Maniaco Deprebis

Des huit films que réalisa Tiziano Longo entre 1964 et 1977 seulement deux ont été distribué à la sauvette dans les salles françaises, Malicieuse à 16 ans et L'étalon, deux titres assez représentatifs de l'univers du metteur en scène. Longo s'est en effet spécialisé dans la comédie érotique et le drame érotique tendance morbide, un genre très à la mode dans le cinéma italien des années 70. Réalisé en 1975 juste après La profanazione La prova d'amore ne fait pas exception à la règle.
Angela a 16 ans. Jeune fille sage issue d'une famille bourgeoise très conservatrice elle est

au lycée. C'est là qu'elle fait la connaissance de Gianni, lui aussi 16 ans, le Don Juan de l'établissement. Lui aussi venu d'une famille aisée mais bien plus libéré il appartient à un groupe syndicaliste qui se réunit régulièrement. Angela tombe rapidement amoureuse de Gianni mais elle refuse de coucher avec elle. Elle est vierge et souhaite garder sa virginité jusqu'à ce qu'elle soit sure de ses sentiments. Le garçon respecte son désir. Soupçonnant que leur fille a un petit ami les parents d'Angela sont très remontés contre elle mais Angela s'en moque. Elle est heureuse avec Gianni. Elle ignore qu'il voit régulièrement une artiste peintre, une séduisante femme mature qui utilise l'adolescent comme modèle nu pour ses

toiles. Ce n'est évidemment qu'un prétexte pour coucher avec lui à chacune de ses visites. Gianni et Angela se trouvent un vieil appartement qu'ils aménagent. Ils s'y retrouvent en secret après les cours. Sûre d'elle Angela se sent enfin prête à lui offrir sa virginité. Elle est folle de joie mais cette nouvelle provoque la fureur de sa mère, outrée par l'attitude de sa fille. Quelque temps plus tard Angela surprend sa mère au lit avec son oncle. Inconsolable elle veut trouver du réconfort auprès de Gianni mais elle apprend de la bouche du meilleur ami de Gianni qu'il s'est non seulement vanté de l'avoir défloré mais qu'il n'est pas aussi amoureux d'elle qu'il le prétend. Il drague à tout va dans son dos. Dépitée Angela va le voir.

Elle le surprend entrain d'embrasser l'artiste-peintre dans sa voiture. Elle s'enfuit et se réfugie dans leur appartement secret. Désespérée Angela se suicide en avalant un tube de tranquillisants.
Cette preuve d'amour c'est le fait que Gianni respecte le souhait de sa petite amie et accepte de lui faire l'amour seulement le jour où elle se sentira prête. C'est beau! C'est romantique! Du moins dans l'intention. Dans les faits c'est un peu différent car la libido de l'adolescent est en ébullition. Il n'est pas un un petit macho pour rien. De façon plus générale c'est un garçon! Sur cette base Longo concocte une comédie adolescente banale, guère originale

comme il en existait alors des dizaines qui sortaient sur les écrans. Rien ne distingue vraiment La prova d'amore d'une autre comédie scolastique. Longo y rassemble tous les clichés habituels, les lycéens libidineux parmi lesquels le tombeur, la pucelle, le bon gros, des parents très vieux jeu (presque austères)... le tout sur fond de gags à la Porky's et de contexte social anticonformiste très années 70 survolé de façon très superficiel, ce qui semble être la marque de fabrique du réalisateur puisqu'on retrouve cette superficialité dans quasiment tous ses films. Rien de bien nouveau dans l'univers adolescent donc, rien de très original non plus. Longo signe un film certes routinier mais divertissant qui reste

agréable à regarder. Jamais vulgaire, pas vraiment niais, La prova d'amore possède une certaine fraicheur, une certaine amertume aussi quant au regard que porte Longo sur les premières relations sexuelles et cette fatidique "première fois" sur laquelle repose toute l'histoire.
Plus inattendu est le virage qu'amorce le film lors des vingt dernières minutes. Nous étions au coeur d'une comédie lycéenne légère avec son lot de gags et situations coquines. Tout bascule après que Angela et Gianni aient fait l'amour. La jeune fille est heureuse, sur son

petit nuage de princesse. En moins de dix minutes elle découvre que Gianni est un garçon comme les autres (contrairement à Ziggy!!!!), qu'il s'est vanté de l'avoir défloré auprès de tout le lycée. L'image du Prince charmant se brise en mille éclats. Puis elle apprend qu'il n'a que faire d'elle, elle n'est qu'un trophée de plus à son tableau de chasse. Elle le voit ensuite entrain d'embrasser la peintre pour qui il pose. Ultime coup de massue: elle surprend le même jour sa mère, si bigote, si moralisatrice, au lit avec son... oncle! L'image de la famille pure et unie vole elle aussi en éclats. Tout l'univers d'Angela se brise en quelques heures seulement. De la comédie adolescente légère on passe à la comédie aigre-douce, au

drame adolescent (la spécialité de Piero Regnoli à qui on doit le scénario) qui mène au suicide de la pauvre écolière. Point de happy-end non plus, le film se termine sur son enterrement, Gianni ne semblant guère bouleversé par la tragédie dont il est la cause. Le macho dans toute sa splendeur. Un final intéressant, assez touchant, qui fait regretter que Longo n'ait pas adopté plus tôt ce ton plus sérieux, plus noir comme il le fera quelques années après avec L'étalon, un de ses meilleurs films.
La prova d'amore doit aussi beaucoup à Ely Galleani, à la fois belle et candide, très naturelle, dans le rôle d'Angela. Elle nous offre de surcroit quelques nus intégraux très sensuels donnant ainsi au film son quota de scènes érotiques. Bruno Zanin, son partenaire

(le Titta de Amarcord, La prima volta sull'erba, La polizia ha le mani legate...) avec son physique à la Delon crève l'écran de son regard électrique mais son jeu est trop quelconque pour rendre crédible son personnage. Dommage. Pour compenser il nous gratifie lui aussi de quelques plans de nu tant dorsaux que frontaux, de quoi nous faire admirer son intimité de jeune étalon, chose rare dans ce type de films où la nudité restait surtout féminine. On regrettera que l'excellente Adriana Asti soit aussi peu présente mais ses quelques séquences sont délectables. Jenny Tamburi joue la meilleure amie d'Angela. Françoise Prévost est une mère ultra conservatrice, rigide, peu aimable. Quant au petit gros, le benêt

de service, c'est l'éternel rouquin Stefano Amato qui une fois de plus lui prête ses rondeurs, Stefano aura passé sa carrière a joué l'ami obèse et niais, le puceau frustré.
Amené par une jolie partition musicale tendance eau de rose La prova d'amore est une modeste comédie adolescente certes peu originale mais cependant fraiche et divertissante dont on appréciera le final amer. Totalement oublié des éditeurs (comme la plupart des films du metteur en scène) La prova d'amore fait aujourd'hui partie de ces pellicules devenues quasiment invisibles. L'unique moyen de visionner cette comédie reste l'antique VHS italienne particulièrement médiocre, presque irregardable ce qui en fait un Graal pour le collectionneur. Quel dommage! Tant de films perdus ou oubliés.