Ultimo deseo
Autres titres: Lesbiana canibal / The people who own the dark / The last desire / Pianeta ciego
Real: Leon Klimovsky
Année: 1976
Origine: Espagne
Genre: Post nuke
Durée: 95mn
Acteurs: Alberto De Mendoza, Nadiuska, Paul Naschy, Teresa Gimpera, Maria Perschy, Antonio Mayans, Emiliano Redondo, Ricardo Palacios, Julia Saly, Tomas Pico, Bart Barri, Leona Devine, Diana Polatov, Estela Delgado, Carmen Platero...
Résumé: Une explosion nucléaire ravage la planète au moment où un groupe de bourgeois décadents s'apprête à célébrer un hommage au Marquis de Sade. Devenus aveugles les rescapés de l'Holocauste vont s'attaquer aux groupe réfugié dans la villa de la prêtresse. Ils n'ont qu'une envie: les massacrer. Les aristocrates dont la folie s'empare de certains d'entre eux vont devoir s'organiser pour survivre...
Incontournable nom du cinéma de genre espagnol, véritable touche à tout Leon Klimovsky à qui on doit avant tout une flopée de westerns-paella, quelques films d'horreur et même un giallo signe en 1976 non seulement son film le plus étrange mais également une des pellicules les plus originales qu'ait délivré le cinéma d'exploitation ibérique. Resté inédit sous nos cieux Ultimo deseo, littéralement le dernier désir, reste difficilement classable même s'il se range aisément dans la catégorie des oeuvres post apocalyptiques, un genre peu abordé en Espagne en cette décennie. S'il est clair qu'on peut parler ici de post-nuke
Klimovsky s'amuse à y intégrer différents éléments emprunter à d'autres styles cinématographiques tout en multipliant les références et clins d'oeil. Malheureusement Ultimo deseo aussi original soit il s'effondre très vite. L'originalité laisse alors assez rapidement la place au grotesque puis au rire souvent involontaire. Subsiste une véritable curiosité, un film patchwork si bizarre qu'il se laisse finalement regarder jusqu'aux ultimes minutes.
Un groupe de bourgeois et quelques militaires ont pour habitude de se réunir régulièrement à la villa de Lily, une femme du monde qui organise dans la crypte de sa bâtisse d'étranges
cérémonies sexuelles dédiées au Marquis de Sade. Quelques femmes, modèles ou simples mères de famille, sont invitées à ces orgies afin d'en être les esclaves. Alors que le rituel commence une courte secousse apparemment sismique l'interrompt. La gouvernante et une des servantes, restées à l'étage, sont devenues aveugles. Le professeur Fulton, un éminent scientifique venu participé à ces bacchanales sadiennes, est le seul à savoir la cause de ce tremblement. La bombe atomique a été lâchée déclenchant l'holocauste nucléaire. Ils sont les seuls survivants du cataclysme et vont devoir s'organiser pour reprendre un semblant de vie. Ils découvrent très vite qu'ils ne sont pas seuls. Tous les
habitants du village sont en vie mais ils sont tous devenus aveugles. Transformés en redoutables tueurs ils vont s'attaquer au groupe reclus dans la villa. La peur et la folie s'emparent de certains des membres de la réunion tandis que d'autres laissent éclater leur coté animal. La horde d'aveugles parvient à pénétrer dans la villa et décime une partie du groupe. Les rescapés réussissent à s'échapper par un souterrain qui les conduit à l'extérieur au moment même où la radio annonce que la vie reprend doucement. Malheureusement tous sont massacrés par les aveugles. Seuls Fulton et son amie Clara sont épargnés. Un bus conduit par des scientifiques militaires les prend à son bord pour les ramener à la
civilisation... du moins le croient ils.
Que penser de ce Ultimo deseo, très certainement un des post nukes les plus aberrants jamais tournés, un des plus curieux également mis à part Sesso deliro / Grida di ecstasi. Certes les idées sont là mais si mal utilisées, si mal agencées, qu'on se demande s'il faut prendre au sérieux cet unique essai du cinéaste dans l'univers de la science-fiction. L'ouverture ne laisse en rien présager un film post apocalyptique. Nous est présenté un certain nombre de personnages qui resteront tous au stade de simples silhouettes, premier défaut du film: un soi-disant professeur spécialisé dans le nucléaire (du moins le découvre
t-on soudain lors de son discours après le cataclysme), un ambassadeur russe et un éminent docteur obèse qui s'amusent à danser bras dessus bras dessous, un jeune bourgeois qui se veut la réincarnation du Divin Marquis, un militaire un peu louche, une rombière aux tendances lesbiennes en maitresse de cérémonies et quelques jeunes femmes dont une noire apparemment habituées à ce type de messes orgiaques.
