Voglia di guardare
Autres titres: La fille aux bas nylon / Skandalöse Emanuelle / La insaciable Cristina
Real: Joe D'Amato
Année: 1986
Origine: Italie
Genre: Erotique
Durée: 88mn
Acteurs: Jenny Tamburi, Sebastiano Somma, Lilli Carati, Laura Gemser, Marino Masé, Aldina Martano...
Résumé: Cristina est mariée à Diego, un chirurgien qui la délaisse un peu trop pour son travail. Un jour il lui présente le fringant Andrea qui très vite devient son amant. Andrea l'emmène alors dans un bordel de luxe tenu par Francesca. Il lui demande d'en être une des filles. Outrée Cristina accepte tout de même par amour pour lui et se fait ses premiers clients. Elle ignore qu'en fait Andrea est à la solde de son mari. Il est également l'amant de Franesca. Ce dernier, voyeur, observe chacune de ses passes derrière un miroir sans tain. Lorsque Francesca lui avoue la vérité, Cristina va décider de se venger d'autant plus qu'elle a pris goût à ces jeux vicieux. Elle s'est transformée en véritable putain et compte bien en faire profiter Diego. Mais elle est aussi follement tombée amoureuse de Andrea...
Qui n'a jamais été tenté de connaitre le plaisir divin d'espionner par le trou de la serrure, l'entrebâillement d'une porte, d'une fenêtre un être cher, un ami, un parent, tout simplement un inconnu, découvrir cette intimité si excitante et propice au fantasme? Cette intrusion dans l'intimité d'autrui ou voyeurisme est d'autant plus excitant qu'il peut être l'image de la pureté, de la virginité mais également du vice et de la débauche. Si la chambre, les salles d'eaux et d'aisance sont les lieux les plus prisés pour les adeptes du voyeurisme puisque s'y déroulent nos actes les plus intimes, il y a également les pièces secrètes où confortablement tapi derrière un miroir sans tain on assiste en toute sécurité aux ébats de l'autre. C'est justement dans cette minuscule salle feutrée que le mari de Cristina va être le spectateur des relations extra-conjugales de sa femme. Être abject, Diego prend un plaisir pervers à observer sa tendre et innocente épouse dans les bras d'autres hommes, la voir se
transformer de jour en jour en véritable putain prête à toutes les humiliations. Voglia di guardare comme le laisse très bien sous-entendre le titre est une ode au voyeurisme, à ce fameux désir de regarder en toute impunité. Le film tout entier est construit autour de cette déviance bien spécifique dont est atteint cet homme respectable, chirurgien de renom, marié à une femme un brin frustrée par ce mari qui la délaisse pour son travail. Lorsqu'il lui présente Andrea elle est loin de se douter qu'il s'agit en fait d'un piège. Andrea est l'amant de Francesca, la tenancière d'une maison close. De connivence avec Diego, il va subrepticement enseigner à Cristina l'art de vendre son corps afin qu'elle devienne une des filles les plus demandées du bordel. D'abord outrée, Cristina va se laisser prendre au jeu et se découvrir un penchant pour l'exhibition. Le jeu devient un vice dont elle ne peut plus se passer. Lorsque Francesca lui révèle que c'est son propre époux qui tire les ficelles, elle en tirera avantage et prendra de plus en plus de plaisir. Devenue une véritable putain, elle ne se donne plus aucune limite. Le seul problème est qu'elle est tombée amoureuse de Andrea et souhaite vivre avec lui.
