Alla ricerca del piacere
Autres titres: Amuck / Il passo dell'assassino
Real: Silvio Amadio
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 98mn
Acteurs: Farley Granger, Barbara Bouchet, Patrizia Viotti, Nino Segurini, Umberto Raho, Rosalba Neri, Dino Mele, Petar Martinovic...
Résumé: Une jeune américaine, Greta, arrive sur une ile proche de Venise où l'attend un romancier notoire, Richard Stuart. Elle vient d'être embauchée pour être sa nouvelle secrétaire. Greta a un objectif bien précis en tête: découvrir ce qui est arrivé à Sally, son amie et amante, qui a mystérieusement disparue après avoir travaillé pour Stuart. Elle fait la connaissance de Eleonora, l'épouse de Richard, une femme débauchée et bisexuelle qui très vite tente de la séduire. Elle la drogue afin de profiter d'elle. Greta découvre rapidement que le couple organise des orgies et tournent des films pornos amateurs. Elle reconnait dans l'un d'eux Sally. Son secret percé, la jeune femme devient la proie du couple...
Silvio Amadio fait partie de ces réalisateurs italiens qui se spécialisèrent tout au long de leur carrière dans un érotisme souvent morbide, délivrant des oeuvres qui sous leur apparente légèreté aimaient traiter de sujets délicats tout en mettant en exergue certaines déviances tant sexuelles que mentales. Si on doit à Amadio les premières comédies aigres douces d'une Gloria Guida encore mineure, il fut d'ailleurs un temps son amant, le cinéaste fut également responsable de deux sexy gialli aujourd'hui très recherchés, Il sorriso della iena e Amuck / Alla ricerca del piacere tous deux tournés la même année.
Plus qu'un sexy giallo Amuck / Alla ricerca del piacere est avant un thriller psychologique arrosé d'une bonne dose de saphisme, à la fois diabolique et diablement sensuel, situé dans une Venise mortifère très bien mise en valeur par Amadio. Greta Franklin, une jeune américaine, vient d'être embauchée comme secrétaire par un étrange romancier, Richard Stuart. Richard est marié à Eleonora, une plantureuse libertine bisexuelle qui ne tarde pas à séduire Greta puis à la droguer pour mieux profiter de son corps. Greta a cependant un secret. Elle est en fait à la recherche de son amie et amante, Sally, mystérieusement disparue après un séjour chez les Stuart. La jeune femme va assez rapidement découvrir que le couple vit dans la débauche, organise des orgies durant lesquelles ils visionnent des films pornos amateurs. Elle reconnait dans l'un d'entre eux Sally. Son secret éventé, Greta devient alors la cible du couple qui va s'amuser avec elle comme un chat joue avec sa proie jusqu'à ce que le piège se referme sur la malheureuse.
Ceux qui espéraient de Alla ricerca del piacere un thriller aussi érotique que sanglant risquent d'être amèrement déçus puisque s'il est bien une chose qu'évite Amadio ce sont les effusions de sang. Les rares meurtres bien peu sanguinolents se situent en effet en toute fin de bande alors que l'érotisme est un des principaux éléments si ce n'est l'élément principal, l'essence même de ce film dont le titre (A la recherche du plaisir) n'a jamais été aussi bien illustré. C'est en effet un univers trouble à la limite du sordide que va découvrir la blonde Greta, incarnation de la pureté, de l'innocence et d'une certaine justice, en pénétrant le monde insoupçonné de la brune Eleonora, une diablesse perverse bisexuelle, prête à tout pour connaitre de nouveaux plaisirs et autres délices sexuels. A cette quête de plaisirs extatiques s'ajoute celle de son époux, un romancier qui de son coté serait semble t-il tenté d'élaborer le meurtre parfait pour son prochain roman. C'est dans ce monde de débauche et de perversions de toutes sortes que Greta se retrouve prise au piège comme le fut Sally, transformée en jouet sexuel au bon gré du couple maudit. L'un de leurs plaisirs favoris est en effet de faire des gens qui entrent dans leur manoir leur esclave sexuel.
Alla ricerca del piacere est un étouffant huis-clos durant lequel la jeune fille comme le spectateur va essayer de faire tomber les masques derrière lesquels se cachent les différents protagonistes afin de révéler la véritable personnalité de chacun, mettre en lumière leurs sombres desseins et prouver que la malheureuse Sally a bien été tuée par le couple. Quasiment dénué d'action, Alla ricerca del piacere se rattrape sur son atmosphère lugubre, morbide, à l'image même d'une Venise toujours aussi envoutante, énigmatique, une atmosphère qui respire le sexe, omniprésent, brulant, torride, débridé. Plus que l'hétérosexualité c'est avant tout l'homosexualité et plus précisément le saphisme qu'Amadio met ici en scène comme il le refera trois ans plus tard avec le sombre Peccati di gioventu dans lequel Gloria Guida, perverse à souhait, mue par la haine, séduit sa belle-mère Dagmar Lassander pour mieux l'humilier et la détruire tant physiquement que psychologiquement.
