Mondo cannibale
Autres titres: Une Fille pour les Cannibales / Mangeurs d'Hommes / La Déesse Blonde / La Déesse Cannibale / Sexo Canibal/ White Cannibal Queen / La dea cannibale
Real: Jesus Franco
Année: 1979
Origine: France / Espagne / Italie
Genre: Horreur
Durée: 86mn
Acteurs: Al Cliver, Sabrina Siani, Jérome Foulon, Olivier Mathot, Antonio Mayans, Lina Romay, Anouchka, Shirley Night...
Résumé: La famille d'un anthropologue part en expédition en Amazonie. Alors qu'ils s'enfoncent dans la jungle, ils sont attaqués par une tribu d'indigènes cannibales. La femme du professeur est tuée et dévorée, le scientifique est laissé pour mort tandis que sa petite fille, Anna, réussit à s'enfuir. Elle est retrouvée, inconsciente au bord d'une rivière par les indigènes. Bien des années plus tard, le professeur est bien décidée à retourner sur les lieux du drame et tenter d'y retrouver sa fille. Celle ci est devenue une superbe jeune fille que les indigènes déifient. Son père la retrouve, l'emmène avec elle. Furieux, les primitifs sont bien décidés à ramener avec eux leur déesse blonde...
Alors que la vague de films dit de cannibales s'apprête à déferler sur les écrans de cinéma suite au succès de Cannibal holocaust, il aurait été étonnant que Jesus Franco ne cède pas lui aussi à la tentation. Ce fut chose faite avec Mondo cannibale qu'il réalisa en 1979 pour la célèbre firme de Daniel et Marius Lesoeur Eurociné. Et Eurociné ne rime malheureusement jamais avec qualité mais le plus souvent avec nullité. Mondo cannibale, parfaitement indigeste, le comble pour un tel film, ne fait pas exception à la règle.
Si le scénario de Franco tient sur un confetti, on retiendra surtout du film ses moments d'hilarité et les sommets de n'importe quoi qu'il atteint. Il faut dire que pour filmer la jungle amazonienne, Franco n'ayant pas eu la chance de ses confrères italiens, ne s'est pas rendu dans les immenses et étouffantes forêts d'Amazonie mais a choisi de planter sa caméra dans une palmeraie espagnole bordée de superbes allées touristiques que sillonnent maladroitement une jeep afin de simuler un sentier accidenté peu praticable. Une jolie rivière et une clairière étonnamment clairsemée s'ajoutent également à ce décor où l'accessoiriste aura rapidement dresser quelques huttes en paille qui feront office de repaire aux cannibales. Il fallait tout de même oser faire d'un splendide jardin botanique et d'un bois pour balades dominicales une jungle infestée de redoutables anthropophages. Ne cherchons aucune logique à tout ceci mais il est bien difficile de croire qu'une tribu d'indigènes primitifs vivant dans un sous bois touristique ait pu échapper à l'humanité!
Arrivent ensuite nos cannibales et l'hilarité atteint cette fois son comble lorsqu'on découvre une poignée de figurants français et espagnols, aux brushing impeccables, le visage simplement recouvert de cirage noir ou de splendides peintures multicolores, vêtus de pagnes et chaussés pour certains de magnifiques tennis Nike. Afin de les rendre encore plus crédibles (!) car ne doutons pas du sérieux du film, Franco leur fait parler un étrange yaourt fait d'onomatopées droit sorties d'une bande dessinée, certainement imaginé par un dialoguiste une nuit d'ivresse.
Doit on parler ici d'interprétation tant elle est catastrophique. Al Cliver, manchot, le bras dissimulé dans un boudin de tissu, semble être ivre tout au long du film, Sabrina Siani quant à elle n'a jamais été aussi inexpressive, réduite au rôle de potiche blonde, hagarde, raide de médiocrité. Tout au long du film, la malheureuse semble se demander ce qui se passe autour d'elle. Au générique on reconnaitra les acteurs indispensables à toute production Eurociné: Olivier Mathot et Antonio Mayans sans oublier la toujours insupportable Lina Romay.
On ne parlera des dialogues probablement improvisés sur place ni même de l'abominable musique disco qui sert de partition musicale.
Etrangement ce degré zéro cinématographique n'est pas dépourvu d'un certain charme. Si on voulait exagérer on pourrait même dire qu'il y a quelque chose d'assez fascinant dans Mondo cannibale. Cette impression provient d'une part des effets gore, les séquences de cannibalisme, composées uniquement d'inserts répétitifs où, filmés au ralenti en plans serrés, les anthropophages dévorent à pleines dents de la chair humaine et divers organes non identifiés. Accompagnées d'une bande son faite d'étranges bruits qui rappellent le bruit que ferait des os qu'on frappe l'un contre l'autre, il se dégage de ces séquences quelque chose de viscéralement fascinant, suffoquant. L'amateur ne manquera pas de faire le rapprochement avec la scène finale de Ilsa ultime perversions.
D'autre part malgré l'inexistence et la lenteur de la mise en scène on se plait à imaginer ce qu'aurait pu donner Mondo cannibale si Franco avait disposé de plus de moyens et d'acteurs beaucoup plus professionnel mais surtout de ce qui lui fait tant défaut, le talent. Car il faut avouer que l'histoire se tient et malgré quelques incohérences Mondo cannibale avait tout pour être crédible.
Hilarant Mondo cannibale l'est jusqu'au dernier millimètre de pellicule, c'est un fait. On est ici face à une véritable série Z dans toute sa splendeur, une inénarrable clownerie de jungle où à l'ombre des palmiers une joyeuse bande de potaches aurait décidé de faire un film d'horreur.
Mondo cannibale si elle n'est pas la pire oeuvre qu'ait produit Eurociné, car pour avoir pire il faudrait qu'il y ait eu meilleur, elle n'est en tout cas pas la plus ennuyeuse. Le film a au moins le mérite de faire rire et de susciter un tant soit peu l'intérêt du spectateur par toute une série de péripéties et de pièges grossiers dont même un enfant pourrait aisément se sortir.
Que Franco se rassure, Alain Deruelle sous le pseudonyme Allan W. Steele allait la même année parvenir à descendre d'un cran encore le niveau de l'absurdité avec Terreur cannibale. Comme quoi on peut toujours repousser les limites du n'importe quoi!