Quarta parete
Autres titres: La limite du péché / La spirale du vice / La quarta parete / Walls of sins / The fourth wall / La spirale del vizio
Real: Adriano Bolzoni
Année: 1968
Origine: Italie / France
Genre: Drame
Durée: 90mn
Acteurs: Paolo Turco, Teresa Daniel, Francoise Prévost, Peter Lawford, Corinne Fontaine, Carla Romanelli, Paolo Carlini, Alicia Brandet, Don Backy, Umberto D'Orsi, Bernard Blier, Gaspare Zola, Franco Giacobini, Alicia Brandet, Eleonora Morana, Rod Licari...
Résumé: Après quatre ans passés à étudier à Londres, Marco rentre enfin en Italie. Son retour est pourtant loin d'être ce qu'il avait imaginé. Eduqué à l'anglaise, Marco est surpris puis de plus en plus écoeuré de constater les changements qui ont affecté sa famille. Son père ne pense qu'au pouvoir et à son entreprise. Il délaisse sa mère qui se perd dans l'alcool. Quant à soeur, elle est parvenue à percer dans le milieu de la photo grâce à sa meilleure amie avec qui elle entretient également une relation sentimentale ambigüe. Véritable débauchée, elle tente de dévergonder son frère qui résiste. Défenseur de la moralité et de la vertu, Marco supporte de moins en moins cette atmosphère malsaine. Il retient sa colère jusqu'au jour, où, totalement désillusionné, il va la laisser exploser...
Essentiellement scénariste d'une multitude de films notamment de peplum et de western-spaghetti, Adriano Bolzoni ne compte que quatre films à son actif dont Quarta parete aussi méconnu soit il reste cependant le plus significatif. Cette coproduction franco-italienne fut jadis éditée en vidéo en Italie sous deux titres différents, La quarta parete et l'alléchant La spirale del vizio, même si toutes deux en reprenaient lors du générique d'ouverture le titre
international Walls of sin. Pour ajouter encore un peu plus de nébulosité autour du film, il est également connu sous l'appellation The fourth wall et du coté de notre Hexagone La limite du péché. Quelque soit le titre qu'on veut bien lui donner, Quarta parete appartient à la lignée des films contestataires juvéniles qui virent le jour en Italie dés la fin des années 60, celui ci pointant discrètement son nez en pleine explosion des événements de mai 68.
Après quatre années passées en Angleterre afin d'y faire ses études, Marco revient en Italie. Jeune homme modèle forgé à la discipline anglaise, il retrouve enfin sa famille mais ce qu'il
découvre va profondément le décevoir. Son père, un riche industriel, délaisse sa femme au profit de son entreprise et de sa soif de pouvoir, sa mère noie ses frustrations dans l'alcool et sa soeur, devenue modèle, expose non seulement des photos d'elle dénudée sur son mur de chambre mais elle est également attirée par sa photographe. Choqué par ces découvertes et la dépravation qui touche sa famille, également déçu par les institutions italiennes où toute vertu semble désormais bannie, Marco, totalement désillusionné, s'apprête à commettre l'irréparable après avoir assisté à une drug-party. Mais est ce vraiment
la réalité ou le fruit d'un esprit trop utopiste corrompu par la décadence?
On retrouve dans La limite du péché tous les éléments propres à ce type de films: une famille bourgeoise dépravée attirée par la puissance, son habituel couple en pleine crise existentielle avec d'une part un père libertin égoïste qui délaisse son épouse pour son travail, une mère qui noie ses faiblesses et son mal de vivre dans l'alcool, une fille émancipée qui vit pleinement sa sexualité voire son homosexualité, le tout dans un univers de débauche.
Au milieu de chaos social, un jeune homme, pur, vertueux, un défenseur des valeurs qui refuse de voir sa famille ainsi sombrer mais rejette aussi cette société en pleine révolution des moeurs, un garçon éduqué selon les traditions anglaises, strictes, qui usent encore du fouet sur le séant des jeunes nobles qui commettraient quelque écart. Ce sont ainsi deux formes d'institutions qui ici se heurtent, un peu à la façon de Virilité de Paolo Cavara qui inversait les rôles, et aboutiront au drame final.
