The lickerish quartet
Autres titres: Esotika, erotika, psicotika
Real: Radley Metzger
Année: 1970
Origine: Italie / Allemagne / USA
Genre: Erotique / Fantastique
Durée: 88mn
Acteurs: Silvana Venturelli, Frank Wolff, Erika Remberg, Paolo Turco, Karl-Otto Alberty, Annie Carol Edel...
Résumé: Un couple de bourgeois prend du plaisir à visionner des films porno amateurs dans le salon de leur château, un vice que leur fils n'apprécie pas du tout. Alors qu'ils vont tout trois dans un parc d'attraction, ils croient reconnaitre une des jeunes filles du film. Persuadé que c'est bel et bien la même personne, il l'invite au château. Ils lui font voir le film afin de voir sa réaction. Le doute envahit alors leur esprit, plus très certain qu'il s'agisse de la même fille. Elle accepte de passer la nuit au château. Une fois seule dans sa chambre, elle enlève sa perruque. Elle est bel et bien la jeune femme du film. Dés le lendemain, elle va tour à tour faire vivre à chacun des membres de la famille leurs fantasmes sexuels les plus fous. La réalité se mêle au rêve, le film devient réel, tous les éléments se combinent, toutes les dimensions se mélangent jusqu'au final, inattendu, ultime combinaison possible d'une journée qui peut être n'a jamais existé...
Considéré par Andy Warhol comme un chef d'oeuvre de l'étrange et par son propre auteur, le pornocrate Radley Metzger, comme son film le plus personnel et le plus libre, The lickerish quartet sorti en Italie sous le titre alléchant et accrocheurEsotika erotika psicotika reste à ce jour un des films les plus indéfinissables de son époque, un des plus décadents, une oeuvre inclassable dont il est bien difficile de parler. The lickerish quartet commence
pourtant de façon assez simple. Un couple de bourgeois dépravés prend plaisir à visionner des films pornos amateurs dans le superbe salon de leur château malgré la désapprobation de leur fils hanté de son coté par une histoire de dragon qui aurait torturé et tué ses parents. Dans un des films ils ont remarqué une jeune fille qu'ils vont par le plus grand des hasards croiser dans un parc d'attraction. Persuadé qu'elle est bel et bien la même personne, le mari l'invite au domaine. Le couple lui fait voir le film afin de tester ses réactions. Etonnés par son apparente sérénité, ils pensent alors s'être trompés et l'invitent à passer la nuit au château.
Une fois seule, elle retire sa perruque. Elle est indubitablement la jeune fille du film. Le lendemain matin, l'inconnue va séduire tour à tour les membres de la famille et leur faire vivre leurs fantasmes sexuels les plus fous, libérant leurs désirs les plus réfrénés.
Si The lickerish quartet semblait jusque là facile d'accès, tout va se compliquer à partir de cet instant, Ce n'est donc pas un hasard si le film s'ouvrait sur une citation de Pirandello: La réalité d'aujourd'hui sera demain une illusion. Toute l'intrigue tourne en effet autour de cette réflexion philosophique, à savoir distinguer le vrai du faux, la réalité de l'illusion mais
également de faire la part des choses entre ce qui fut, ce qui est et ce qui sera tout en jetant un regard sur l'interprétation que chacun peut en faire, dans ce cas précis sur le cinéma. Chaque spectateur interprète en effet une image, un film, selon sa propre vision des choses et comprendra ce qu'il veut bien comprendre.
Fasciné par l'espace-temps dans lequel ses divers protagonistes vivent la plupart du temps des états émotionnels abstraits, un thème récurrent à l'oeuvre du cinéaste, The lickerish quartet nous immerge dans univers étrange où le spectateur va voyager d'une dimension à une autre jusqu'au moment où toutes
vont se mélanger, une façon pour Metzger de disserter sur ce qui est vrai ou illusoire, sur ces désirs, ces fantasmes qu'on aimerait voir se concrétiser jusqu'à ne plus parfois pouvoir distinguer l'envie du possible, semant alors le doute dans nos esprits. Tout le film de Metzger est ainsi bâti, une sorte de miroir puis de kaléidoscope où chaque image est le reflet d'un certain sentiment, d'une émotion, celui d'une certaine réalité qui ne cesse de changer comme change le film que regarde le couple à chaque nouveau visionnage. Notre perception des choses évolue au fil du temps, au bon gré de l'esprit, de nos états d'âme, de
notre vécu. En découle alors clarté ou confusion. Sont ainsi lancés les débats qui déboucheront alors sur une certaine sérénité et réuniront rêve et réalité, seul éventuel moyen éventuel de peut être pouvoir enfin concrétiser nos désirs les plus profonds semble dire Metzger.
C'est le propre du cinéma que de créer d'une part l'illusion et donner vie à nos désirs les plus secrets, les plus insensés, d'autre part d'ouvrir la discussion selon la vision que chacun a d'une oeuvre. Plus on va progresser dans The lickerish quartet plus les possibilités de
débats se multiplient tant le sens nous échappe. Les pellicules se fondent l'une dans l'autre, les personnages du film amateur deviennent réels tandis que le couple et leur fils en sont les nouveaux acteurs. Ils se retrouvent tous ensuite pour mieux être projetés chacun dans une dimension qui lui sera propre, leur passé coupable, fruit de leur vices, défilant alors dans l'oeil du projecteur avant l'ultime séquence, inattendue, où ne subsistent que les quatre comédiens du film porno réunis autour d'un projecteur qui lentement s'éteint, prêts à entamer un long débat sur la magie du cinéma.
