Equinozio
Autres titres:
Real: Maurizio Ponzi
Année: 1971
Origine: Italie
Genre: Fantastique
Durée: 93mn
Acteurs: Claudine Auger, Delia Boccardo, Olimpia Carlisi, Claudio Gora, Thomas Hunter, Lea Padovani, Paola Pitagora, Giancarlo Sbragia, Paolo Turco, Ivi Marcaccini, Carlo De Mejo, Romano Malaspina, Gianni Costanzi, Stefano Ardinzone, Giovanni Pallavicino, Emilio Bonucci, Gabriella Mulachié, Pietro Fumelli, Massimo Martini...
Résumé: Les hommes semblent être atteints par une mystérieuse épidémie débutée le jour du solstice d'été. Tous sont envahis de souvenirs qu'ils sont persuadés d'avoir un jour connu. Cette maladie ne contamine pas les femmes qui ne comprennent pas. Le jeune Benedetto se fait interner de son propre gré dans une clinique. Il persuade son psychiatre de l'accompagner là où ses souvenirs semblent le conduire afin de prouver qu'il n'a rien inventé. Ensemble ils retrouvent l'endroit et découvrent que Benedetto y a vécu jadis sous une autre identité. Il y a aussi vécu bien des siècles auparavant. Les hommes sont en fait immortels. La mort n'est qu'un long sommeil dont ils ressortent dans la peau d'un nouvel être. Les femmes, démunies de souvenirs, sont quant à elles mortelles. Cette époustouflante découverte va semer le chaos sur terre. Ainsi creusées, les inégalités entre les deux sexes vont mener à une guerre à échelle mondiale. Des groupes de résistantes se forment afin de combattre l'homme pour qui la femme n'est désormais plus qu'une machine à procréer. Une prophétie voudrait que le jour de l'équinoxe quelque chose de merveilleux se produise...
Maurizio Ponti fut dans les années 60 un des jeunes critiques de cinéma les plus virulents d'Italie avant de délaisser la plume et passer de l'autre coté de la caméra. Responsable des premiers films de Francesco Nuti avant que celui ci ne se mette en scène lui même, Ponzi réalise son premier film en 1969, I visionari, avant d'adapter pour le grand écran avec l'aide de Salvatore Samperi le roman de Anna Banti, Le donne muoiono. Ainsi naquit Equinozio, un de ces obscurs films italiens aujourd'hui quasi invisibles autour desquels se bâtit souvent toute une aura de mystère. L'idée de départ est des plus originales. Tous les jeunes
hommes de la Terre semblent atteints par une mystérieuse épidémie, une sorte de délire collectif dans lequel ils s'imaginent des souvenirs, une vie qu'ils sont persuadés d'avoir un jour vécu quelque part. Le gouvernement refuse d'étaler l'affaire et les crises sont interdites en public. Les cliniques regorgent de ces malades dont fait partie Benedetto. Il est convaincu de connaitre une certaine Maria qu'il veut retrouver, certain qu'elle habite un château perdu dans la campagne. Afin de trouver des réponses aux questions que se posent les scientifiques, dépassés par la maladie, son psychiatre décide de partir avec le
garçon pour tenter de retrouver ce château, En suivant les souvenirs de Benedetto, ils parviennent à le localiser. Le château est aujourd'hui à l'abandon mais la vieille gardienne semble se rappeler du jeune homme. Il y habita jadis avec une certaine Maria, sa fiancée. Plus troublant, il semblait déjà y vivre un siècle plus tôt. Benedetto et le docteur réalisent alors l'incroyable découverte qu'ils viennent de faire. Les êtres de sexe masculin seraient immortels, la mort ne serait pour eux qu'un long sommeil duquel ils sortent dans la peau d'un nouvel être d'où ces souvenirs qui les assaillent. Les femmes privées de souvenirs seraient quant à elles mortelles. La nouvelle se répand vite semant le chaos sur le globe.
