Un angelo per Satana
Autres titres: Un ange pour Satan / An angel for Satan
Réal: Camillo Mastrocinque
Année: 1966
Origine: Italie
Genre: Epouvante
Durée: 89mn
Acteurs: Barbara Steele, Claudio Gora, Ursula Davis, Anthony Steffen, Marina Berti, Aldo Berti, Mario Brega, Giovanna Lenzi, Antonio Acqua, Vassili Karis, Betty Delon, Halina Zalewska, Antonio Corevi, Livia Rossetti, Sergio Sagnotti...
Résumé: Roberto Merigi, un sculpteur-restaurateur, est chargé par le comte Salvoni de restaurer une statue qui a récemment émergé du lac. La statue a la réputation d'être maudite et sa réapparition coïncide avec la mort inexpliquée de deux pêcheurs et le retour au château familial d'Harriet dont le visage ressemble étrangement à celui de la statue. Il n'en faut pas plus pour que les villageois réveillent de vieilles superstitions. Alors qu'une idylle commence à naitre entre Harriet et Roberto, la jeune femme commence à changer. Elle devient agressive, sadique. Les morts se multiplient au village...
Spécialiste de la grande comédie italienne le vétéran Camillo Mastrocinque, il débuta sa longue carrière en 1931, a notamment signé une douzaine de films avec Toto avant d'amorcer un virage en dernière partie de son parcours cinématographique. C'est à cette période qu'il tourna deux films d'épouvante gothique, un genre alors très à la mode dans les années 60, La cripta e l'incubo / La crypte du vampire en 1964, devenu un classique au fil du temps, et le moins connu mais tout aussi délectable Un angelo per Satana / Un ange pour Satan en 1966.
1860 quelque part dans un petit village anglais perdu aux abords d'un lac. Une statue vieille de deux cent ans a émergé des eaux. La sculpture qui a souffert de son séjour dans le lac est à l'effigie de la superbe Maddalena, une jeune fille qui jadis fit perdre la tête à sa soeur Belinda, aussi laide que Maddalena était ravissante. Une nuit Belinda tenta d'embrasser le fiancé de Maddalena mais elle les trouva au lit. Folle de rage et de désespoir elle précipita alors la statue au fond du lac mais elle bascula avec elle et se noya. Roberto Merigi, un jeune sculpteur, est sommé par le comte Salvoni de restaurer la statue. L'arrivée de Merigi coïncide avec celle de la nièce du comte, Harriet, dont le visage ressemble étrangement à
celui de la statue. Ce retour n'est pas pour plaire à Ilda, la gouvernante et maitresse du comte, jalouse de la jeune fille. A l'arrivée d'Harriet revenue toucher sa part d'héritage deux pêcheurs sont bizarrement retrouvés mort. Leur décès fait aussitôt resurgir de vieilles superstitions chez les villageois persuadés que ces morts sont dues à l'influence maléfique de la statue. Merigi est très attiré par Harriet, une jeune femme douce et timide. Lentement une idylle nait entre eux mais rapidement Harriet se transforme sans explication en une femme aussi envoutante que sadique tandis que les morts s'enchainent. Merigi va tenter de comprendre ce qui a fait tellement fait changer Harriet et ce qui pourrait la lier à toutes ces
morts. Mais le ou la véritable possédé(e) n'est peut-être pas celle ou celui qu'on croit.
