Sensi
Autres titres: Evil senses
Réal: Gabriele Lavia
Année: 1986
Origine: Italie
Genre: Thriller érotique / Noir
Durée: 90mn
Acteurs: Gabriele Lavia, Monica Guerritore, Mimsy Farmer, Lewis E. Ciannelli, Gioia Scola, Dario Mazzoli, Jean-René Masrevery, Ragnhild Aslakse
Résumé: Manuel Zani, un tueur à gages, doit quitter Londres après avoir l'homme que ses employeurs avaient envoyé pour l'abattre. Il lui dérobe sa mallette dans laquelle sont cachés d'importants documents qui pourraient lui sauver la vie. Il se réfugie dans un bordel à Rome tenu par une de ses ex-maitresse. Il y fait la connaissance d'une splendide putain, Vittoria, dont il tombe amoureux. C'est le début d'une relation aussi charnelle que passionnelle. Mais qui est en réalité Vittoria?
On connait Gabriele Lavia en tant qu'acteur (Les frissons de l'angoisse, Le démon aux tripes, Inferno, Zeder), on le connait peut-être un peu moins bien comme metteur en scène. Après un essai au théâtre il réalise son tout premier long métrage en 1985, Scandaleuse Gilda, alors qu'il est marié à la starlette montante de l'érotisme Monica Guerritore qui devient son actrice fétiche. Fustigé par la critique, boudé par le public l'échec de ce premier film à l'érotisme exacerbé ne l'empêche pas d'en tourner un deuxième tout aussi osé l'année suivante, Sensi, un nouvel échec malgré d'évidentes qualités visuelles.
Manuel Zani est un tueur professionnel installé à Londres. Les gens pour qui ils travaillent le recherchent désormais pour s'en débarrasser. Il réussit à tuer l'homme qu'ils avaient envoyé l'assassiner puis s'empare de sa mallette qui contiendrait de précieux documents qui pourraient lui sauver la vie, une liste de noms tournant autour d'une sombre affaire de chantage. Zani décide pourtant de ne pas les garder. Il les déchire et les jette dans les toilettes avant de fuir pour l'Italie. Arrivé à Rome il se cache dans un bordel de luxe tenu par Madame Micol, une de ses ex-maitresse. Il y rencontre une très séduisante mais énigmatique putain, Vittoria, avec qui il entame une relation aussi chaude que passionnelle
mais également dangereuse, Vittoria étant mariée. Mais ce n'est pas le seul danger. Vittoria est elle aussi une tueuse professionnelle qui a été engagée pour le tuer. Elle ignore que Zani est au courant du piège qu'on lui a tendu. Débute alors entre eux un véritable jeu du chat et de la souris.
Avec Scandaleuse Gilda Lavia réalisait une pellicule érotique de luxe, classieuse, particulièrement léchée, un de ces films à l'érotisme papier glacé comme c'était alors la mode en ce milieu d'années 80 mais faute de véritable intrigue, de mise en scène correcte et à des dialogues cliché involontairement comiques Lavia échouait sur toute la ligne avec
cette resucée de Fotografando Patrizia de Samperi. Il récidive avec Sensi mais cette fois il s'inspire des films noirs américains auxquels Sensi voudrait être un bel hommage. Lavia ne se glisse plus dans la peau d'un dessinateur de bandes dessinées mais dans celle d'un tueur professionnel à la Humphrey Bogart (ou un cran, deux crans, trois... en dessous à la Alain Delon) nommé Manuel Zani. Zani est un personnage sombre, taciturne, froid, implacable qui fuit une Londres nocturne pour se terrer dans une maison close tout aussi sombre où il va entamer une relation aussi torride que morbide avec une putain de luxe alors que ses employeurs le recherchent pour le tuer. Voilà un début de scénario intéressant