Voglia di guardare s'inspire clairement des oeuvres de Tinto Brass qui reprendra ce thème sulfureux dans L'uomo che guarda / Le voyeur même si D'Amato est loin de posséder la maestria du célèbre cinéaste. Quatrième volet de sa série érotique située dans l'Italie de l'après-guerre Voglia di guardare possède les qualités et les défauts de L'alcova, Lussuria et La femme pervertie, eux aussi très inspiré par Brass. On y retrouve ce même érotisme papier glacé pour magazine de luxe, cette ambiance haute bourgeoise et décadente de l'Italie de la fin des années 40, ces personnages débauchés qui trompent leur ennui dans le sexe au fil d'histoires d'amour compliquées. Seules changent les motivations. L'essence même de l'intrigue est le voyeurisme, ce désir très masculin et surtout masochiste d'offrir en secret sa partenaire à d'autres hommes afin qu'elle assouvisse leurs fantasmes les plus débridés pour mieux assouvir ceux de son compagnon, à la fois blessé mais tout particulièrement excité. Le miroir derrière lequel se réfugie l'homme devient donc un personnage à part entière. Il devient l'élément essentiel pour qu'il réalise d'une part son désir de voir, d'autre part pour qu'il nous permette de suivre les ébats de Cristina et son évolution. Et en matière d'observation le spectateur est plutôt gâté même si on a connu D'Amato beaucoup plus salace. En ce milieu
d'années 80, le cinéma érotique italien n'est plus ce qu'il fut, une certaine rigueur est désormais de mise, une rigueur qu'on dissimule derrière quelques artifices dont de superbes tenues coquines, des dessous affriolants et autres défilés de lingerie, quelques plans de nu frontaux rapides et scènes de saphisme inutiles dans des décors glamour somptueux. Un brin frustrant donc pour un film dont le sujet principal est justement le voyeurisme. Quelques séquences fort heureusement viennent briser tout de même cette hypocrite gentillesse, celle où Cristina se fait sodomiser par un bel hindou après qu'il lui ait enduit l'intimité de crème et surtout celle, aussi dégradante qu'abjecte, où de dos un homme girond et velu se masturbe frénétiquement devant Cristina qui de son coté se caresse face à la caméra lors d'un nu frontal aussi insolent que stupéfiant sous l'oeil étincelant de son mari. On retrouve le temps d'un instant toute la morbidité du réalisateur, son goût poussé pour la perversion qu'on aurait aimé retrouver tout au long de ce film où tout est prétexte à voir: outre ce miroir, on épie derrière une fenêtre, on observe derrière une porte (la scène assez osée où Cristina fait ses ablutions sur le bidet)...
Filmé avec élégance, bénéficiant d'une superbe photographie qu'on doit à D'Amato lui même, visuellement magnifique, Voglia di guardare ne parvient cependant pas à vraiment convaincre malgré ses quelques séquences pimentées. D'où vient donc cet étrange sentiment de doux échec? Peut être de l'histoire assez improbable et des dialogues parfois risibles mais surtout et avant tout des protagonistes eux mêmes. Si le bellâtre Sebastiano Somma n'est qu'un gigolo de roman-photo, Jenny Tamburi dont ce fut le dernier véritable rôle au cinéma est une Cristina bien peu excitante et fantasmatique. Plus de toute fraicheur, si Jenny accuse assez mal les années, forcie, la peau par instant détendue, les yeux incroyablement cernés, le regard globuleux, son jeu est des plus limité et jamais crédible. 90 minutes durant elle se contente d'ouvrir grand la bouche, crisper la machoire puis serrer les dents en jetant mécaniquement la tête en arrière afin de simuler le plaisir. Voilà qui est très
vite irritant et surtout risible. Cela est d'autant plus regrettable qu'elle est entourée de Lilli Carati, la tenancière du bordel, qui n'a quasiment aucune scène de nu, et la toujours fabuleuse Laura Gemser, sa meilleure amie lesbienne, qui n'a aucune réelle fonction dans le film si ce n'est d'apprendre à Cristina les vertus du voyeurisme en lui proposant de la regarder faire l'amour avec son amante, la très ingrate Aldina Martano, la Mère supérieure de On l'appelle Soeur Désir. On se prend alors à rêver à ce que Voglia di guardare aurait donné si Laura ou même Lilli avait été à la place de Jenny! On ressort donc encore un peu plus frustré de la vision de cette hymne aux délices du voyeurisme à l'état brut!
Voglia di guardare est malgré tout une sympathique oeuvre érotique qui doucement marque la fin de toute une époque. D'Amato a su garder le sens tant de l'érotisme même s'il n'évite pas les clichés que de l'esthétisme. S'il n'a réussi qu'à réveiller qu'une petite partie de la bête qui sommeille en nous en excitant de façon trop tiède nos sens voyeurs, il signe tout de même un joli film érotique qui mérite l'attention de tout spectateur un brin polisson.
Si le film est connu en France sous le titre La fille aux bas nylon, il fut retitré en Allemagne Skandolöse Emanuelle (Scandaleuse Emanuelle), un évident clin d'oeil commercial à la série des Emanuelle dû la présence au générique de Laura Gemser.