La profanazione
Autres titres:
Réal: Tiziano Longo
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Drame / Nunsploitation
Durée: 78mn (version censurée)
Acteurs: Laura Ambesi, Ennio Biasciucci, Raimondo Bulzoni, Teodoro Corrà, Carla Giarè, Luigi Antonio Guerra, Anna Orso, Jean Sorel, Simonetta Stefanelli, Anita Strindberg...
Résumé: Massimo, un chirurgien quadragénaire dont le couple traverse une crise existentielle, tombe amoureux de sa jeune assistante Angela, une religieuse, elle aussi séduite par cet homme qui la trouble. Le chirurgien divorce et épouse Angela qui souffre de gros blocages. Elle n'assume pas sa sexualité encore moins sa vie d'épouse. Furieux Massimo décide de l'humilier psychologiquement afin de décoincer sa jeune épouse...
De Tiziano Longo peu de choses nous sont arrivées en France. De ce peu prolifique réalisateur on doit surtout quelques malicieuses pellicules malheureusement oubliables qui tirent essentiellement vers le teensploitation et le drame érotique morbide. A son actif on citera notamment Malicieuse à 16 ans, La prova d'amore ou encore L'étalon. En 1974 il signe son troisième film, La profanazione, un titre qui sous entendrait une pellicule sympathiquement hérétique.
Massimo Banti est chirurgien dans un hôpital tenu par des soeurs. Il est marié à une femme
dont il n'a plus réellement envie. Son couple traverse une crise, l'ennui a pris le dessus. Il s'aperçoit un jour que sa jeune assistante, soeur Angela, a des sentiments pour lui. Si au départ il n'en fait guère attention elle finit par occuper ses pensées tandis que la jeune religieuse est de plus en plus attirée par lui. Ils finissent par coucher ensemble. Massimo quitte sa femme et épouse Angela qui n'assume pas sa sexualité. Elle fait un blocage. Cette situation rend furieux Massimo qui va tenter de la désinhiber en l'humiliant psychologiquement. C'est un échec. Il décide alors d'organiser une hippie-party à laquelle il la convie afin de lui montrer ce qu'est la vie d'une jeune femme moderne. Il espère ainsi la
décoincer et lui faire prendre conscience de son corps et assumer ses désirs de femme.
Peut-on considérer La profanazione comme un nunsploitation? On pourrait puisqu'un des principaux protagonistes est une jeune soeur tombée amoureuse du chirurgien pour lequel elle travaille. C'est l'histoire d'un amour impossible, celle d'une religieuse déchirée entre ses voeux et ses désirs de femme. Mais plus qu'un nunsploitation La profanazione est avant tout un drame bourgeois érotique comme l'Italie avait l'habitude d'en tourner dans les années 70. On le sait depuis longtemps la bourgeoisie n'est que vice et perversion et s'ennuie toujours autant. On ne compte plus les couples en pleine crise existentielle qui se
cherchent sans jamais plus se retrouver, ne savent plus comment tuer le temps et vont donc voir ailleurs pour tenter de régler leurs problèmes. Le film de Longo reprend ce thème sans rien changer d'un iota. On a donc d'une part un couple de quadragénaires, un chirurgien réputé qui s'est lassé d'une épouse plutôt vorace, et une jeune fille innocente, une religieuse dont il va lentement s'éprendre et avec qui il aimerait pouvoir retrouver une sexualité épanouie. Le sujet est intéressant, le titre prometteur, le film est pourtant une déception. De Longo on ne pouvait guère s'attendre à un miracle même lorsque Dieu est de la partie. La
profanazione ne décolle jamais vraiment. Il est insipide, un terme qui ici rime avec stupide.
Toute la première partie soit trente cinq minutes se contente de filmer des opérations chirurgicales au rabais dont on a que faire. Très vite on se lasse de cette répétitivité qui sent le manque d'inspiration. Lorsque Massimo n'opère pas il assiste à des réunions bourgeoises organisées par son épouse au cours desquelles on boit du whisky tout en parlant fadement de sexualité. Comment ne pas sourire lorsque l'épouse déboule au milieu du salon habillée en soeur, jarretelles et bas résille sous sa robe, et lance le thème de la soirée: débattre sur le plaisir que peut prendre une religieuse en se touchant! On n'aura
jamais la réponse. Le débat était trop compliqué pour Longo et son scénariste Piero Regnoli, un habitué des films à scandale. Les moments involontairement comiques ne manquent pas. Lorsque Angela s'évanouit en pleine opération, troublée par Massimo, personne ne s'affole. Les docteurs la posent simplement sur un matelas à coté du patient, soulèvent sa robe et baissent entièrement sa culotte pour lui faire une simple piqure dans la cuisse! Note à nous mêmes: éviter de se faire admettre dans cet hôpital! Arrive enfin le moment où Angela se laisse aller dans les bras de Massimo, un moment qui sincèrement déçoit tant il est sobre. La deuxième partie peut alors débuter. Nous sommes repartis trente cinq autres minutes.