Les femmes, êtres inférieures, uniquement destinées à procréer et mettre au monde des hommes, sont alors chassées considérées comme inutiles. Frustrées, elles se retranchent alors entre elles pour survivre, abattues par la police pour toute tentative de rébellion contre l'espèce mâle. Le docteur, son épouse, Benedetto et quelques jeunes femmes mais également des garçons qui refusent cet état de fait vont alors mettre en place une forme de résistance en attendant qu'une étrange prophétie se réalise. Le jour de l'équinoxe quelque chose de merveilleux devrait en effet se produire. Les résistantes commencent à assassiner les hommes qui ont profité de leur immortalité pour se faire de l'argent, s'en
servant comme d'un commerce en dépit du mal causé. Arrive l'équinoxe et avec elle, la grande révélation.
Film de science-fiction spirituel, atmosphérique, Equinozio est avant tout une étonnante et douloureuse métaphore sur l'éternelle guerre des sexes, l'inégalité entre les hommes et les femmes qui ont de tout temps été considérées comme inférieures traitée à travers cette histoire de réincarnation située dans une Italie anonyme purement fantastique, hors du temps. Forme de cinéma d'auteur existentiel Equinozio mêle au quotidien merveilleux et fantastique jusqu'à le rendre inquiétant, presque effrayant. Le film s'ouvre d'ailleurs sur cette
citation "Puissent les choses du quotidien vous inquiéter". En résulte une peur sourde, non palpable qui séduit très vite et pique la curiosité du spectateur malgré la lenteur d'un récit étrange, hors norme. Tout commence dans une clinique de campagne, sous un soleil de plomb, qui n'abrite que de jeunes hommes tous en proie aux mêmes délires, celui de s'inventer des souvenirs lors de crises parfois très violentes proche de l'épilepsie. On apprend alors qu'ils souffrent tous du même mal, une épidémie qui ne cesse de croitre à travers les cinq continents, laissant les scientifiques perplexes. Rongé par ses souvenirs, Benedetto veut à tout prix découvrir s'ils ont un jour existé ou s'ils ne sont que le fruit de son
imagination et ainsi comprendre le mal dont il est frappé. Commence alors pour lui et son docteur un voyage à travers ce pays non identifié, une campagne aussi solaire que déserte en quête d'un château séculaire censé abriter une jeune fille qui attendrait désespérément le retour de Benedetto. Plus le périple avance plus ils semblent toucher au but jusqu'où jour où ils le trouvent enfin, mettant ainsi un nom sur cette étrange épidémie qui ne touche que les hommes, l'immortalité!
A partir de cet instant, Equinozio va progressivement se transformer à un sinistre conte d'anticipation, une réflexion sur la condition de l'homme, être supérieur qui ne peut mourir
puisqu'il se réincarne à l'infini, et la femme, être inférieur dont la fonction se résume essentiellement à la reproduction de l'espèce avant de mourir définitivement. A travers cette allégorie particulièrement osée à une époque notamment où la femme s'émancipait Ponzi pose bien des questions auxquelles il répond de manière lucide mais surtout simple, à travers des dialogues riches et concis qui évitent toute forme de discours psychologique et philosophique qui alourdiraient le propos. Une telle découverte ne peut que remettre en question notre vision des choses, par conséquent la vie, notre vie. Si elle peut paraitre
merveilleuse elle est aussi une des pires calamités que l'humanité ait connu puisqu'elle ne peut qu'accroitre le fossé des inégalités et renforcer encore plus la guerre que se livrent les deux sexes depuis la nuit des temps.
La première conséquence est la récolte des femmes qui rejettent la faute sur l'homme alors qu'il s'agit simplement d'un caprice de la nature. Cela ne fait qu'attiser la haine qu'elles ont envers le sexe opposé, ces dieux sans coeur, orgueilleux, déchainés, qui désormais ne voient plus en elle que des machines à féconder. De là nait la peur d'enfanter d'un garçon, un être vil qui les rejettera dés la naissance.
Ces révoltes mondiales engendrent alors des représailles. Recluses en clans de résistance les femmes mènent leur propre guerre. Le monde est en état de crise. la police a ordre d'abattre toute femme considérée comme dangereuse. On ne peut que penser aux Cannibales de Liliana Cavati dans lequel les corps abattus par les forces de l'ordre gisent sur les trottoirs, une référence inévitable au vu du film. A leur malheur des hommes vont compatir et se joindre à elles, de plus en plus décidées à réveiller en eux leur sensibilité pour qu'ils refusent enfin cette différence obscène.
