Anima persa
Autres titres: Ames perdues
Real: Dino Risi
Année: 1976
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 107mn
Acteurs: Vittorio Gassman, Catherine Deneuve, Danilo Mattei, Anicée Alvina, Ester Carloni, Michele Capnist, Gino Cavalieri...
Résumé: Le jeune Tino vient s'installer chez sa tante à Venise afin d'y poursuivre ses études aux Beaux-arts. Très vite, l'immense demeure de sa tante le surprend et l'étonne. Chaque pièce semble être habité par les fantômes du passé et la porte qui mène à un mystérieux grenier dont sa tante lui interdit l'accès l'intrigue. Une nuit il entend quelqu'un jouer du piano dans cette pièce condamnée. Sa tante lui révèle alors qu'il s'agit du frère de son oncle qui l'habite, y vivant reclus depuis des années. Il n'en sort jamais puisqu'il aurait perdu la raison. Mais la vérité est tout autre, au delà de tout ce que l'adolescent pouvait imaginer...
Pilier du cinéma italien à qui on doit de magnifiques oeuvres souvent caustiques dont Parfum de femme, Dino Risi signa Anima persa en 1976 qui se range sans mal dans la longue liste des drames psychologiques morbides si chers au cinéma transalpin.
Situé dans la ville mystère de Venise dont la caméra semble en explorer la décrépitude au fil de ses canaux, Risi installe dés les premières images une atmosphère étrange, presque étouffante, quasi envoûtante. Ce climat délétère est renforcé par l'arrivée du jeune Tino à la demeure de sa tante, une immense bâtisse baroque où Risi joue avec chaque élément du décor, chaque pièce dont certaines sont à l'abandon. Il en est une plus particulièrement dont sa tante lui interdit strictement l'accès, un vaste grenier situé à l'étage.
Si cela intrigue l'adolescent venu chez eux afin de poursuivre ses études aux Beaux Arts, les silences, les regards que s'échangent les différents protagonistes attisent tout autant sa curiosité. C'est pour l'adolescent encore naïf comme partir à la découverte d'un monde fascinant et extraordinaire fait d'interdits, particulièrement étonné par les bruits qu'il entend la nuit dans cette pièce close et cette chanson d'enfant jouée au piano. Magnifique, le décor de cette maison ancestrale baigné de lumières douces ou d'ombres lourdes qui abritent les fantômes d'un inquiétant passé semble receler mille secrets. On retrouve avec plaisir dans Anima persa ces gigantesques maisons au glorieux passé si chères à un certain cinéma fantastique qui cachent tant de choses inavouables et morbides.
Poussé par la curiosité, le jeune garçon découvrira par l'oeil de boeuf que dans cette pièce interdite est enfermé depuis dix ans le frère de son oncle devenu fou. Cela permet ainsi à Risi de nous offrir quelques passages tout particulièrement impressionnants où apparait furtivement l'homme grimaçant et hystérique. Pourtant la vérité est toute autre. Tino découvrira vite que son oncle n'a jamais eu de frère. Ce dramatique secret de famille est au delà de tout ce qu'il pouvait imaginer.
D'entrée Risi choisit d'installer ce climat oppressant, une idée loin d'être déplaisante puisque
le spectateur se trouve ainsi d'emblée immerger dans cette atmosphère inquiétante mais cela réduit quelque peu le potentiel d'efficacité du film. De cette manière, il est amené à accepter cet univers sans attendre autre chose que la résolution de l'énigme. Risi n'a donc d'autre moyen que d'avoir recours aux ficelles du genre dont il use avec application. Ce choix fait d'Anima persa un film très conventionnel, jamais surprenant jusqu'à la révélation finale guère étonnante en soi pour l'habitué du genre. Là encore, Risi applique avec soin la recette
et le choc de cette découverte s'en trouve amoindri. On flirte avec l'univers de Bunuel et la présence de Catherine Deveuve, éblouissante, d'une beauté presque irréelle, n'y est pas étranger. Deneuve était alors en pleine période italienne se partageant entre l'Italie et l'Espagne pour une brochette de coproductions entre la France et ces deux pays. Avec Ames perdues elle poursuit dans le registre de ces personnages de bourgeoise décadente évoluant dans une société en décrépitude dans la lignée de La femme aux bottes rouges, Touche pas à la femme blanche et La grande bourgeoise.
On saluera surtout le fabuleux numéro d'acteur de Vittorio Gassman, admirable ici, ainsi que l'interprétation du tout jeune Danilo Mattei , découverte de Risi, dont c'était le premier rôle à l'écran avant son autre performance dans Au nom du pape roi puis de s'orienter vers le cinéma de genre dont Cannibal ferox reste un de ses plus bel exemple. Même si très conventionnel, Danilo possède la naïveté de son personnage à la découverte de ce monde étrange aux cotés de la regrettée Anicée Alvina, cabotine et non avare de ses jeunes charmes mais quelque peu inutile ici. Cette pseudo relation amoureuse estudiantine n'apporte rien à l'intrigue hormis de l'appesantir.
Ames perdues n'est jamais qu'un voyage au bout de la folie, une réflexion pesante sur le refus de vieillir et d'accepter les réalités de la vie, la perte de l'innocence et le refus de grandir qui mène lentement mais irrémédiablement à l'aliénation. On a souvent vu ces thèmes abordés dans le cinéma italien parfois avec bonheur comme entre autres Pensione paura de Francesco Barilli ou Quella strana voglia d'amare de Mario Imperoli. Anima persa même s'il ne se classe pas parmi les meilleurs exemples du genre n'en demeure pas moins une oeuvre morbide, toujours intéressante, souvent émouvante mais trop conventionnelle pour réellement inquiéter ou effrayer. On aurait été en droit d'attendre plus d'un réalisateur tel que Dino Risi.
A sa sortie à la sauvette en France en 1977, Ames perdues passa bien malheureusement totalement inaperçu, mal distribué, éclipsé par d'autres grosses productions alors à l'affiche tant et si bien qu'il disparut au bout d'une semaine sans aucune publicité ni réelle affiche française.