Cette seconde moitié est consacrée à la relation compliquée entre Angela et Massimo qui a épousé la religieuse (mais on a assisté à aucun mariage, on l'apprend à travers un simple dialogue). Voilà qui peut étonner puisque Massimo est déjà marié. Etrangement sa femme a un temps disparu du scénario, sans explication, pour refaire soudainement surface et approuver le choix de son ex-mari. C'est un des gros problèmes de cette Profanation. En plus des ellipses qui obscurcissent la trame narrative ses protagonistes ne sont que de simples silhouettes dénuées de toute psychologie, un élément essentiel à ce type de film. Impossible de s'attacher à ces personnages, de ressentir quoique ce soit, de comprendre
leurs actions, leurs décisions, leurs tourments. C'est détaché, interrogatif, qu'on suit une intrigue que des dialogues par moment aberrants et des situations improbables rende invraisemblable.
Et c'est justement durant la deuxième moitié de son métrage que Longo aurait du user de psychologie. On a d'un coté une jeune femme qui vit très mal sa sexualité, sa vie d'épouse. Perdue, déstabilisée elle accumule blocages, contradictions et complexes. De l'autre on a un homme présomptueux, égoïste, incapable d'éprouver de l'empathie pour son épouse, un parfait macho dans la pure tradition des années 70. Pour l'aider il va user de cruauté en
l'humiliant psychologiquement pensant ainsi la débarrasser de ses inhibitions. Le concept est intéressant mais tellement mal développé qu'il en devient déconcertant et prête à sourire. Difficile de croire à cette relation tourmentée dont le point culminant est la fête hippie qu'organise Massimo, tentant le tout pour le tout. Réduite à quelques chevelus qui se déhanchent sur un vieux disque au milieu du salon avant de commencer à se déshabiller devant Angela, déconfite, cette hippie-party ressemble plus à un canular qu'à une thérapie de choc. Et si les ultimes images (plutôt prévisibles) sont empreintes d'une grande tristesse, point de réel happy end ici, elles résument pourtant parfaitement le film: décevant!
L'interprétation ne fait pas vraiment d'étincelle malgré un trio d'acteurs alléchant. Jean Sorel est mono-expressif mais toujours professionnel. Anita Strindberg est peu présente mais toujours aussi altière et surtout elle nous offre une apparition déguisée en nonne débridée. Stefania Simonelli est belle, innocente mais trop fade dans le rôle de soeur Angela.
Certes on peut trouver des excuses au tandem Longo-Regnoli. Sans budget on ne peut guère faire de miracle. On fait ce qu'on peut. Mais il est surtout difficile de juger un film mutilé par la censure puisque si on en croit le visa qui lui fut attribué en 1974 c'est plus de 10 minutes de pellicule qui furent coupées afin que le film obtienne une interdiction aux moins
de 18 ans. C'est la seule copie du film qui apparemment existe encore, une copie rarissime qui fut diffusée sur les chaines italiennes à la fin des années 80 avant qu'elle ne disparaisse. La profanazione est quasiment introuvable aujourd'hui.
Bercé par une jolie partition musicale signée Carlo Savina (et une chanson chantée en français par la grande Frida Boccara, "Un amour impossible") La profanazione aurait pu être un bon film. Quelques scènes font même illusion et sont plutôt intéressantes, quelques réflexions et traits de dialogue ça et là mais cela est trop insuffisant pour faire du second film de Longo une réussite. La profanazione dans sa version tailladée est un petit drame bourgeois ennuyeux, parfois involontairement drôle et dénué de toute intensité psychologique et émotionnelle, un point commun aux films du cinéaste. Un grand dommage pour ce film devenu un Graal sacré pour le collectionneur.