Cette incroyable découverte qui au début fit sourire le peuple va également faire surgir bien
des questions d'ordre cette fois plus sentimental. Comment une femme pourra t-elle être désormais que son compagnon l'aime autant qu'il a pu aimer celles qui ont partagé ses vies passées, comment vivre avec ces passés qui s'enchainent au cou de leur partenaire? Plus grave encore est de savoir si désormais on s'aime car on sait qu'on va mourir, le bonheur dérive t-il de cette limite fatidique? La Grande Révélation mettra un terme à ces interrogations en nous projetant 219 ans dans l'avenir lors d'un final un peu facile et prévisible mais particulièrement serein.
A tout cela Ponzi ne cherche pas vraiment à y répondre. Il invite simplement le spectateur à y
réfléchir de façon simple mais efficace tout en instaurant une atmosphère étrange, fascinante comme peut l'être un conte, un songe. Tourné sans pratiquement aucun budget, le film couta 30 millions de lires, Equinozio est un petit bijou de science-fiction auteuriale empreinte d'un zeste de mysticisme dans laquelle certains pourront voir tout en filigrane un nuage d'homosexualité à travers ses cliniques où sont internés les hommes, de têtes à têtes en promenades rapprochées, unis par un même mal... mais est ce un mal? Par extension, voilà de quoi bercer l'imagination de plus d'un homme qui rêverait d'un monde sans femme, où on pourrait vivre entre nous, une douce fantasmagorie qu'on prolongera avec le Sebastiane de Derek Jarman, son univers christique où la sexualité est désormais
100% masculine. Equinozio aussi rare soit il mérite amplement d'être découvert par tout amateur de cinéma autre, bizarre
Outre ses très beaux décors naturels, ceux du petit bourg de Rota, son château, son vieux couvent, Equinox bénéficie d'une excellente interprétation. On y retrouvera en tête d'affiche la beauté étourdissante du jeune Paolo Turco qui dés 1968 fut remarqué dans une série de petits films marginaux et contestataires (La limite du péché) avant d'incarner la pureté, le magicien du Tarot universel, dans l'éblouissante oeuvre pop art The lickerish quartet où il nous offrit quelques scènes de sexe osées et un plan de nu frontal intégral foudroyant.
Toujours aussi sombre Paolo dont on appréciera non seulement la justesse habituelle de son jeu mais aussi les énormes auréoles de transpiration qui maculent sa chemise très près du corps en fera une fois encore succomber plus d'un.
A ses cotés on reconnaitra l'imperturbable Claudine Auger, parfaite, Paola Pitagora dont on retiendra les plans de nu, Lea Padavani, Delia Boccardo, Giancarlo Sbragia et les apparitions de Thomas Hunter, une des gueules du western-spaghetti, en play-boy macho qui nous offre un joli inattendu, Carlo De Mejo, Claudio Gora et Daniele Dublino.
Ponzi disait à propos d'Equinozio qu'il s'agissait "''d'une réflexion sur le cinéma faite par un
homme qui aime les histoires vraies, un film d'acteurs tourné dans un pays où il n'y a pas d'acteurs, un film où seul le rythme compte. Ce n'est pas un film engagé, parce que celui qui l'a tourné considère que l'engagement est prévu, encouragé, et agréable au système. C'est un film engagé parce qu'il a été réalisé par quelqu'un qui veut un monde nouveau, et qui s'adresse à ceux qui oeuvrent pour ce but. Equinozio est un film profondément inutile, toléré, anormal, démodé, c'est-à-dire réalisé pour et dédié aux enfants, aux vieux, aux hippies, aux malades et inadaptés sociaux''".
Présenté en 1971 à la quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes, le film y fut remarqué même s'il ne bénéficia d'aucune sortie en salles par la suite. En Italie, s'il fut salué par Pasolini lui même, Equinox ne fut jamais distribué puisqu'aucun distributeur n'en voulu. Le film disparut presque aussitôt et ne refit plus jamais surface, engloutit dans les sombres abimes de l'oubli. A ce jour l'unique copie qui semble exister du film est celle appartenant à Ponzi détenue par la Cinémathèque Nationale de Rome, une copie sous titrée en français aux couleurs ocres qui avouons le accentue quelque peu son coté surréaliste.