malheureusement gâché par l'incapacité de Lavia à le mener à bien. Il faut dire que ces deux lignes résument l'intrigue qu'on peut facilement qualifier d'embryonnaire. Difficile de tenir 90 minutes avec si peu d'éléments narratifs. On s'ennuie très vite puisqu'il ne se passe pratiquement rien, on ressent tout aussi rapidement le vide de la trame narrative. Il faut donc combler et Lavia comble en multipliant les scènes érotiques qui se veulent aussi glacées que celles de son précédent film. Il donne à nouveau dans l'érotisme de luxe ultra patiné façon papier glacé pour magazine haut standard. Il se veut aussi chaud que sensuel, il veut rivaliser avec 9 semaine 1/2 comme l'annonçait le slogan publicitaire. Vittoria doit incarner la
putain la plus classe, la plus sexy jamais vue à l'écran. Lavia a mis la barre très haut mais il n'a ni les moyens ni suffisamment de savoir-faire pour y parvenir. Il enchaine donc les plans de nudité, d'ébats, use de longs ralentis pour renforcer la sensualité censée transpirer de ces copulations à répétition, tente d'instaurer une atmosphère sexuelle intense, joue avec les lumières, la lingerie à la manière d'un long clip vidéo mais ça ne fonctionne pas vraiment. C'est tout simplement beau, très esthétique, clinquant mais force est de constater que Lavia ne parvient jamais à créer une véritable ambiance fiévreuse qui respire l'odeur du sexe, à retranscrire le coté passionnel, charnel et morbide de cette dangereuse relation
d'autant plus qu'il fait très attention à l'instar de son premier film à ne jamais dépasser les limites du softcore tout comme Monica Guerritore n'en montre jamais plus qu'il n'en faut. Sensi peut donc frustrer l'érotomane. On est loin du Samperi encore plus loin encore des bandes érotiques classieuses de Joe D'Amato de la même époque (Lussuria, Voglia di guardare, La femme pervertie). Ce ne sont pas les dialogues qui réveilleront chez le spectateur un instinct bestial. Le plus souvent creux, insipides lorsqu'ils ne sont pas risibles ils se veulent crus, tendre vers le trash mais là encore l'effet tombe à l'eau, la mise en scène ne suivant pas. Lorsque par exemple avant de faire l'amour Zani veut prendre une douche
Vittoria lui interdit, rétorquant qu'elle préfère les jeux sexuels sales, certaine que les hommes aiment les odeurs corporelles. Dans un certain contexte cela aurait pu être délectable ici on a plus tendance à sourire. La sauce ne prend pas.
Quant aux coté noir de l'intrigue Lavia n'a guère d'imagination. Un costume, un chapeau et des lunettes noires, un semblant d'atmosphère pesante, de longs silences, des regards menaçants ou une mine désillusionnée qui se perdent dans des volutes de fumée sont peut être des signes mais cela ne suffit pas même si des tueurs sont à vos trousses. Quant au jeu du chat et de la souris entre Zani et Vittoria il ne faut pas être très intelligent pour
comprendre le fin mot de l'histoire, Lavia n'étant de surcroit pas vraiment le maitre du suspens. Le final n'est donc pas très surprenant.
Que reste t-il donc au crédit de Sensi? Premièrement son aspect visuel, son esthétisme, absolument superbe, fort bien mis en valeur par une sublime photographie. A retenir également ses meurtres souvent violents, brutaux. Pour preuve le tout premier assassinat, celui qui ouvre le film, bluffant et inattendu, une balle en pleine tête, et le massacre final plus précisément l'ultime image. Autre atout, son érotisme glacé bien sûr et une certaine
recherche de style tout à fait appréciable. Quant à Lavia s'il ne brille pas en tant que réalisateur il est bien plus doué comme acteur, on peut donc souligner son professionnalisme. Peut être aurions nous apprécié un peu plus d'alchimie entre lui et Monica Guerritore, son épouse à la ville, lors de leurs ébats. Donnons enfin un bon point à Fabio Frizzi pour la bande originale plutôt intéressante, angoissante au possible. Tout n'est donc pas à jeter mais cela ne suffit pas pour que Sensi passionne. Ce noir à l'américaine reste ennuyeux, beau mais ennuyeux!