Steve Hawkes: l'homme qui murmurait aux oreilles des lions.
La vie de cet Hercule croate fut la concrétisation d'un rêve d'enfant, un conte de fée qui trop vite vira au cauchemar. Si son nom, synonyme de courage, s'ajoute à la liste des acteurs ayant incarné à l'écran Tarzan c'est surtout pour la tragédie qui le frappa qu'on se souvient de lui aujourd'hui puisqu'en réalisant son voeu le sort le condamna à la souffrance. C'est à une aventure féerique que nous vous convions aujourd'hui, celle d'un amoureux éperdu des animaux sauvages, une aventure qui le mena du Paradis droit en enfer, celle du malheureux Steve Hawkes, décédé il y a tout juste deux mois.
Né en 1942 en Yougoslavie Steve Hawkes de son véritable nom Stjepan Sipiek a dés son plus jeune âge voué une affection toute particulière aux lions. Cet amour se souvient-il lui est venu de son admiration qu'il avait étant enfant pour Johnny Weissmuller immortalisé pour son interprétation à l'écran de Tarzan. Le jeune Stjepan, fasciné par ce personnage; s'est alors juré d'être lui aussi un jour Tarzan et d'avoir comme lui des lions. Il savait qu'il allait devoir travailler dur pour y arriver mais il tint sa promesse. Dés l'adolescence il se mit à la natation puis à l'haltérophilie. A 16 ans le petit Stjepan s'était transformé en un jeune homme
sculptural au physique avenant. A 17 ans il émigre au Canada pour échapper au communisme. Il se met à la lutte et aux sports de combat dont il fait durant quelques années sa profession. Il est même élu Mr Canada avant de partir à 20 ans pour Miami. Très vite l'industrie du cinéma remarque ce robuste garçon aux allures de star. Non crédité il fait ses débuts à l'écran en 1968, en fait deux furtives apparitions, dans deux petites productions érotiques lesbiennes signées Joseph W. Sarno Odd triangle et Desires under the palms puis il réalise un premier film l'année suivante, une production érotique intitulée The walls have eyes. La véritable carrière de Stjepan devenu pour occasion Steve Hawkes va
réellement démarrer après cette incartade coquine. En 1969 il est approché pour incarner celui qu'il a toujours voulu personnifier, son héros d'enfance, celui pour qui il a tant travaillé afin que le rêve devienne réalité, Tarzan. Il tourne Tarzan en la gruta d'oro de Manuel Cano, une production hispano-américaine écrite par Umberto Lenzi dans laquelle il a pour partenaire la danoise Kitty Swan, la nouvelle icône de la jungle depuis qu'elle fut Gungala, la reine de la savane, dans deux pellicules exotiques respectivement signées Romana Ferrara et Ruggero Deodato. Tarzan en la gruta d'oro n'est certainement pas la meilleure adaptation
du personnage de Burroughs qui pour des raisons de droits s'appellera ici Zan. Le film de Cano est une jolie série B exotique, un produit familial fort divertissant, un Tarzan dans la grande tradition du genre dont le succès engendrera un second volet en 1970 intitulé Tarzan y el arco iris. Moins enjoué ce deuxième chapitre malheureusement un peu trop lent reste une agréable distraction familiale dont la réputation ne vient pas des quelques qualités du film lui même mais d'un terrible drame qui marquera la fin de la carrière de Kitty Swan et dans un certain sens celle de Steve. Lors d'une séquence de torture par le feu, les deux acteurs ligotés à un poteau furent grièvement brulés. Mal préparée la scène pris une tournure
tragique. Imbibés d'essence le sol et les feuilles s'embrasèrent. Hors de contrôle le feu entourèrent très vite les deux comédiens désormais prisonniers des flammes. Steve et Kitty sont entrain de bruler vifs sous les yeux impuissants de l'équipe terrorisée. La réalité l'emportait soudainement sur la fiction. Par chance Samson le lion dressé pour sauver Steve lors d'une scène d'évasion parviendra à détacher les liens de l'acteur et le tirer des flammes le sauvant d'une mort certaine. Kitty n'eut pas cette chance même si elle put être détachée et tirée du brasier. Brulés sur plus de 70% du corps Steve et Kitty, agonisants, furent immédiatement emmenés à l'hôpital de Gainsville où ils furent placés en soins intensifs. Ils y restèrent plus de six mois durant lesquels ils subirent d'importantes et délicates greffes de peau. Le film put être terminé avec l'aide de doublures notamment pour Kitty le corps marqué à vie qui mit un terme à sa carrière et disparut sans laisser de trace après une ultime interview accordée aux journaux italiens et la parution de photos la dévoilant défigurée allongée sur son lit de souffrance.