A ces divers protagonistes bien peu crédibles est associé un scénario d'une étonnante invraisemblance. Si Klimovsky peut se vanter d'avoir filmé une des plus rapides si ce n'est peut être la plus rapide explosion nucléaire de toute l'histoire du cinéma, une explosion qu'on
ne verra pas bien entendu tout simplement simulée par quelques tremblements d'une table et d'un lustre, il truffe son récit d'une multitude d'incohérences narratives, d'ellipses et d'interrogations qui ne trouveront aucune réponse il va de soi. L'histoire en devient très vite totalement farfelue, incroyablement peu crédible desservie de surcroit par des dialogues d'une édifiante bêtise. Comment imaginer un professeur renommé préférer assister à une orgie bourgeoise plutôt que de d'éviter l'Holocauste? "Si elle doit exploser elle explosera" rétorque t-il au téléphone avant d'aller se vautrer dans la luxure.
Questions et incohérences s'enchainent alors à la vitesse supersonique. On nous assure
que la chaleur provoquée par les radiations atteint 2000 degrés, que tout être vivant se risquant à l'extérieur serait désintégré mais pourtant quelques minutes plus tard tous sortent sans aucun problème dans un village certes désert mais en parfait état. Pourquoi certains personnages deviennent fous, pourquoi d'autres régressent en quelques heures au stade animal, pourquoi le peuple des aveugles veulent ils massacrer les survivants? Pourquoi certains disparaissent puis réapparaissent au fil de l'histoire? Rien n'est vraiment logique. Klimovsky donne l'impression d'avoir eu plein d'idées empruntées ça et là mais semble incapable de les agencer de manière sensée.
On pense évidemment au Survivant de Boris Sagal avec Charlon Heston (le peuple des aveugles renvoie aux stigmatisés de Sagal) , à la Nuit des morts-vivants de Romero tout en s'inspirant des films d'anticipation et de science-fiction écologiques très en vogue au début de la décennie. Le réalisateur cite très souvent et fait référence à Pasolini, Bunuel, Ferreri mais sans aucun tact. Il veut dénoncer, pointer du doigt bon nombre d'idées politiques en utilisant la métaphore. Ultimo deseo se voudrait une critique au vitriol du pouvoir, un pamphlet sociologique acide et sans concession. Le pouvoir rend aveugle, indolent, il mange le peuple pendant que les puissants, la haute bourgeoisie se repait et s'adonne au vice. S'explique ainsi un des titres alternatifs, particulièrement aguicheur mais bien trompeur,
Lesbiana canibal. Le cannibalisme ici évoque en fait celui de Cavani dans Les cannibales. C'est là une métaphore. Le pouvoir et la richesse rongent, dévorent l'aristocratie, les cannibalisent, et le prolétariat, épuisé, réduit à l'état d'esclave par le pouvoir militaire écrasant et la bourgeoisie, finira par les dévorer à son tour.
C'est d'autant plus dommage que cela aurait pu donner quelque chose de franchement intéressant. Au lieu de ça on a un véritable brouillon, un salmigondis de thèmes jetés pêle-mêle qui prête plus à sourire qu'à réellement réfléchir. Incapable de créer une atmosphère le cinéaste se contente d'exploiter un sujet qu'il maitrise très mal, qu'il survole et transforme en un simple produit d'exploitation sans âme involontairement drôle.
Le principal intérêt de Ultimo deseo réside en fait dans l'étrangeté de certaines scènes, son coté exploitatif justement, ce mélange incongru de thèmes disparates comme notamment cette célébration sadienne pratiquée dans une crypte. Uniquement vêtus d'une tunique, arborant de grotesques masques d'animaux, les participants s'apprêtent à honorer la réincarnation du Marquis avant que les jeunes femmes ne s'offrent à eux dans une ambiance aussi gothique que bizarre. On retiendra également les meurtres sanglants dont le film est truffé, la régression animale du docteur se déplaçant nu à quatre pattes un transistor autour du cou tout en émettant d'incompréhensibles borborygmes et une conclusion aussi
pessimiste que sordide qui débouchera sur une image finale particulièrement morbide, glaciale, celle d'un immense charnier qui parle d'elle même.
Tout aussi intéressante est la distribution. Dommage que l'interprétation ne soit pas vraiment à la hauteur, peu semblant croire à ce qu'on leur demande de jouer. En tête d'affiche on retrouve quelques grands noms du cinéma espagnol, Alberto De Mendoza, Antonio Mayans, Paul Naschy dans un rôle exécrable celui d'une véritable ordure, le girond Ricardo Palacio nu transformé en porc, Bart Barri et le séduisant et hypnotique Tomas Pico en réincarnation de Sade. La touche féminine est apportée par l'altière Maria Perschy en bourgeoise
débauchée, Teresa Gimpera, une des stars de l'érotisme ibérique au même titre que la bavaroise Nadiuska et son incroyable regard laser. La jeune femme de couleur est interprétée par l'anonyme Leona Devine, mannequin éphémère dont ce fut le seul rôle à l'écran.
Allégorie bunuelienne dépourvue de toute rigueur scientifique, Ultimo deseo est en l'état un film raté mais suffisamment étrange, curieux, presque unique dans sa forme pour en faire une oeuvre à découvrir, un post nuke original qui trouvera facilement sa place dans la vidéothèque de l'amateur vite séduit par cette incongruité ibérique aussi drôle que bizarre... dans le véritable sens du terme.