Mas alla del fin del mundo
Autres titres: Les survivants de l'infini / Au delà de la fin du monde / Espectro / Spectrum / Beyond the world's end
Réal: Manuel Esteba
Année: 1978
Origine: Espagne
Genre: Fantastique / Science-fiction
Durée: 76mn
Acteurs: Eduardo Fajardo, Daniel Martin, Inka Maria, Julian Uguarte, Victor Israel, Jaime Ros, Antonio Lara, Esteban Dalmases...
Résumé: Un cataclysme a ravagé notre monde pendant que deux scientifiques tentaient une expérience révolutionnaire dans les entrailles de la Terre. Ils sont apparemment les seuls survivants. Ils tentent désespérément d'en trouver d'autres mais en proie à des dérèglements climatiques la Terre entre en phase glaciaire. Les deux hommes, épuisés, s'effondrent. A leur réveil ils se retrouvent dans un étrange appartement souterrain en compagnie d'une femme. Elle leur apprend que ce sont des extra-terrestres qui sont la cause de la fin du monde. Elle veut repeupler la Terre mais à sa façon. Les deux hommes ignorent encore qui elle est réellement...
Etrangement boudé, le cinéma post-apocalyptique n'a guère été représenté que ce soit en Italie ou en Espagne durant les années 70 à l'exception de la vague post Mad Maxienne qui le temps de quelques films occupa les écrans essentiellement italiens au début des années 80. Hormis cette sous branche éphémère du cinéma d'exploitation née du succès de la trilogie de George Miller peu de réalisateurs s'essayèrent au genre. On pourrait citer du coté de nos amis transalpins le très étrange Grida di ecstasy / Sesso delirio, Ultimo deseo du prolifique Leon Klimovski, El refugio del miedo / Le refuge de la peur de José
Ulloa pour l'Espagne ainsi que ce Mas alla del fin del mundo de Manuel Esteba connu pour ses westerns mais surtout ses bandes érotiques souvent médiocres à la limite du porno, ses fameux films dits "S" (Porno: situacion limit, Viciosas al desnudo, Trampa sexual, Sexo sangriento).
Deux scientifiques réputés, Anton et Daniel Del Valle, sont sur le point de tenter une expérience inédite afin de découvrir si l'Homme pourrait vivre sans tout ce qui l'a crée, en retournant à ses origines. Anton et Daniel sont frères. Ils vont passer trois mois au fond d'une grotte. Au bout de quelques semaines seulement avoir perdu contact avec l'équipe de
surface et avoir constaté la disparition incompréhensible des rivières souterraines ils sont obligés de remonter. De grosses tensions avaient éclaté entre les deux frères. Après s'être tu des années Anton osait enfin dire à son frère tout le mal qu'il pensait de lui, comment il avait vécu le fait qu'il ait toujours été le préféré, comme il le haïssait aujourd'hui et combien il voulait le voir souffrir. De retour à la surface ils constatent qu'il n'y a plus de vie. Tout est désert, les hommes sont tous morts tétanisés. Leurs yeux sont cristallisés. Il n'y a plus ni énergie ni électricité. Le soleil figé brille d'une étrange lueur verdâtre. Pour rien n'arranger notre Terre semble entrer dans une phase de glaciation. Décidés à trouver de la vie quelque
part ils continuent leur route mais exténués ils s'effondrent. A leur réveil ils se retrouvent chez une femme qui vit dans les entrailles de la terre entourée d'un chien, trois chimpanzés et d'abeilles. Elle se présente comme étant Mary Ionesco, la fille du célèbre professeur Ionesco. Avant sa mort son père avait découvert qu'une civilisation extra-terrestre se préparait à envahir notre planète suite à la lente destruction de leur monde. Ce sont eux qui sont responsables de cette apocalypse. Le but de Mary Ionesco est repeupler notre planète mais sa présence ravive surtout les hostilités entre les deux frères qui se battent pour elle. Anton finit par tuer Daniel. Après avoir fait l'amour à Anton elle lui révèle qu'elle est une de
ces entités extra-terrestres. Elle le tue. L'Être humain étant ce qu'il est comme l'ont prouvé une fois de plus les deux scientifiques elle met un terme à l'humanité au profit des abeilles qui désormais peupleront la Terre.
