La principessa nuda
Autres titres: Parties déchainées / The Nude princess
Real: Cesare Canevari
Année: 1976
Origine: Italie
Genre: Erotique
Durée: 94mn
Acteurs: Ajita Wilson, Tina Aumont, Luigi Pistilli, Jho Jenkins, Rosa Daniel, Jon Lei, Walter Valdi, Franz Drago, Angelo Ciccone...
Résumé: Mariam, princesse d'un état africain régi par un despote sanguinaire, débarque à Milan pour affaires. Elle n'en est pas moins sous l'emprise maléfique du tyran. Outre cette emprise, Mariam doit faire face à un passé houleux et pornographique mais également à sa frigidité survenue le jour où elle fut témoin de la castration de son amant...
Avant toute chose il est judicieux de resituer La principessa nuda dans son époque. Alors que la Blacksploitation bat son plein outre-atlantique, le cinéma d'exploitation italien commence à son tour à avoir recours à des acteurs de couleur. Depuis le début des années 70, l'Italie a adopté Fred Williamson ou Jho Jenkins mais aussi Beryl Cunnighman, Zeudi Araya ou Lola Falana, souvent utilisés afin de donner une touche d'exotisme au film comme pour La ragazza dalla pelle di luna / La fille a la peau de lune de Luigi Scattini ou encore Il dio serpente. Mais il était encore rare qu'un acteur de couleur ait un rôle de premier plan dans un film italien. Laura Gemser__ aura ce privilège pour la série des Emanuelle dés 1976 suivie par Ajita Wilson++ dont la carrière sombrera malheureusement assez vite dans le softcore puis le hardcore.
Cette même année, La principessa nuda au même titre que Gola profonda nera est une donc petite révolution. Réalisé par Cesare Canevari, le cinéaste de l'irrévérencieux à qui on doit entre autre quelques westerns mais aussi et surtout Bourreaux SS et le fascinant giallo psychédélico-pop Una iena in cassaforte, La principessa nuda tente avec un certain bonheur de mélanger plusieurs genres dont le film érotique, politique, la comédie et le mondo dans un climat fantastique baignant dans le vaudou et la magie noire.
On suit donc les aventures de Mariam, princesse d'un état africain régi par un despote sanguinaire, débarquant à Milan pour affaires. Elle n'en est pas moins sous l'emprise maléfique du tyran. Outre cette emprise, Mariam doit faire face à un passé houleux et pornographique mais également à sa frigidité survenue le jour où elle fut témoin de la castration de son amant.
Hormis son érotisme assez soft, La principessa nuda est surtout intéressant pour ses hallucinantes séquences vaudou, ses orgies et quelques plans gore qui viennent renforcer son coté délirant.
Typique d'un certain cinéma d'exploitation italien d'alors, les séquences de transes vaudou ont un aspect envoûtant et névrotique absolument fascinant, comme filmées sous acides. Ils donnent soudain au film somme toute banal une aura sulfureuse. Afin d'insuffler à son film une aura malsaine, Canevari s'inspire des mondos lors d'une séquence de massacre de jeunes révolutionnaires recroquevillés dans des casiers individuels se faisant fusiller ainsi qu'une magnifique castration à la serpette au son des tam-tam vaudou.
On retrouve ce coté hallucinatoire et psychotique dans l'orgie finale filmée comme dans un cauchemar, toute empreinte d'un psychédélisme frénétique, véritable délire au sens fébrile du terme où les deux héroïnes se retrouvent au milieu d'un parterre d'hommes d'où surgit un nain disgracieux et vicieux.
Canevari flirte avec le mauvais goût avec raffinement, ses excès rappellent par instant ceux de Polselli dans ce qu'ils peuvent avoir de plus délirant. Tranchant avec ces moments plutôt intenses sont les séquences plus humoristiques qui rappellent la sexy comédie de par ses répliques et ses politiciens farfelus qui ne voient en Mariam qu'un simple objet sexuel.
Pourtant derrière ses apparences trash, La principessa nuda par certaines de ses facettes cache peut être un film beaucoup plus sérieux. On peut le voir en effet comme une satire politique, la vision d'une certaine l'Italie moyenne d'alors à forte concentration communiste coincée entre une église réactionnaire et un état corrompu, même si le coté définitivement exploitation du film empêche ici de parler de propagande, désamorçant ainsi toute forme de discours.
L'histoire de ce tyran sanguinaire ne serait elle d'ailleurs pas inspirée de celle du président ougandais Amin Dada.
On peut aussi voir dans le film de Canevari non seulement la place de la femme noire dans la société d'alors mais aussi une image de la vie noire en général, une image assez représentative du cinéma des années 70. Cette vie n'est pas toujours montrée sous son aspect le plus positif mais Canevari a su ici garder une certaine dignité vis à vis des noirs en dénonçant cette fois beaucoup plus les politiciens blancs, rapaces et perfides même s'il n'évite pas certains clichés ou écueils comme le traditionnel sage noir, très hollywoodien, ou la sexualité de la femme de couleur, débridée et mangeuse d'hommes.
La réussite de La principessa nuda doit beaucoup aussi à ses interprètes puisque Canevari a fait appel à de grands noms du cinéma italien comme Luigi Pistilli et Tina Aumont. Quant au rôle de Mariam, c'est Ajita Wilson qui se glisse dans la peau de la princesse pour son deuxième grand film après Gola profonda nera. Ajita quasi parfaite ici apparemment à l'aise dans ce milieu érotico-vaudou. Plutôt convaincante, elle laisse percevoir quelques émotions luttant contre ses démons intérieurs. Elle en devient parfois même attachante. Peut être que le film doit aussi à cet étrange personnage qu'était George devenu Ajita en 1974, son mystérieux et douloureux passé épousant assez bien cette comédie érotico-trash imbibée de magie noire.
Sorti chez nous en 1980 dans les circuits X sous le titre Parties déchainées, La principessa nuda derrière son coté définitivement exploitation cache peut être plus qu'il ne veut l'avouer mais on retiendra surtout l'aspect hypnotique et totalement bizarre de ses séquences érotiques et vaudou. Canevari a réussi quelque part l'étrange amalgame entre un cinéma trash et malsain et un certain cinéma d'art.