Una donna di notte
Autres titres: Une fille de nuit / A woman in the night / Sexaphobia / I pornogiochi di una donna di notte
Real: Nello Rossati
Année: 1979
Origine: Italie
Genre: Comédie érotique
Durée: 82mn
Acteurs: Lorraine De Selle, Otello Belardi, Ajita Wilson, Gino Cassani, Daniele Vargas, Angela Belluzzi, Salvatore Furnari, Sandro Ghiani, Fabio Marasetti, Giovanni Materassi, Francesco Bagagli, Monica Nickel, Franca Mantelli, Maurizio Prudenzi, Enzo Mondino, Giuseppe Marrocco, Bruno Alias...
Résumé: Aldo Murati est un écrivain en panne d'imagination qui doit rendre à son éditeur son nouveau roman. Il prend alors comme héroïne sa voisine, la douce Laure, qu'il transforme en une sorte de vamp assoiffée de sexe à qui il va faire vivre différentes aventures...
Après s'être fait connaitre au début des années 70 pour ses drames érotiques bourgeois morbides et ses quelques sexy comédies Nello Rossati, metteur en scène sous estimé qui n'a malheureusement jamais réussi à se faire une place au soleil, signe dés la fin de la décennie une petite série de films purement érotiques particulièrement salaces dont Una donna di notte qui n'est jamais qu'une féroce satyre d'Emmanuelle. Nello Rossati se fait un plaisir de la salir et l'avilir en quatre sketches corrosifs qu'il bâtit autour de sa principale protagoniste, Bianca Maria, une jeune femme frustrée en proie à toutes les perversions
sexuelles. Bianca Maria n'est jamais qu'un personnage fictif, l'héroïne du nouveau livre d'un pauvre petit romancier qui pour la créer s'est inspiré de sa jeune et jolie voisine qu'il aime espionner. Les écrits et fantasmes de l'homme vont donc prendre vie sous nos yeux sous forme de segments intensément érotiques parfois étranges. Une forme de cinéma "littéraire" qui a souvent fait ses preuves vu et corrigé par un Rossati plus ironique que jamais.
Ecrivain introverti en panne d'imagination récemment divorcé, Aldo Murati doit rendre un nouveau roman à son éditeur. Il s'inspire alors de sa jeune voisine, Laure, dont il est
secrètement amoureux et la transforme en une manne qui chaque nuit se mue en prédatrice sexuelle. Bianca Maria va ainsi rencontrer un jeune soldat timide, un pécheur rustre, une bombe sexuelle de couleur et un play-boy avant un face à face avec Aldo lui même.
Une fille de nuit se présente donc sous la forme d'une série d'histoires salaces particulièrement osées, quatre rencontres hautement érotiques, qui s'emboitent les unes aux autres et que Rossati s'amuse à briser à chaque fois de superbe façon ramenant ce qui souvent lorgne vers l'euro-trash à une comédie érotique particulièrement acerbe. A travers Bianca Maria, une pauvre provinciale travestie en femme fatale débarquant à la ville avec sa
valise en carton, Rossati ne cherche qu'une chose, détruire tout un cinéma érotique classieux très en vogue dans les années 70, tuer le mythe d'Emmanuelle en faisant l'amour à un bidasse débile dans les toilettes nauséeuses d'un cinéma porno. Acculé sur la lunette des WC il éjacule au moment même où il tire la chasse alors que Bianca Maria se rhabille, dépitée, avant de s'évanouir dans la nuit.
Bianca Maria assène le coup fatal au cinéma de Just Jaeckin en s'adonnant à une longue partie de saphisme tribale au son des tam-tam vaudous. L'acte se conclura par l'apparition d'un nain difforme particulièrement laid au sexe démesuré qui se joindra à Bianca Maria et
sa partenaire d'ébène.
Le metteur en scène massacre toute l'esthétique de ce cinéma érotique de luxe quand le prude docteur amoureux de Bianca Maria part à la recherche de sa dulcinée, courant à perdre haleine dans les dunes balayées par le vent avant de déraper sur une merde alors que Bianca Maria se fait sodomiser dans un filet de pêche par un marin rustre, celui là même qui venait de déféquer derrière la dune. La métaphore est claire. Pour Nello Rossati cet érotisme papier glacé pour bourgeois frustrés n'est que merde.
Toujours plus loin dans sa destruction du mythe, Bianca Maria assassine l'érotisme des
oeuvres de Joe D'Amato et pulvérise la divine Laura Gemser, éternelle incarnation de notre Black Emmanuelle vénérée, lorsqu'elle se livre enfin à l'écrivain, caresse son corps nu jusqu'au moment où on découvre ses pieds habillés de vieilles chaussettes trouées de célibataire endurci.
Le mythe ainsi roulé dans l'excrémentiel et le scabreux, l'érotisme classe sali et avili, les clichés habituels balayés, il ne restait à Rossati qu'à trucider le spectateur lors de la séquence finale où la fantasmatique Bianca Maria redevient la tendre Laure qu'il transforme alors en incube qui castre l'écrivain à l'aide d'un rasoir à main avant de se badigeonner le
corps de son sang.
Véritable comédie décapante, destructrice, magnifiée par une somptueuse photographie et une mise en scène à l'avenant même si parfois un peu maladroite, Una donna di notte, réalisé par un Rossati plus frondeur que jamais, est une représentation voire l'archétype même d'un cinéma italien transgressif qui sous couvert d'humour noir brise mythes et valeurs morales établies de façon insolente et irrévérencieuse. Rossati a de la ressource, du talent, et comme dans ses pellicules précédentes il flirte de temps à autre avec un cinéma à tendance quasi auteuriale. Une des grandes qualités du film est son climat
souvent étrange, bizarre, aux limbes parfois de l'onirisme. Des séquences de fantasmes se dégage une certaine magie et beaucoup de sensualité car même dans ses instants les plus trash Una donna di notte reste élégant, jamais vulgaire encore moins obscène.
Outre ses qualités visuelles, ses très beaux costumes et décors, ses dialogues aussi acérés que le rasoir de Bianca Maria et une partition particulièrement sympathique signée Gianfranco Plenizio, Una donna di notte bénéficie d'une interprétation des plus correctes de Daniele Vargas (l'éditeur), Sandro Ghiani (le soldat) et Giovani Materassi. Otello Belardi sans être extraordinaire (l'écrivain) a cependant le physique de son rôle. Mais c'est surtout la
présence de Lorraine De Selle dans le double rôle de Bianca Maria / Laure qui donne au film tout son intérêt et lui apporte une grande part de sa magie. Lorraine n'a jamais été aussi belle et enivrante, aussi troublante. Certes elle n'a jamais été une grande actrice mais ici elle a tout bonnement quelque chose de d'envoutant. Cerise sur le gâteau, elle passe la moitié du métrage entièrement nue. Affirmer que Una donna di notte est sans nul doute le rôle de sa carrière est loin d'être une exagération. A ses cotés on notera la participation d'Ajita Wilson qui nous offre une très belle et troublante scène de saphisme avec Lorraine
au son des tambours vaudous et l'apparition de Monica Nickel.
Subrepticement sorti chez nous en salles durant l'hiver 1979 Une fille de nuit est une petite pépite érotique corrosive trop méconnue à l'aura merveilleusement malsaine, une oeuvrette bien plus intelligente qu'elle veut bien le faire croire de prime abord. L'amateur aura grand plaisir à la découvrir et l'apprécier. Quant aux nombreux admirateurs de Lorraine De Selle ils seront tout simplement aux anges durant quasiment 90 minutes.