De Manuel Esteba il ne fallait guère attendre de miracles. Mas alla del fin del mundo ne fait pas exception à la règle. Peut-être le scénario était un petit peu trop ambitieux pour ses faibles capacités de metteur en scène. Force est de constater que cet essai post apocalyptique est décevant ou plutôt frustrant tant on reste sur notre faim avec une histoire si prometteuse. Le film débute comme bien d'autres pellicules du genre par un cataclysme qui
va faire disparaitre toute vie de la surface de notre planète alors que deux scientifiques sont au fond d'une grotte. Ils sont apparemment les deux seuls survivants de notre espèce et vont se mettre en quête d'autres survivants guidés par un signal radio. Le point de départ est traditionnel, bon nombre de classiques du genre ont ainsi débuté, comme les découvertes qu'ils font au rythme de leurs pérégrinations dans des paysages lunaires plongés dans le silence. Dans les villes les morts sont comme pétrifiés, toutes les sources d'énergie sont taries, la nourriture est avariée et d'étranges déréglements climatiques se produisent. Le soleil figé dans le ciel émet un curieux spectre verdâtre et il semble que la Terre ou ce qu'il
en reste entre en phase glaciaire. Rien d'extraordinaire donc mais il faut reconnaitre que visuellement le film fonctionne grâce à une image assez soignée, des paysages désolés et une musique synthétique lancinante. On regrettera surtout que Esteba, faute d'argent, n'ait pas pu filmer son cataclysme dont on ne voit que les conséquences. Mais le plus regrettable c'est le traitement qu'il réserve à la relation entre les deux frères, les Caïn et Abel des temps modernes. Il y avait là de jolies possibilités qui restent toutes au stade d'esquisses à l'instar des deux frères. Dans un tel contexte apocalyptique les deux hommes auraient pu donner un coté biblique au récit mais ils se contentent d'accumuler les scènes d'engueulades, de
prises de bec, de reproches pour imager leur rivalité meurtrière. Cela finit par alourdir le récit et n'apporte rien aux personnages qui manquent cruellement de profondeur. Difficile de s'intéresser à eux, de ressentir la moindre émotion. On a d'un coté Anton l'intelligent qui s'avère faible, tellement faible et pleurnichard qu'il en devient pathétique, de l'autre Daniel le fort, celui qui est toujours resté dans l'ombre et a nourri envers son frère une haine sans borne. Daniel est tout simplement détestable et le restera jusqu'aux ultimes minutes. Ni plus ni moins. Là où leur rivalité aurait pu jouer en faveur du récit, lui apporter une toute autre dimension Manuel Esteba préfère des dialogues pesants, répétitifs et peu crédibles qui ne servent en rien l'histoire.
La seconde partie du film est plus curieuse et prend vite une tournure inattendue. Du simple film fantastique on passe à une bande de science-fiction qui lorgne du coté de la fable darwinienne. On apprend ainsi que la fin de notre monde est dû à des extra-terrestres qui cherchent depuis des années à s'installer sur notre planète suite à l'explosion de leur monde. Ce repeuplement doit se faire suivant des critères très précis et c'est le modèle des abeilles qu'ils ont choisi à savoir que l'abeille reproductrice tue obligatoirement le mâle après l'accouplement. Il n'y a plus ni amour ni sentiment. On l'a compris, les deux scientifiques seront les mâles et l'étrange femme celle qui portera en elle le futur de notre
Terre. Chacun des deux frères va vouloir la féconder mais c'est Anton qu'elle choisit, ravivant ainsi la haine de Daniel. Une fois de plus l'idée était particulièrement intéressante mais elle est une fois de plus trop mal traitée pour être convaincante. Rien ne semble surprendre les deux hommes qui se contentent de se chamailler (une fois de plus) jusqu'à ce que Caïn tue Abel mais c'est surtout l'impassibilité d'Anton qui est déroutante lorsqu'il apprend que leur hôte est en fait une des aliens. Difficile de trouver une quelconque crédibilité face à sa réaction qui prêtera surtout à sourire.
Bien dommage une fois encore car le développement était assez fascinant d'autant plus que
doucement mais surement l'intrigue s'orientait dans son dernier quart d'heure vers le film d'horreur. De la chose qui nait de l'accouplement de la femme et de Daniel à la métamorphose de cette femme il y avait vraiment du potentiel même si faute de budget là encore c'est surtout à l'imagination du spectateur que Esteba fait appel. C'est donc frustré qu'on voit le mot Fin apparaitre sur l'écran accompagné d'une citation de Darwin. Tout comme pour la première partie le plus intéressant ici ce sont les décors très étranges de la demeure souterraine de cette femme, de son laboratoire au design fortement estampillé années 70 et toute la partie finale plutôt brutale par rapport au calme de l'ensemble. On
savourera la séquence post-fécondation de Mary, la chose qui rampe sous le drap, son début de métamorphose mais il est dommage qu'une fois encore par manque de moyen quasiment tout reste suggéré. Voilà qui est frustrant comme l'est aussi la conclusion, si rapide. On ressent encore plus le coté avorté de l'intrigue.
Malgré la présence au générique de deux grands noms du cinéma ibérique l'interprétation reste décevante. Eduardo Fajardo, barbu pour l'occasion, est particulièrement antipathique et irritant dans son jeu de gros bourru haineux. Daniel Martin, figure récurrente du western-
paëlla, est quant à lui trop fade. Reste la présence de l'asiatique Inka Maria, éphémère starlette de l'érotisme ibérique sosie de notre icône de la jungle Meme Lei, dans le rôle de la professeur alien qui offre au film son quota de nudité. On put revoir Inka dans la peau d'une des guerrières de L'ile des filles perverses de Miguel Iglesia. Notons l'apparition assez brève de Julian Uguarte et de l'incontournable Victor Israel.
Dire que Les survivants de l'infini est un mauvais film serait faux. Reconnaissons lui un scénario brillant qui fourmille d'idées mais malheureusement trop ambitieux voire prétentieux face à un budget si restreint et l'incapacité du metteur en scène à porter sur ses
épaules une telle intrigue. En découle un film superficiel, pas assez développé mais parsemé de quelques jolis éclats. En l'état ce post nuke ibérique demeure une gentille fable ésotérico-darwinienne plutôt minimaliste dont on retiendra avant tout l'aspect visuel très 70s, quelques belles séquences et sa partition musicale obsédante. Les amateurs de pellicules post apocalyptiques sauront l'apprécier à sa juste valeur tout en imaginant ce qu'un tel sujet aurait pu donner avec plus de moyens et un réalisateur plus apte aux commandes.