Particulièrement explicite, le film contient une des plus belles scènes d'ébats lesbiens que le cinéma de genre italien nous ait jamais offert, celle, splendide, entre Eleonora et Greta. Magnifiquement bien filmée dans un somptueux ralenti, d'une sensualité exacerbée, elle dégage un érotisme à toute épreuve aussi sulfureux que foudroyant. Le corps des deux femmes ondule de façon presque surréaliste au son d'un thème musical féerique, elles se caressent, s'embrassent et se chevauchent avec élégance et légèreté, s'étreignent de longues minutes durant... ou l'union presque magique de l'ange et du démon. Sans plus jamais atteindre un tel sommet dans l'érotisme au féminin, la plupart des autres scènes saphiques sont tout aussi superbes. On retiendra également celle, presque solaire, où Greta lors d'un flash-back se revoit faire l'amour avec Sally sous une somptueuse cascade.
Si ces séquences d'une rare beauté tant visuelle que charnelle valent à elles seules la vision de ce thriller, elles tranchent cependant avec l'ambiance beaucoup plus glauque de l'ensemble. A ces moments de pure extase Amadio fait alterner des passages beaucoup plus sadiens dont les fêtes orgiaques que donne le couple au manoir durant lesquelles les invités imbibés d'alcool et de drogues dansent jusqu'à épuisement sur des airs de rock hypnotiques (notamment l'obsédant morceau intitulé Sexually), s'ébattent à même le sol, se mêlent et visionnent des films pornos amateurs. Cela nous vaut une amusante version hardcore du Petit chaperon rouge dans laquelle l'héroïne de Perrault est pourchassée par un homme lubrique déguisé en loup qui la violera au milieu des bois avant qu'elle n'y prenne goût et tente d'abuser à son tour de son assaillant.
Par certains aspects Alla ricerca del piacere pourrait se rattacher à un certain cinéma gothique cher à l'Italie, un autre atout du film et non des moindres. Outre ce vieux manoir isolé situé quelque part sur île vénitienne, Silvio Amadio multiplie en effet les références. Nuits d'orages, fragile héroïne en détresse qui apeurée déambule en nuisette dans les corridors, la cave inquiétante et le majordome étrange... Mais on gardera en tête avant tout deux scènes particulièrement efficaces, deux moments forts du film, celui où Greta découvre les bandes magnétiques sur lesquelles Richard a enregistré un passage du roman dont elle pourrait être la pauvre victime. Les images défilent alors dans la tête de la jeune femme, celles du corps nu d'une jeune femme inconsciente allongée dans une barque menée par une sombre silhouette à travers les marais. Quasi onirique, on ne peut que songer au vieux Charon qui sur sa barque emportait en Enfer les morts en les faisant traverser le fleuve Styx.
La deuxième scène est celle tout aussi oppressante de la partie de chasse dans les marécages où lentement Greta va devenir l'animal à traquer avant qu'elle ne s'enlise lentement dans les sables mouvants, véritable moment d'angoisse aidé par cette atmosphère de terreur sourde, ce sentiment d'étouffement qui se dégage de ces lieux sinistres.
L'histoire banale et reconnaissons le un brin médiocre n'a que peu d'importance ici. On aura tôt fait d'en comprendre les tenants et les aboutissants, le final est donc en rien une surprise, mais il faut pourtant reconnaitre que Amadio comme très souvent, a réussi à nous concocter une oeuvre vénéneuse dans laquelle il réussit à mettre en scène de façon presque magistrale le vice et la perversité dans un jeu d'ombres et de lumières souvent fascinant. C'est ici la grande force du film qui bénéficie en outre d'une très belle partition musicale signée Teo Usuelli, de dialogues fins et particulièrement intelligents et d'une interprétation hors pair de deux des plus grandes divas ducinéma de genre transalpin, la toujours très charnelle Rosalba Neri et Barbara Bouchet, toutes deux absolument fascinantes dans leur rôle respectif. On regrettera par contre, comme bien souvent d'ailleurs, le jeu de Farley Granger, toujours aussi en retrait et inexpressif, comme figé dans son passé, hanté par le souvenir de Visconti qui lui donna son unique heure de gloire dans Senso comme le faisait remarquer Rosalba qui fut plusieurs fois sa partenaire à l'écran. On reconnaitra dans la peau de Sally la malheureuse et regrettée Patrizia Viotti, sexy starlette éphémère que le destin frappera de plein fouet quelques années plus tard ainsi que le jeune Dino Mele qu'on pourra brièvement admirer nu avant de le revoir auprès d'Elisabeth Taylor cette fois dans Noces de cendres.
Entiché d'une forte réputation, devenue une oeuvre culte pour beaucoup du fait de sa rareté encore aujourd'hui, des thèmes soulevés et de son extraordinaire aura saphique, Amuck / Alla ricerca del piacere fait partie de ces films surprenants dont on ne lasse pas de découvrir et redécouvrir au fil du temps. Il fait définitivement partie de ces petites gemmes d'un certain cinéma de genre érotico-morbide indispensable à tous les amateurs de divertissements sadiens et de débauche sexuelle qui comme nous au Maniaco ont fait du vice et de la perversion leur ligne de conduite journalière.
Notons que Amuck / Alla ricerca del piacere est également connu en Italie sous le titre beaucoup plus anodin Il passo dell'assassino.