu par Cavallone afin de donner un coté documentaire-vérité à l'ensemble, Dal nostro inviato... est un pamphlet contre la guerre du Vietnam, une dénonciation des horreurs commises au nom de la guerre dans laquelle le réalisateur tente comme d'accoutumée d'y mêler une dose de psychanalyse afin de mieux pénétrer les méandres de l'esprit d'êtres perturbés tout en traitant parallèlement de sujets qui lui sont chers tels que le vide existentiel, les amours utopiques et les vies aussi diverses soient elles qui se croisent et se perdent ainsi que le non sens, l'hypocrisie du mot patriotisme.
Malheureusement la mise en scène trop inégale et surtout la faiblesse de l'interprétation exception faite de Walter Fabrizio, déjà remarqué dans Le salamandre, parfaitement crédible et impliqué dans son rôle de déserteur névrotique, ont vite raison des bonnes intentions de départ de Cavallone. Cela est d'autant plus dommage que les dialogues sont quant à eux souvent incisifs. Malgré tout, le film se laisse regarder avec un certain intérêt provenant essentiellement de sa photographie aussi grise que sale, offrant à l'ensemble un ton désespéré, froid, à l'image même des images hivernales d'une Copenhague sous la neige. Dal nostro inviato... doit en effet beaucoup au travail de Maurizio Centini qui parvient à lui donner un coté documentaire fort réaliste souvent dérangeant. Les scènes de tortures toutes très bien mises en scène ainsi que les inserts de plans d'archive rappellent par maints aspects le mondo à l'instar même du futur Afrika dans sa version longue.
Voilà qui apporte cette touche de morbidité qui devraient tant ravir les amateurs qui face à la souffrance et l'abomination trouvent toujours leur bonheur. C'est avec un plaisir extrême donc qu'on savourera entre autres la scène d'ouverture où un jeune homme est froidement exécuté par deux soldats avant d'être écrasé sous les roues d'un camion, les séquences d'ongles arrachés à la tenaille et autres genoux brisés à coups de matraque, les viols, les exécutions sommaires sur fond de bombardements, de fusillades frénétiques au beau milieu d'un enfer de feu et de sang. Outre les horreurs physiques, Cavallone met aussi l'accent sur d'autres formes de souffrances beaucoup plus morales et psychiques cette fois qui nécessitent l'usage de drogues dures telle que la morphine afin de faire oublier aux soldats les massacres et les génocides dont ils ont été les témoins, d'estomper les cauchemars dont ils sont désormais victimes au quotidien. En ce sens, l'excellente séquence dite du Bang Bang illustre de manière fort angoissante ce triste état de fait.
Lorsque Cole fait l'amour à son hôtesse il se remémore soudain les ignominies et meurtres dont il fut l'investigateur. Hagard, perdant peu à peu pied d'avec la réalité, il se met à répéter de façon aussi robotique qu'effrayante Bang Bang Bang sous le regard terrifié de la jeune femme qu'il étranglera et massacrera.
Hormis ces moments et une jolie séquence de lesbianisme qui implique également une souris, malgré les prétentions dénonciatrices toujours louables de Cavallone, Dal nostro inviato a Copenhagen est, toute proportion gardée, un des films les plus modestes de son auteur. Trop inégal pour réellement captiver, on aurait aimé retrouver tout au long du métrage cette force, cette énergie déployée lors des scènes de flash-back et de tortures, cet investissement particulièrement agréable mis en oeuvre pour imager folie et aliénation. L'alternance entre ces éclats de démence humaine, les moments plus ludiques et ces passages à vide achève de casser un rythme déjà bancal. Loin d'être un film raté, Dal nostro inviato a Copenhagen trouvera tout de même grandement sa place chez les amoureux du cinéma de Cavallone. Quant aux novices, il n'est tout simplement pas le film par lequel ils doivent débuter pour découvrir l'univers du réalisateur.
Signalons que lors de sa sortie à Milan au cinéma Durini, une des plus fameuses salles d'alors, le film provoqua un véritable tollé. Il fut retiré de l'affiche, interdit puis saisit par la police. Il fut vomi par la critique et essuya par la suite un cuisant échec publique.