Alfredo Pea: Un si séduisant puceau
Son nom est inéluctablement associé à toute une série de sexy comédies dans lesquelles il vint rejoindre la longue liste des jeunes puceaux quelque peu maladroits ébranlés par d'incandescentes et voluptueuses créatures plus coquines les unes que les autres. Comique né, d'un naturel souvent déconcertante, il avait tout le talent nécessaire pour que s'ouvrent à lui les portes du succès, le pied dans les starting block prêt pour une longue carrière cinématographique. Ce ne fut malheureusement pas le cas puisque c'est avant tout pour le petit écran qu'il travailla le plus. Retour sur un jeune acteur au physique aussi particulier qu'inoubliable, une véritable "gueule" au regard de chien battu pleine de charme et de tendresse que le public n'a peut être pas toujours su évaluer à sa juste valeur, le séduisant Alfredo Pea.
Né le 17 novembre 1954 à Lazio, Rome, Alfredo Pea quitte le toit familial à 17 ans. Il doit donc travailler pour vivre. Intéressé par l'univers du 7ème art, Alfredo intègre une école de théâtre tout en faisant de multiples petits jobs. Il décroche son premier rôle au cinéma en 1974 à tout juste 20 ans grâce à Sergio Martino qui lui offre par la même occasion son baptême du sexe avec l'audacieux L'initiatrice / Cugini carnali, une dramatique érotique dans laquelle Alfredo tombe sous le charme de sa propre cousine, la très brulante et libérée Susan Player, qui finalement le déniaisera. Il enchaine ensuite avec le brutal polar sicilien Quelli che contano
de Andrea Bianchi dans lequel il interprète Zino, le fils boiteux de Dada Gallotti, un rôle aussi difficile que dramatique auquel Alfredo parvient à apporter une touche d'émotion. Sa prestation en devient étonnante et prouve tout le talent qui déjà sommeille en lui. C'est pourtant dans une toute autre voie que sa carrière va par la suite s'orienter puisque dés l'année suivante le jeune Alfredo va se retrouver à l'affiche de toute une série de sexy comédies dans lesquelles il va inlassablement jouer le rôle du jeune puceau dont les hormones vont être mises à rude épreuve par toute une pléthore de cousines désinhibées,
opulentes toubibs et autres profs volubiles.
Il est ainsi l'heureux partenaire de Edwige Fenech dans L'insegnante / La prof donne des leçons particulières puis La toubib du régiment. Dans le premier, il est l'adolescent à qui Edwige donne des cours à domicile tandis que dans le second il tente de se faire réformer à tout prix aux cotés de Alvaro Vitali avant de tomber éperdument amoureux de Edwige, la nouvelle doctoresse du régiment. C'est sous le charme de Femi Benussi et Dagmar Lassander qu'il tombe enfin dans Classe mista / La prof et les farceurs de l'école mixte. Si ce type de sexy comédie se caractérise surtout par le cabotinage souvent grossier d'acteurs
déjantés dont la prestation ressemble davantage à un concours de grimaces, Alfredo a su leur insuffler ce qui leur manque tant: un nuage de tendresse et d'émotion véhiculé par le naturel de son jeu, cette candeur qui lui était propre et un véritable talent de comédien. Ses personnages d'adolescents en proie aux démons du sexe prenaient une dimension humaine trop souvent absente chez la plupart de ses confrères. Spontané, Alfredo a toujours su doser à la perfection rire et émotion en laissant parler l'acteur dramatique qui sommeillait en lui, une facette qu'on avait remarqué dans Quelli che contano et de manière quelque peu différente dans Cugini carnali.
De toutes ces sexy comédies Alfredo en garde aujourd'hui un très bon souvenir dont il parle avec éloquence. Ce fut pour lui une véritable école où il a beaucoup appris, beaucoup plus que dans n'importe quelle école de cinéma. Travailler auprès de grands comédiens comme Mario Carotenuto, Vittorio Caprioli pour n'en citer que deux fut pour lui particulièrement enrichissant. Quant aux films eux mêmes, il n'en a pas honte dit-il. Ils appartiennent tout simplement à un autre temps, une autre époque. Ils étaient alors considérés comme des films importants, des oeuvres à succès qui rapportaient beaucoup d'argent. Ils ont permis à Alfredo d'installer sa carrière, d'apprendre son métier et l'ont fait vivre.
S'il continue de tourner de temps à autres quelques comédies, c'est essentiellement dans la dramatique qu'il va dés 1978 s'orienter. Il va surtout interprèter des personnages secondaires dans une poignée de pellicules telles que Caro Michele de Monicelli, L'agnese va a morire de Giuliano Montaldo et Non si scrivano sui muri a Milano. Etrangement, il ne
tiendra jamais le haut de l'affiche, condamné à des rôles de second voire de troisième plan. Son talent est sous exploité et le jeune acteur ne connaitra pas la carrière qu'il aurait du avoir. Ami intime de Edwige Fenech dans la vie, cette dernière ne tarit pas d'éloges à son égard. Fière d'avoir été sa partenaire, Edwige reconnait son immense talent, un talent hors norme pour cet acteur qu'elle qualifie de Dustin Hoffman italien. La diva affirme qu'en Amérique Alfredo serait devenu un grand comédien à l'image même de Dustin avec qui il partageait un point commun, celui de ne pas être particulièrement beau, de ne pas voir cette beauté si convoitée au cinéma. A l'instar de Dustin c'est le talent qui les rendait beaux et si touchants.
C'est pour la télévision italienne que Alfredo va dés 1978 passer le plus clair de son temps. Il va alors apparaitre dans une pléthore de téléfilms, séries et mini-séries devenant ainsi une figurante récurrente du petit écran pour lequel il continue encore aujourd'hui de travailler. Il retrouve cependant de temps à autre les salles obscures tant pour la France que l'Italie, le plus souvent dans de petits voire très petits rôles. On a pu le voir entre autres dans Maudits! je vous aimerais, L'affaire sur la vérité Savolta, The Assissi underground, Max et Bobo ou encore Les 1001 nuits de Philippe De Broca. Il participa aux plus grandes séries italiennes telles que I ragazzi di Celluloide, La piovra et R.I.S 3: delitti imperfetti.
Si pour nous il restera l'adolescent malingre un peu gauche de nos comédies grivoises qui nous a tant ému, il est réellement dommage que cette spontanéité et ce talent hors pair n'aient pas été mieux utilisés au cinéma. Alfredo avait toute l'étoffe d'un grand acteur. Voilà une grosse erreur que le cinéma transalpin a commis que nous, son public, avons quelque peu réparé en l'inscrivant au panthéon des jeunes acteurs italiens les plus touchants d'alors. Bravo Alfredo.