En consultant la presse de l'époque on apprend que Steve reçut 14 millions de dollars des
assurances. Après plus d'un an où il dut subir opérations sur opérations Steve décida de rependre le chemin des studios en 1972 essentiellement dit-il pour payer les sommes astronomiques que coutèrent les soins destinés à lui redonner un corps. C'est la raison pour laquelle il tourna tout et n'importe quoi dont l'inénarrable Blood freaks, une série Z d'horreur absurde dans laquelle il joue un homme qui se transforme en poulet psychopathe. Témoignages de l'horrible drame qu'il vécut deux ans plus tôt ces cicatrices qui meurtrissent ses bras, ses mains et ses flancs bien visibles dans le film. Malheureusement pour Steve le film rencontra moult problèmes et c'est lui qui dut le financer pour pouvoir le terminer.
Ce drame atroce ne fit qu'accroitre son amour pour les lions et les animaux sauvages. Blessé durant son héroïque sauvetage Samson fut recueilli par Steve quelques temps plus tard après l'accident. Un lien inextricable naquit entre eux. Il devint son meilleur ami et Steve l'adopta jusqu'à sa mort. Après avoir encore réalisé un petit film à succès en 1976, Stevie Samson and Delilah, l'histoire d'un petit garçon (le propre fils de Steve) parti à l'aventure en compagnie d'un lion (le courageux Samson) et d'un tigre, il mit un terme à sa carrière de comédien et décida de consacrer le reste de sa vie aux animaux sauvages devenus sa
principale raison de vivre. Il ouvre alors sur les terres de son ranch sa propre réserve naturelle en Floride, à Loxahatchee, où ses gros chats comme il aimait les appeler vivaient non pas en cage mais à ses cotés, libres, heureux. Moyennant quelques dollars il était possible de venir les visiter. Steve se fit oublier des médias, consacrant tout son temps à ses animaux qui ne faisaient pas forcément l'unanimité auprès de la population. La propriété de l'ex-acteur était simplement entourée d'une clôture électrique, de portes de sécurité et de simples panneaux défendant aux passants de ne pas tenter de s'introduire sur ses terres.
Steve revint bien tristement sur le devant la scène en 2005. Bobo un de ses tigres âgé de six ans s'échappa et fut tué par un officier de police. L'affaire fit grand bruit d'autant plus que Steve cria au complot prétendant non seulement que quelqu'un de mal intentionné aurait ouvert les portes de sa propriété mais également que l'officier aurait sciemment abattu Bobo. Cinq jours plus tard la propriété de Steve prenait feu causant d'important dégâts. Steve devint l'homme indésirable, régulièrement attaqué de toutes parts. Dés lors il n'eut de cesse de se battre bec et ongles pour conserver ses animaux. Le sort s'acharna alors sur le pauvre
homme qui ne se remit jamais de la mort de Bobo. Malade, handicapé Steve est en 2012 au coeur d'une nouvelle affaire. Les autorités s'acharnent sur lui et lui demandent purement et simplement de fermer sa réserve et d'abandonner tous ses animaux comprenant lions, tigres, panthères et cougars. On lui reproche de n'avoir aucune autorisation, de les laisser vivre en liberté sur ses terres, d'avoir violé les lois. Steve se voit condamné à payer de lourdes amendes mais surtout tous ses animaux vont lui être repris et placés dans des centres spécialisés où ils pourront finir leurs jours en bonne santé. Déjà physiquement affaibli Steve ne se remettra jamais de ces séparations. Sa vie s'écroule. Il n'a plus rien. Ses amis et ceux qui l'ont connu le décrivent comme un homme à l'agonie, profondément affecté, dévasté, inconsolable. Certains tenteront de l'aider à payer les sommes considérables qu'on lui réclame. En 2014 Steve déménage et s'installe dans une petite maison proche de l'établissement qui s'occupe de ses deux tigres, ses amours, ses deux gros chats encore vie afin de pouvoir leur rendre visite. Il a pris soin de déménager avec lui la tombe de Bobo afin qu'il soit auprès de lui. De plus en plus faible, la santé vacillante, Steve s'éteint le 24 juin 2019 à 77 ans après avoir demandé à un de ses rares amis de veiller sur ses deux tigres Bo et Lepa.
Ainsi se termine l'histoire d'un homme qui reçut des animaux dits sauvages bien plus d'amour que des êtres humains qui ont fini par briser sin rêve. N'est ce pas une preuve de plus que les animaux sont bien plus humains que les hommes eux mêmes, que ce sont eux les bêtes sauvages, cruelles, des animaux qui lui ont tout repris, ont eu raison de sa santé et de sa vie. Steve s'en est allé, dévasté, les larmes aux yeux, l'âme meurtrie, parti rejoindre ses félins tant aimés. Même parsemée de drames sa vie restera un magnifique conte de fée, un exemple pour tous les amoureux des animaux. Que le rêve se poursuive où tu es. Adieu Steve.