Jerry O'Sullivan: le Golden Youth
S'il est bien un film qu'on ne présente plus c'est Mad Max et son principal protagoniste Max, Max le guerrier de la route. Dans le deuxième volet de ses aventures sorti en 1982, The road warrior, gravitait autour de lui un certain nombre de personnages devenus au fil du temps aussi célèbres que celui incarné par Mel Gibson. Parmi eux Wez le chien de guerre interprété par l'impressionnant Vernon Wells, l'homme au gyroptère joué par Bruce Spence, l'enfant sauvage alias Emil Minty sans oublier le seigneur Humungus alias le body-builder suédois Kjell Nilsson qui depuis a tombé le masque.
Il en existe également un autre, plus discret cette fois, un personnage auquel on ne pense pas immédiatement. S'il n'a qu'un rôle de troisième plan voire de simple figurant, muet de surcroit, il a pourtant marqué les esprits et personne aujourd'hui ne l'a oublié tant pour sa beauté que pour une certaine forme d'interdit qu'il incarne. On ne peut donc en faire
abstraction tant sa présence troublante aux cotés de l'imposant Vernon Wells est remarquable.
Essentiellement connu sous le nom de Golden youth, sous nos cieux de Giton, c'est le jeune Jerry O'Sullivan qui en 1981 incarnait le docile compagnon de Wez. Longtemps crédité sous le pseudonyme Jimmy Brown, ce jeune australien peroxydé à l'allure androgyne n'a jamais voulu être acteur. Dés la fin du tournage il mit d'ailleurs un terme à sa très courte carrière de comédien. Il disparut des feux de la rampe pour retourner à l'anonymat le plus total comme évaporé de la surface de notre planète. Pas même George Miller n'a su ce qu'il était devenu. Qui était-il? Difficile encore aujourd'hui de lever le voile de mystère qui l'entoure. Pour tenter d'en savoir un tout petit peu plus sur Jerry il faut se référer aux propos de Miller lors d'une vieille interview donnée au début des années 2000, des souvenirs vaporeux confirmés par des membres du staff qui travaillèrent sur The road warrior, propos relégués par la suite sur les blogs de fans américains consacrés au film.
C'est en le voyant un jour débouler par hasard sur le plateau que George Miller offre à Jerry la chance de faire partie du casting, d'intégrer ce monde post-apocalyptique où errent des hordes de punks sauvages. Jerry était en fait livreur de pizza. Il venait régulièrement apporter les pizzas sur les lieux du tournage. C'est là que Miller le repère. Jerry possédait les traits, le look requis pour personnifier le jeune esclave de Wez. Avec son visage androgyne d'adolescent boudeur, ses longs cheveux décolorés, son regard aussi noir que la tenue de cuir qui moule son corps svelte mais musclé, Jerry incarne à la perfection le Giton, ce jeune esclave sexuellement soumis qui relève de la pure imagerie homosexuelle sadomasochiste.
L'homosexualité dans Mad Max 2 est un élément sous-jacent indéniable présent en filigrane tout au long du métrage. Il y a d'abord ces hordes de punks gainés de cuir noir, vêtus de pantalons sans fond facilitant les plaisirs sodomites, d'où est absente toute
présence féminine. On remarquera que lorsque ces punks violent une femme Wez ne participe pas à l'agression, il préfère retourner auprès du Golden Youth. L'homosexualité prend une forme plus concrète, plus évidente à travers la relation qu'entretiennent le chien de guerre et le jeune garçon. Il le tient enchainé comme tenu en laisse (pratique indissociable des plaisirs SM), l'expose sur sa moto comme on expose un trophée. Si on observe bien, avec arrêt sur images, on peut lire tour à tour sur le visage du Golden Youth (ou à travers ses expressions) la peur, l'intimidation, l'obéissance, le respect. Comme quoi le personnage aussi subtiles que soient ces observations est bien plus travaillé qu'il n'y parait.
Le Golden youth est ainsi l'incarnation même des relations dominant-dominé, de domination-soumission, ces relations esclavagistes qui n'excluent en aucun cas l'amour. Il y a de grandes chances pour que lui et Wez soient donc amants. Nous avons tous perdu un être cher''" dit Humungus à Wez fou de rage et de douleur après que le Golden youth ait été tué par l'enfant sauvage. Si à l'écran Miller garde une certaine ambiguïté quant à leur relation, elle prend cependant dans cette scène toute sa signification intrinsèque. Le spectateur quant à lui pourra ainsi imaginer les ébats torrides et virilement brutaux des deux hommes mais aussi le passé du Golden youth et la façon dont Wez l'a conquis. Il se dit d'ailleurs que Miller avait imaginé le passé du Golden youth mais ces scènes ne furent jamais tournées.
Quant à Jerry ce dont se souvient le staff ce sont les parties de cartes qu'il disputait avec ses partenaires Kjell Nilsson et Vernon Wells lorsqu'ils ne tournaient pas. Il serait intéressant de savoir ce dont les deux intéressés se souviennent à propos de Jerry, notamment Vernon avec qui il partagea la majorité de ses scènes.
Jerry O'Sullivan rejoint la longue liste des acteurs qui resteront à jamais célèbres pour une seule et unique composition, de ces visages qui font partie de l'inconscient collectif cinématographique et resteront à jamais un doux mystère. Mais est-ce important? Le mystère ne fait qu'accroitre l'amour qu'on leur porte et Jerry O'Sullivan, pardon notre Golden youth, a conquis son public qui lui voue un véritable culte jusqu'à avoir crée une figurine à son effigie. Il n'y a qu'à voir également toutes les discussions dont il est le principal sujet auprès des fans, alimentant bon nombre de fantasmes auxquels sa beauté juvénile n'est pas étrangère. Le Golden youth est au fil du temps devenu une figure, un symbole incontournable au sein de la communauté gay, beaucoup se reconnaissant en lui. Sans parler de tous les fans qui regrettent qu'il soit oublié des conventions Mad Max. Comme quoi s'il restait à le démontrer, Jerry fait partie de la légende et les légendes sont immortelles. Bravo Jerry! Les portes du Maniaco te sont ouvertes... si jamais tu nous lisais!