Westler
Autres titres: Westler: East of the wall / East of the wall
Real: Wieland Speck
Année: 1985
Origine: Allemagne
Genre: Drame
Durée: 97mn
Acteurs: Rainer Strecker, Sigurd Rachman, Lucas Andy, Frank Redi, Andreas Bernhardt, Sasha Kogo, Singer Zazie de Paris, Point Hans-Juergens, Harry Baer, Thomas Kretschmann, George Stamkoski...
Résumé: 1984 - Felix, un jeune allemand de l'Ouest, fait visiter à son ami américain Bruce l'Allemagne de l'Est. Lors d'une visite de Berlin, Felix fait la connaissance d'un jeune allemand de l'Est un peu paumé, Thomas. Après que Bruce soit retourné en Amérique, Felix a la surprise de découvrir que Thomas ne l'a pas oublié. Il l'invite chez lui. C'est le coup de foudre. Felix va chaque semaine puis de plus en plus régulièrement passer le Mur pour aller rejoindre son amant tant et si bien que les autorités commencent à se méfier du jeune homme. Se voir devient pour les deux garçons de plus en plus compliqués d'autant plus qu'ils ne peuvent vivre ouvertement leur homosexualité. Les choses deviennent encore plus difficiles lorsque Thomas, sans emploi, se voit obligé de faire des travaux d'intérêts publiques. Il décide alors de fuir clandestinement Berlin pour la Yougoslavie au détriment même de son amour pour Felix...
Wieland Speck est un des principaux cinéastes homosexuels allemands à qui on doit non seulement toute une série de courts métrages et quelques longs métrages mais il fut également très impliqué dans la création et la programmation du festival du film gay de Berlin. Westler fut en 1985 son premier film pour le cinéma dont le spectateur risque de sortir plutôt mitigé.
Westler nous plonge au coeur de l'Allemagne du début des années 80, un pays encore coupé en deux par le fameux mur. C'est dans ce difficile contexte que deux jeunes garçons vont se rencontrer, tomber amoureux et tenter de vivre leur amour, séparés par le mur que régulièrement Felix va franchir pour retrouver son amant. Car le problème est que Felix habite en Allemagne de l'Ouest et Thomas, un jeune paumé, demeure quant à lui dans l'austère Allemagne de l'Est, à Berlin. Cette histoire d'amour quasi impossible aurait pu être sincèrement émouvante, prenante si le cinéaste avait décidé de la traiter de manière différente. Il faut bien avouer que le seul véritable intérêt de Westler est de nous montrer toute la rigueur et l'incommensurable absurdité du régime communiste. Il faut alors prendre le film comme un témoignage de ces années de la honte, une vision grise et désespérée
d'un Berlin tout aussi gris et de sa jeunesse à la dérive vivant dans la haine et la sévérité d'un régime draconien fait de contrôles incessants. Westler nous rappelle également que dans cet univers fermé fait de règles strictes l'homosexualité était très mal acceptée et la communauté gay devait la plupart du temps vivre cachée, confinée dans un monde marginal, souterrain, qui formait alors tout l'underground gay berlinois. Westler parvient fort bien à illustrer toute la difficulté d'être homosexuel dans l'Europe de l'Est d'alors, toutes les frustrations, les angoisses auxquels étaient condamnés les homosexuels, une vision assez juste de cette jeunesse qui ne cherche qu'à fuir le mur, rêvant d'une liberté tant espérée.
Malheureusement on aurait aimé une telle rigueur dans l'histoire d'amour entre Felix et Thomas qui jamais ne nous transcende tant Speck donne l'impression de s'en moquer. Jamais elle ne parvient à nous émouvoir, à nous toucher. A aucun moment on ne la vit tant elle reste superficielle et mal mise en scène. Il est alors très difficile de ressentir la moindre tristesse, le moindre sentiment pour ces deux garçons d'une part auxquels il est quasi impossible de s'attacher et d'autre part pour la tragédie qu'ils vivent. Le cinéaste se contente de quelques rapides étreintes, quelques baisers rapides, quelques scènes d'intimité et d'intérieur à la limite du ridicule qui ne s'élèvent guère plus haut qu'un simple téléfilm anodin.
Plus énervant encore est le choix du réalisateur d'occulter une partie des dialogues. Ainsi ne saurons nous rien des explications que donne Felix à son ami américain lorsqu'il fait la connaissance de Thomas. Il en va de même pour les premiers échanges entre Felix et Thomas. Il les remplace par de longues plages musicales au demeurant assez irritantes tant elles sont désuètes et montrent combien le film est aujourd'hui daté. Si on sait que toutes les séquences tournées à Berlin le furent clandestinement à l'aide d'une caméra Super 8 dépourvue de micro on pourra peut être accepter et passer quelque peu outre mais on peut se dire également que Speck aurait pu post-synchroniser les dialogues par la suite.
Plutôt décevant est aussi le final certes pessimiste mais un peu trop précipité. Le Mur aura raison de l'amour des deux garçons obligés de se quitter pour pouvoir survivre. On laisse les deux amants à la frontière alors que le mot Fin apparait et que le rideau se baisse, laissant le spectateur un brin frustré par une telle rapidité.
Excepté ce témoignage d'une époque aujourd'hui révolue, tout le propos historique du film, on ne retiendra de Westler que quelques scènes notamment celles où Felix passent la frontière, toutes empreintes d'un certaine tension de plus en plus palpable, celle de l'inspection rectale inattendue et fort humiliante de Felix qui image toute la dureté et la stupidité des douanes et la description d'un certain milieu gay underground où homosexuels et travestis menés par Miss Sexy Ecstasy se retrouvent le soir lors de shows où on chante l'espoir et la tristesse. On ne pourra que succomber au charme des deux jeunes acteurs, le brun Rachman Sigurd qui fera une brève apparition par la suite dans Les ailes du désir avant de disparaitre, et le blond, petit elfe ébouriffé, Rainer Strecker, qui connaitra une longue carrière à la télévision allemande, tout deux très bons et plein de justesse dans leur jeu. On regrettera encore plus le manque de scènes de nudité puisqu'on devra se contenter de quelques plans de nus dorsaux.
Si Westler particulièrement estampillé années 80 reste aujourd'hui un témoignage sombre d'une époque toute aussi sombre que résume la très belle réplique de Miss Sexy ecstasy "Le problème n'est pas le Mur c'est le peuple", le film de Speck est malheureusement décevant sur le plan émotionnel et génère assez vite un certain ennui que la beauté des deux jeunes acteurs bien vient bien heureusement atténuer. Voilà qui est fort dommage lorsqu'on connait la richesse et l'audace du cinéma gay allemand tant d'hier que d'aujourd'hui.