La corte notte delle bambole di vetro
Autres titres: Je suis vivant! / Short night of the glass dolls / Paralyzed / Short night of the butterflies
Real: Aldo Lado
Année: 1971
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 92mn
Acteurs: Jean Sorel, Ingrid Thullin, Barbara Bach, Mario Adorf, Fabijan Sovagovic, José Quaglio, Relja Basic, Piro Vida, Sven Lasta, Luciano Catenacci, Daniele Dublino...
Résumé: Gregory, un journaliste est retrouvé mort dans un parc au petit matin. Il est amené à la morgue où les médeçins s'apprêtent à pratiquer son autopsie afin de déterminer les causes de sa mort. Malgré les apparences, Gregory n'est pas mort. il est tombé en catalepsie et assiste avec horreur aux dernières heures de sa vie puisqu'il lui est impossible de bouger ou d'émettre le moindre son. Il n'a plus que quelques heures pour se rémémorer ce qui lui est arrivé cette nuit là et trouver le moyen d'éviter une fin atroce...
Injustement méconnu sous nos cieux et n'ayant jamais fait l'objet d'une sortie salle, Je suis vivant ! est un film qui, s'il ne brille pas par ses qualités artistiques, excelle dans un genre autrefois magnifié par Mario Bava et Dario Argento, le giallo. Il se distingue surtout par son atmosphère oppressante, irréelle, dans lequel il baigne. On se laisse vite prendre au jeu en menant l'enquête en même temps que le malheureux héros, victime inerte d'un effroyable coup du sort dont la seule issue semble être la mort s'il ne parvient pas à trouver les raisons qui l'ont plongé en catalepsie.
Mélant avec subtilité le policier et le fantastique, Je suis vivant! surprend par son scénario hybride qui entraine le spectateur dans les méandres d'une effarante histoire. Si parfois le suspens retombe pour faire place à quelques lenteurs, ce n'est pas une raison pour que le spectateur relâche son attention. Chaque détail aussi infime soit il a ici son importance et constitue une des pièces de ce puzzle macabre que doit reconstruire Gregory, véritable mémoire vivante mais qui appartient déjà au passé. C'est là que le film de Lado puise toute son horreur et rarement film n'avait si bien porté son nom même si le titre original, moins percutant mais tout aussi énigmatique - La courte nuit des poupées de verre- laisse entrevoir pour les plus perspicaces une partie du mystère.
Je suis vivant! c'est le cri que voudrait hurler ce journaliste allongé sur son lit de mort aux médecins qui l'entourent et le croient mort, préparant inéluctablement son autopsie s'il ne se réveille pas à temps. Paralysé, les yeux fixes, il doit se livrer à un véritable combat sur lui même, faire des efforts surhumains pour que puisse jaillir de sa poitrine ce cri salvateur. Les gros plans sur son visage sans vie et la voix-off qui représente sa conscience renforcent cette peur viscérale qu'on n'oserait pas même imaginer dans nos pires cauchemars. Je suis vivant! baigne d'un bout à l'autre du métrage dans un climat oppressant, macabre. La mort est omniprésente. Elle se manifeste dés le début du film par la vision de ce corbeau qui picore non loin de l'endroit où gît Gregory. Il devient le symbole funeste de La Grande Faucheuse dont la sinistre ombre pèse sur tout le film. Que ce soit sous les lumières blafardes de l'hopital, à la morgue où Gregory est entouré de vrais cadavres, par les bistouris prêts à le disséquer ou dans les images des derniers jours de sa vie, la mort le suit, le traque, l'entoure et semble être l'unique réponse à ceux qui cherchent trop à éventer certains secrets interdits.
Chaque personnage tous plus ambigu et inquiètant les uns que les autres aussi bien dans l'entourage proche du héros que les personnes qu'il est amené à côtoyer semble détenir une des clés du mystère ou être un morceau du puzzle: un professeur qui fait des expériences sur la douleur et la mort à travers des végétaux, l'aveugle qui détient d'importantes informations mais qui semble terrifié par des événements qui le dépassent ou encore le vieil homme assassiné la nuit où il allait réveler certaines réponses, le meilleur ami de Gregory ou Jessica son assistante particulièrement trouble.
Je suis vivant! est comme un jeu de devinettes et de symboles derrière lesquels se cachent l'incroyable vérité. C'est bien insidieusement dans le titre original que Lado soulève un des voiles du mystère. Longtemps on se demande ce que sont ces étranges poupées de verre qu'évoquent le titre, ces papillons de cristal autour desquels la clé du mystère semble tourner et qui obséde le héros. Et c'est du cristal que surgira la lumière! Quel autre meilleur symbole aurait pu choisir Aldo Lado? Implacable, les pièces du puzzle vont alors parfaitement s'emboiter. Le réalisateur ouvre plusieurs portes donnant à son oeuvre différentes directions. Une petite quantité de thèmes sont mis en exergue. Vampirisme, recherche de l'éternelle jeunesse, satanisme, le film franchit les frontières du fantastique mais sans jamais expliquer ou rationaliser ce qu'il montre, laissant planer le doute. Pouvoir et agonie se marient d'une abominable façon au coeur de toute une secte secrète dans les griffes de laquelle Gregory est tombée bien malencontreusement. La mort prend alors toute sa terrible dimension, C'est l'agonie de pauvres jeunes filles offertes en bacchanales organisées par de hauts dignitaires mondiaux, c'est l'agonie d'un corps sur une table de dissection, l'agonie d'une société tout simplement ravagée.
Tout aurait été un peu facile si le film se concluait ainsi. Les inquiètantes images finales, d'une incroyable dureté tant elles sont cruelles dans leur signification mettront de façon inattendue un terme à ce voyage dans le passé. Rarement le destin d'un homme n'aura été aussi horrible, son long calvaire cataleptique étant peu de chose face au sort qui lui est réservé dans les dernières secondes. Ce sont dans ces plans que les ultimes révélations se feront, que les derniers masques tomberont sous les yeux révulsés de ce corps paralysé.
Tourné en 1971 à Prague, la ville mystère par excellence, Je suis vivant! n'a rien des qualités visuelles des oeuvres auquel il fait référence mais Lado a su profiter tout de même des beaux décors qu'il avait sous la main. Correctement filmé et mis en scène, doté d'une jolie photographie, le film a comme autre atout sa solide interprétation, Jean Sorel, Ingrid Thullin et Barbara Bach en tête. Quelque peu mésestimé, Aldo Lado signe une oeuvre magistrale, forte et envoûtante.