Celle ci se marie parfaitement bien aux tours de prestidigitation du fils, magicien de l'âme, détenteur d'une certaine innocence. Avec intelligence, Metzger dédouble son personnage comme il divise l'image en deux parties distinctes lors du numéro qu'il exécute, d'une part la lumière du projecteur qui donne vie aux fantasmes, aux rêves, d'autre part la lumière solaire qui symbolise la réalité.
The lickerish quartet est également un magnifique exemple de ce cinéma des débuts des années 70, transgressif, subversif, sexuellement osé sans jamais sombrer cependant dans
la pornographie. Chaque protagoniste va sexuellement se libérer durant ces 24 heures, vivre ses désirs les plus débridés, libéré de tout carcan. Chacun de nos désirs trouve leur origine au plus profond de notre inconscient et ne demande qu'à faire surface enfin de nous soulager. La mystérieuse inconnue va en être le déclencheur.
En faisant l'amour à cette femme dans la bibliothèque sur le sol de laquelle sont gravés les définitions de tous les mots ayant trait à la sexualité, le père, un intellectuel fermé, s'échappe enfin de tous ces livres avec lesquels il a passé sa vie, symbole d'un intellectualisme
révolu. Envoutante, fascinante, irréelle, cette scène d'une puissance érotique incroyable est très certainement une des plus bizarres jamais tournée.
La scène d'amour avec le fils est quant à elle une véritable initiation au sexe, belle, saine, inoffensive, celle d'un garçon enfin libéré d'un giron parental pesant. Ils sont tout deux un peu comme Adam et Eve au milieu d'un paradis de verdure.
Celle de la mère enfin est plus une libération, prisonnière d'une existence qu'elle n'a pas
voulu, d'un passé qu'elle n'a pas voulu symbolisée par la cave où elle est enfermée. En se donnant à la jeune fille, elle brise ces chaines comme se brisent les liens qui la retiennent au lit sous l'oeil du fils qui, enfant, a surpris ses parents (mais sont ce ses parents?) entrain de forniquer, source d'un trauma qui a alimenté en lui cette histoire de dragon mais surtout cette colère, cette rébellion et cette envie de pureté.
Rythmé par une partition signée Stelvio Cipriani, sûrement une des plus belles qu'il ait écrit,
The lickerish quartet surprendra par ses qualités techniques, le soin apporté à la mise en scène, par moment étourdissante. Metzger réussit à mettre en image toute une foule d'émotions, de sentiments, d'états d'âme de manière souvent vertigineuse et de toujours avec mesure et intelligence. On se laissera séduire par la beauté de la photographie et des décors notamment ceux du célèbre château de Balsorano où furent tournés tant et tant de films, particulièrement bien mis en valeur par le réalisateur. Quant à l'interprétation elle est tout bonnement excellente. C'est la blonde Silvana Venturelli qui incarne cette mystérieuse
femme, intrigante, sensuelle, désinhibée, à la fois dangereuse et fascinante. Déjà présente dans Camille 2000, un des précédents films de Metzger, Silvana a plus souvent illuminé les pages de Play boy qu'éclairé les écrans de cinéma. Plus étonnante est la prestation de Frank Wolff dans la peau du père puisqu'il n'hésite pas à jouer nu, nous gratifiant même d'un plan de nudité frontale lors de la superbe séquence d'amour dans la bibliothèque. Ce sera un des derniers films qu'il tournera avant de se suicider l'année suivante. Erika Romberg, altière, n'hésite pas non plus à se déshabiller. Quant au jeune Paolo Turco, il éblouit quant à lui
l'écran. Habitué aux films marginaux, Paolo qui débuta en 1968 dans La limite du péché prouve une fois de plus son talent de comédien remarqué par Mauro Bolognini qui lui donna la diva Lollo Bridgida pour partenaire dans Ce bel automne. S'il nous avait déjà habitué à jouer nu sans jamais malheureusement franchir le cap de la nudité frontale à notre plus grand regret, véritable frustration pour le spectateur, voilà une erreur désormais réparée puisque Paolo lors de sa torride initiation sexuelle au milieu des prés verdoyants, nous dévoilera enfin dans toute sa majestueuse splendeur l'objet de tous les désirs avant d'offrir
son corps d'éphèbe à la caméra de Metzger. On notera la présence non créditée de Annie Carol Edel dans un de ses toutes premières apparitions à l'écran, si ce n'est la première, dans le rôle d'une des deux prostituées du film amateur, déjà très à l'aise dans les scènes semi porno, mimant une bien belle fellation
Tourné à l'origine en anglais, The lickering quartet pourra paraitre prétentieux à certains qui n'y verront que du vide caché sous une apparente complexité, c'est bien évident là une des nombreuses possibilités qu'offre le film, une de ses nombreuses interprétations. Aucun
jugement n'est à porter face à une telle oeuvre et seules les qualités esthétiques et techniques trouveront grâce à leurs yeux. Quoiqu'il en soit le film de Metzger dont les dialogues furent écrits par Alberto Cavallone est un splendide voire unique exemple d'un cinéma érotique qui tentait d'embrasser un cinéma beaucoup plus traditionnel à une époque où l'érotisme n'avait pas encore sa place dans les gros circuits commerciaux, une fantasmagorie érotique surréaliste ultra poussée sur la liberté sexuelle où les limites entre une réalité bien ancrée et un monde de fantaisies sexuelles débridées s'effacent doucement. Voilà une véritable expérience cinématographique indispensable à tous les amoureux de cinéma bizarre, d'oeuvres cérébrales ludiques et copieusement charnelles.