Inspiré d'un roman de Luigi Emanuelle Un ange pour Satan fait d'emblée penser à La vénus d'Ille de Bava, film lui aussi tiré d'une nouvelle mais de Mérimée cette fois. On y retrouve en effet les mêmes points de départ, celui d'un statue surgie du passé qu'on restaure et des évènements de ce passé qui vont venir influencer de manière négative le présent. A partir de là Mastrocinque concocte une petite pellicule d'épouvante qui ne cesse jamais d'osciller entre rêve et réalité, réel et surnaturel en laissant régulièrement planer l'ombre du doute quant aux évènements qui se déroulent tout en jouant la carte de l'onirisme et ce dés
l'ouverture du film. Magnifique est la scène qui ouvre cette histoire, la traversée silencieuse du lac embrumé sur une barque qui fait définitivement songer à la traversée du Styx ce qui lui donne vite un coté maléfique, lugubre, malaisant. On retrouvera cette force poétique dans le long flashback qui à travers un rêve que fait Merigi conte l'histoire de la statue maudite, un récit qui débute de manière brillante par le déroulement d'une estampe, d'un drap sur lequel est peint le portrait de Belinda, le mouvement donnant l'illusion qu'il prend horriblement vie. Un ange pour Satan est ainsi empreint de mystère soigneusement entretenu par un noir et blanc superbe qui de surcroit apporte une touche de tristesse, de mélancolie à l'ensemble
et renforce l'aspect sinistre des lieux. Mastrocinque a recours à tous les artifices du cinéma gothique habituel: le château inquiétant, le lac sombre, la campagne hivernale, la brume, la grisaille environnante, l'orage et la pluie battante, des éléments également propices au ton romantique que prend très vite l'histoire, un romantisme magnifié par la très belle partition musicale de Francesco de Masi.
Car Un ange pour Satan est plus qu'un film fantastique c'est aussi l'histoire de trois histoires d'amour tragiques noyées dans un romantisme désuet, celle du sculpteur et d'Harriet, celle secrète du comte et de Ilda et enfin celle du maitre d'école et de la jeune
servante. Ce romantisme macabre se teinte régulièrement d'un soupçon de perversion plutôt osé pour l'époque. Pour preuve le sadisme dont fait de plus en plus preuve Harriet lorsqu'elle fouette avec un plaisir presque orgasmique le visage du pauvre attardé mental après lui avoir ordonné de la regarder nue, une scène qui jadis dut en heurter plus d'un, lorsqu'elle pousse ce même homme au viol et oblige le maitre d'école à se pendre. Harriet possédée par l'esprit de Belinda se transforme sur fond incessant d'aura sexuelle sulfureuse et de sensualité exacerbée, morbide, en véritable dominatrice, une Dark lady perverse, cruelle, manipulatrice dont on retiendra aussi la scène où elle se caresse et se
pomponne lascivement devant son miroir sans oublier cette pointe de lesbianisme entre elle et Rita sa douce servante.
L'interprétation est à la hauteur du récit menée brillamment par la reine noire du gothique italien d'alors, Barbara Steele, parfaite dans le double rôle ambigu de la fragile Harriet et de cette Dark lady aussi féroce qu'envoutante. Face à elle Antonio de Teffé est un sculpteur-restaurateur à la mine taciturne, celle qu'il affiche dans les multiples westerns qu'il tourna. Autour d'eux on saluera une distribution riche et convaincante qui s'harmonise à la perfection. Elle comprend des noms prestigieux tels que Mario Brega, Vassili Karis, Claudio
Gora et quelques beautés d'hier comme Halina Zalewska, Marina Berti et Ursula Davis.
Plus qu'un film d'épouvante Un angelo per Satana est ce qu'on pourrait appeler un film fantastique à dimension romantico-noir qui par instant s'orienterait vers l'horreur plus particulièrement lors d'un final plutôt surprenant et réussi où le rationnel prend le pas sur le surnaturel. Tout devient logique et cette supposée possession maléfique n'est ni plus moins qu'une forme d'hypnose, base d'un complot dont l'objectif est l'argent. Un angelo per Satana,
thriller d'épouvante gothique romantique? On peut le dire comme on peut dire que l'entreprise est une jolie réussite, un petit bijou méconnu à l'atmosphère lacustre qui rappelle sur quelques points La donna del lago et La maison aux fenêtres qui rient. Elégant, raffiné, riche ce petit gothique se laisse tout simplement voir avec grand plaisir et pas seulement pour Barbara dont ce sera un des derniers films importants hormis le psychédélico-horrifique de Vernon Sewell Curse of the crimson altar / La maison ensorcelée en 19689.