Terreur cannibale
Autres titres: Cannibal terror
Real: Alain Deruelle
Année: 1979
Origine: France / Espagne
Genre: Horreur
Durée: 90mn
Acteurs: Olivier Mathot, Antonio Mayans, Silvia Solar, Annabelle, Burt Altman, Tony Fontaine, Stan Hamilton, MIchel Fontaine...
Résumé: Trois petits truands minables, Mario, Roberto et Lina, kidnappent la petite Florence, la fille d’un riche industriel. Partis se cacher dans la forêt avoisinante, ils se réfugient chez Antonio, un des rares hommes blancs qui peut traiter avec les tribus anthropophages qui peuplent la région. La chaleur moite de la jungle excite les esprits et Mario viole Manuela, la femme d’Antonio. Le trio s'enfuit. Antonio, en rage, s'associe aux cannibales pour qu'ils les lui ramènent. Les indigènes, cruels, se mettent en chasse alors que les parents de Laurence partent à la recherche de la fillette…
Si le succès de Cannibal holocaust allait dés 1979 donner naissance à un sous genre du cinéma d'exploitation, le film dit de cannibales, ce fut souvent pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur fut dignement représenté par des films tels que Cannibal ferox, le pire par les tentatives effarantes de la célèbre firme française Eurociné avec Mondo cannibale de Jess Franco et Terreur cannibale dont le réalisateur, un certain Allan W. Steele, fut longtemps une énigme. Sous ce pseudonyme se cachait en fait le pornographe français Alain Deruelle coupable d'oeuvres comme A la queue Lulu, Intimité porno, Hard sexe ou Festival porno.
Si bien souvent on a fait rimer Eurociné avec nullité, ce n'est pas Terreur cannibale qui viendra contredire le poète puisque le film de Deruelle pourrait facilement faire passer Mondo cannibale pour un chef d'oeuvre. Et c'est bien peu dire!
Tourné en 1979, achevé à la hâte en 1980 avec quelques scènes supplémentaires en cadeau bonus, Terreur cannibale fut réalisé conjointement à Mondo cannibale dont il reprend certains décors, lieux, séquences et la quasi totalité des figurants qui servent d'indigènes. Autant dire qu'une fois de plus la crédibilité n'est toujours pas au rendez-vous. Si l'absence de tout budget qui avoisine ici le néant peut excuser non pas la pauvreté mais la misère de l'ensemble, cela n'excuse pas le n'importe quoi d'une histoire sans queue ni tête encore moins l'amateurisme de la mise en scène.
C'est sur une musique digne d'un western que s'ouvre le film alors que deux petits truands minables tentent de pénétrer par effraction sur un bateau amarré dans un joli port de plaisance tout en se lançant des blagues d'une consternante bêtise, tendance sexy comédie. On poursuit par l'apparition d'une prostituée qui déambule dans la rue, on fait connaissance d'une petite fille qui joue à la poupée, de sa mère qui se fait manucurer puis de son père, un industriel apparemment riche puisque la prostituée, complice des deux truands, a l'idée de l'enlever pour récupérer une belle rançon. Voilà la base de l'intrigue jetée en cinq minutes frappantes. Puisqu'on est dans un film de cannibales, il fallait bien sûr introduire ceux ci. La fillette et sa poupée sont donc emmenées par ses stupides ravisseurs chez un de leurs amis au fond fin de... la jungle! Excités par la moiteur de l'atmosphère, un de truands viole la femme de leur ami qui, furieux, décident de se venger en envoyant à leur trousse une tribu d'anthropophages!
Sur cet abracadabrant scénario d'une totale incohérence, d'une stupidité rarement atteinte, Deruelle signe une inénarrable série Z qu'on pense par instant avoir été tourné par une bande de joyeux potaches lors d'un week-end festif de fin d'année. Point d'épaisse et étouffante forêt amazonienne cette fois, Deruelle a planté sa caméra dans une quelconque clairière lorsqu'il ne s'agit pas tout simplement d'un pré ou d'un champ de maïs. On pourra même apercevoir au loin quelques voitures garées, d'innocents badauds venus pique-niquer ignorant qu'un film se tournait. Signalons que certaines scènes qui furent par la suite rajoutées au métrage final furent tournées à la forêt de Fontainebleau et au bois de Vincennes. Bien difficile de croire même avec beaucoup d'imagination que nous sommes quelque part en Amérique du sud et que des tribus primitives puissent se cacher derrière les épis de blé. Encore plus dur d'accepter le fait de voir les protagonistes s'enfoncer dans cette jungle de pacotille en jupe plissée, talons aiguille et costumes de ville.
Quant aux cannibales eux mêmes, on retrouvera les mêmes figurants que ceux qui participèrent à Mondo cannibale mais cette fois, ils atteignent le comble du ridicule. Chaussés de baskets et pour certains de ray-bans, le brushing impeccable, rouflaquettes et moustaches bien taillées, la silhouette parfaite ou parfois ventripotents, le sourire éclatant, Deruelle s'est contenté de recouvrir leur visage de peintures multicolores et les faire danser autour d'un feu en brandissant une lance en souriant gaiement... Tout le monde s'amuse, le spectateur aussi même si le novice va de son coté très vite désenchanter en constatant qu'on est à des années lumière des films de Deodato et Lenzi voire de Mattei car Terreur cannibale pourrait faire passer Virus cannibal pour un chef d'oeuvre hollywoodien.
On oubliera volontairement de parler des dialogues si toutefois on peut parler de dialogues probablement écrits par la petite fille du film. Jamais drôles, à l'image du film lui même, ils sont d'une affligeante idiotie. De même on oubliera le supposé humour dont Deruelle a (in)volontairement saupoudré son film, destiné semble t-il à un public qui a encore l'âge de jouer dans des bacs à sable.
Terreur cannibale, véritable tranche de gruyère au niveau du scénario, multiplie et amasse les défauts cinématographiques. L'histoire se traine en longueur, la mise en scène est inexistante, le suspens totalement absent, la caméra se contente de suivre les acteurs qui eux mêmes suivent l'objectif tout en se suivant eux mêmes. Quant à l'horreur qu'on est en droit d'attendre de ce type de film en général, elle brille elle aussi par sa quasi absence. On se contentera de quelques visions de corps mutilés ou ouverts et quelques plans rapides de cannibalisme et de tripailles. Est il besoin de dire que l'érotisme est tout aussi déprimant. On se contentera de quelques seins nus et fesses flasques, une hérésie de la part d'un réalisateur venu du porno.
On reconnaitra au générique quelques uns des noms indissociables aux productions Eurociné, Olivier Mathot, Antonio Mayans, la porno star Pamela Stanford et l'ex-miss et regrettée Silvia Solar, tous plus inexpressifs les uns que le autres.
On ne saurait blâmer Deruelle pour avoir commis une telle nullité. Privé de tout budget on ne peut faire de miracle mais en tant que metteur en scène, un peu plus de professionnalisme aurait été souhaitable. Terreur cannibale est une expérience unique, on l'appréciera pour son vide cosmique, sa splendeur crétine, son incroyable débilité qui donne dans le surréalisme ou on le détestera copieusement. Quoiqu'il en soit, il ne laissera pas indifférent!