I visionari
Autres titres: I visionaries
Réal: Maurizio Ponzi
Année: 1968
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 89mn
Acteurs: Pierluigi Aprà, Adriana Asti, Lidia Biondi, Jean-Marc Bory, Olimpia Carlisi, Laura De Marchi, Sergio De Vecchi, Luigi Diberti, Fabienne Fabre, Antonio Iria, Giuseppe Scarcella, Francesco Fabrini...
Résumé: Une compagnie de théâtre répète une pièce qu'elle s'apprête à jouer. Les conditions ne sont pas idéales. Le metteur en scène est amoureux d'une des comédiennes, Adriana, qui s'éprend d'un des comédiens, Alberto. Lorsque Adriana s'absente quelques jours Alberto retombe dans les bras de son ex-petite amie. Le metteur en scène décide de ne rien dire à Adriana à son retour...
Peu connu du grand public si ce n'est pour les trois films qu'il réalise dans les années 80 avec pour vedette Francesco Nuti Maurizio Ponzi fait ses débuts en tant que critique cinématographique pour diverses revues italiennes dites intellectuelles dans le plus pur style de nos Cahiers du cinéma comme la réputée Cinema & films. En 1966 il abandonne le stylo et devient assistant pour Pier Paolo Pasolini, un ami proche, sur Amore e rabbia avant d'entamer sa carrière de metteur en scène deux ans plus tard avec ce film primé au XIème Festival international de Locarno I visionari avant de totalement disparaitre.
Le scénario est d'une simplicité extrême. On suit simplement une troupe de théâtre à la veille d'une première qui s'avère difficile. Une des comédiennes, Adriana, est amoureuse de Carlo le directeur de la pièce qu'ils doivent jouer, mais elle éprouve des sentiments pour un acteur français, Roberto, un de ses partenaires qui finalement devient son amant. Ce triangle amoureux complique les répétitions, les relations entre Roberto et le réalisateur étant tendues. Adriana doit s'absenter quelques jours à Paris pour tourner un film, l'occasion pour elle de tester les sentiments de Roberto. Durant son absence Roberto la trompe avec son ex-petite amie. Au courant de cette trahison Carlo décide de ne rien dire à Adriana. A son
retour la jeune femme a une vision des choses différente. Elle a eu le temps de réfléchir sur la superficialité de sa vie. Elle décide de s'éloigner de Carlo, impuissant, et de Roberto.
Durant quelque 90 minutes on suit l'interaction entre la vie des comédiens en coulisses, notamment ce triangle amoureux, et les répétitions. Ni plus ni moins. Il ne se passe strictement rien. I visionari c'est un peu comme si on était assis quelque part dans ce théâtre et qu'on écoutait dans un silence pesant ou au son des musiques de Gustav Malher les conversations de la troupe entre deux répétitions de la pièce inspirée des écrits de Robert Musil qu'elle s'apprête à jouer. Fastidieux c'est le moins qu'on puisse dire peu aidé
par des dialogues pseudo-intellectuels, prétentieux, qui essaient de mettre en avant les problèmes existentiels de chacun. I visionari s'inscrit clairement dans le filon de la Nouvelle vague à la Jacques Rivette, un cinéma réalité, intello, et surtout dénué de tout effet ce que Ponzi détestait plus que tout. C'est donc un pied de nez à ce type de cinéma qu'il a ici voulu mettre en scène à ses risques et périls.
Le film de Ponzi s'inscrit dans l'ère de son temps, nous sommes en 1968, mais le résultat est mitigé. Difficile d'intéresser le spectateur aux "tribulations", contrastes et contradictions du metteur en scène de la pièce et des acteurs de cette compagnie, de retenir, capturer son
attention. On se détache assez rapidement de l'intrigue d'autant plus que ses deux parties distinctes, les répétitions et la vie des comédiens, n'ont que bien peu de rapports entre elles si ce n'est le thème dramatique de la pièce. Et le joli noir et blanc qui voudrait donner à l'ensemble un ton un tant soit peu métaphysique n'apporte strictement rien si ce n'est un visuel, une esthétique agréable à l'oeil.
La distribution franco-italienne est certes intéressante puisqu'on retrouve à sa tête un trio d'acteurs confirmés, Adriana Asti, Luigi Diberti et Jean-Marc Bory mais leur investissement ne suffit pas à masquer l'ennui généré par cette bande statique écrite à quatre mains par
Ponzi lui même aux cotés de l'argentin Eduardo De Gregorio, ex-professeur à la Sorbonne et futur réalisateur de l'intéressant Sérail.
Tourné dans une Locarno déserte, évanescente, ce qui peut par moment lui donner un petit coté surréaliste I visionari dont le titre fait référence aux ultimes phrases du film est un premier essai risqué. En tentant de pénétrer l'univers de metteurs en scène tels que Rivette, de faire de la Nouvelle vague à l'italienne Maurizio Ponzi s'est quelque peu fourvoyé, confondant intellectualisme et ennui. Difficile d'accrocher à ce double drame fictif/réel, jamais vraiment intéressant encore moins passionnant. Malgré l'enthousiasme de Pasolini
face à la première oeuvre de son ami I visionari reste une simple curiosité d'un autre temps à laquelle on peut accorder quelques qualités, une méga rareté pour collectionneurs acharnés, I visionari ayant totalement disparu pendant quasiment 50 ans depuis sa très brève sortie sur les écrans italiens en mai 1969, oublié des éditeurs vidéos et des programmateurs télé, inédite en DVD bien sur. Il fallut attendre 2022 pour que le film refasse enfin surface, soit restauré par la Cinéthèque nationale du Centre expérimental du cinéma puis projeté en exclusivité à Rome en présence de Ponzi lui même en guise d'hommage.
Bien plus captivant sera le second film du réalisateur, tout aussi rare malheureusement, Equinozio (1971), film d'anticipation étrange, envoutant, original et si marginal.