Inspiré du Lauréat sorti l'année précédente dont il pourrait en être une version légèrement
trash, le film de Bolzoni ne révolutionne en rien le genre et pourrait paraitre même anodin si ce n'était d'une part la justesse de ses dialogues, la beauté de certains passages et leur coté transgressif. On retiendra plus particulièrement ce fameux mur, celui de la chambre de Marzia, la soeur de Marco, sur lequel elle a épinglé toutes les photos dénudées ou audacieuses que sa petite amie et photographe attitrée à prise d'elle. Il donne au film son titre anglais, Walls of sin, le mur du péché, le péché que ces photos, jugées indécentes par son frère, veulent illustrent. "Le péché existe, le prendre en photo ne changera rien". La scène sur la plage avec l'étudiante est également très belle dotée de surcroit de dialogues incisifs
la séquence tragique de l'inceste avorté, ultime coup de poignard que recevra Marco, sans oublier la drug-party qui clôt le film, presque surréaliste, à l'instar des ultimes images, envoutantes.
La limité du péché doit aussi beaucoup à la prestation de Teresa Daniel qui interprète Marzia, la soeur lesbico-nymphomane incestueuse version androgyne à qui le film doit en grande partie sa force entourée d'une excellente Françoise Prévost en mère alcoolique et Peter Lawford. La révélation du film reste le jeune Paolo Turco, ici pour la première fois à l'écran, qui allie élégance, beauté et séduction. Ce bel amant ténébreux aux faux airs de Lino Capolicchio est un Marco tout en retenue et fort sympathique dans son combat qu'il mène
seul aussi vain soit il. Paolo donnera par la suite la réplique à la diva Lolo Bridgida dans Un si bel automne de Bolognini puis deviendra le héros de Trevico-Torino de Ettore Scola avant de s'orienter vers un cinéma d'exploitation souvent transgressif et étrange, en tête d'affiche notamment de Equinozio et Esotika Erotika Psikotika. On notera l'apparition éclair de Bernard Blier, le meilleur ami du père de Marco.
D'autre part Quarta parete brille par son atmosphère parfois bizarre, typiquement années 60 empreinte d'un certain psychédélisme de bon aloi. Ainsi La limite du péché s'ouvre sur des images (pseudo) documentaires plutôt lugubres, celles tout en tons sépia d'une marche
pour la liberté et la justice en Afrique. Voilà qui donne l'impression étrange qu'on va assister à un film puissant, dérangeant un peu à la façon de Afrika de Alberto Cavallone. On plonge alors au sein d'une salle de commissariat où sont regroupés un groupe d'étudiants pour avoir semble t-il manifesté. Afin de briser le silence pesant, l'un d'entre eux siffle une mélodie sur un air de guitare jusqu'à ce que l'heure de la libération sonne. Parmi eux se trouve Marco qu'on devine injustement arrêté. Par la suite Bolzoni se fait plus classique. La mise en scène discrète est assez lente et se contente de suivre son jeune protagoniste, écoeuré par la dépravation et la corruption qui règne dans sa famille mais aussi au coeur de la ville.
Au mélodrame et à tout sensationnalisme, Bolzoni préfère une lecture beaucoup plus didactique de son sujet qu'il traite avec une évidente sympathie en pointant du doigt les principaux éléments de la contestation juvénile sans pour autant trop insister: la révolution sexuelle, l'existence de l'amour, les manifestations et contestations socio-politiques de cette nouvelle jeunesse qui se tourne vers Londres, véritable berceau de la mode, son émancipation, la religion, les valeurs dépassées de l'aristocratie... Marco est tout simplement le symbole un peu lisse, impuissant, d'une jeunesse qui tente de préserver la moralité et les vraies valeurs de la vie face à une société en pleine évolution, un anti-mai 68 qui face à ces changements inéluctables, à la dégénérescence du monde qui l'entoure emmagasine sa colère, son dégout avant de les laisser exploser de la plus brutale des façons lors d'une
conclusion hautement psychédélique aromatisée aux parfums interdits de Marie-Jeanne et de vapeurs d'acides.
Rythmé par une superbe partition musicale aux tonalités western et deux chansons fortement inspirées de Simon and Garfunkel signées par Don Backy également acteur dans le trop court rôle d'un étudiant qui part pour l'Inde, Quarte parete s'il évite le coté exploitatif de son sujet, certains regretteront donc la sagesse de l'ensemble notamment au niveau de l'érotisme, n'en demeure pas moins un film intéressant, éminemment sympathique, doté d'un certain impact, qu'on appréciera à sa juste valeur. Sa rareté en fait également aujourd'hui un de ces petits trésors de ce cinéma transalpin perdu tant recherché des amateurs et autres collectionneurs ainsi que des amoureux d'un certain cinéma érotico-contestataire fortement estampillé fin années 60.