Dr Jekyll y el hombre lobo
Autres titres: Dr Jekyll versus the werewolf / Dr Jekyll vs the werewolf / Dr Jekyll and the werewolf / Die nacht der blutigen wölfe
Réal: Leon Klimovsky
Année: 1971
Origine: Espagne
Genre: Horreur
Durée: 83mn
Acteurs: Paul Naschy, Shirley Corrigan, Jack Taylor, Mirta Miller, Josè Marco, Luis Induni, Barta Barri, Elsa Zabala, Lucy Tiller, Marisol Del Gado, Maria Luisa Tovar, Pilar Calvo, Jorge Vico, Adolfo Thous, Monteserrat Julio...
Résumé: Alors qu'il se recueille sur la tombe de ses parents quelque part en Transylvanie Imre Kosta est tué par des bandits. Son épouse Justine est violentée. Un homme étrange lui sauve la vie. Elle se réveille au château de Waldemar Daninsky que les villageois redoutent puisqu'on le dit maudit. A chaque pleine lune il se transforme en loup-garou. Les autochtones décident de monter au château pour le tuer. Il parvient à se sauver. Justine, tombée amoureuse de lui, le suit et lui propose de venir à Londres pour le guérir. Elle lui fait rencontrer un ami de son défunt mari, le Dr Lorca, le petit-fils du Dr Jekyll, un spécialiste du cerveau. Lorca a hérité du secret de son grand-père. Il propose à Waldemar de neutraliser le lycanthrope qui est en lui en le transformant en Hyde à qui il injectera ensuite un antidote pour tuer à son tour Hyde. Waldemar accepte...
Avec à son actif une centaine de films étalés sur presque quarante ans l'argentin Leon Klimovsky est surement un des réalisateurs les plus prolifiques d'Espagne. Tout au long de sa longue carrière le metteur en scène a quasiment touché à tous les genres, du western à l'aventure en passant par le polar, le giallo, la romance et le film de guerre sans oublier le film d'horreur, ce pour quoi il est surtout connu en France. Après avoir mis en scène en 1968 La furie des vampires, sa première collaboration avec Paul Naschy, il retrouve ce dernier trois ans plus tard pour sa deuxième réalisation horrifique, Dr Jekyll y el hombre lobo.
Justine et son mari Imre partent en Transylvanie pour se rendre au village de Baliavasta où sont enterrés les parents de Imre. Ils furent massacrés par des bandits alors qu'il n'avait que treize ans. Au village l'aubergiste lui conseille vivement de ne pas se rendre au vieux cimetière. Celui ci est en effet réputé maudit. D'étranges choses s'y passeraient. L'endroit est également infesté de brigands. Le couple s'y rend tout de même. Ils sont attaqués par trois malfrats qui tuent Imre et violentent Justine avant d'être mis en charpie par une monstrueuse créature. Evanouie, Justine se réveille au château de Waldemar Daninsky qui vit seul avec sa vieille gouvernante. Il lui explique qu'il est atteint d'une maladie incurable et
que les villageois souhaitent sa mort. D'abord sceptique Justine est une nuit témoin de la transformation de Waldemar en loup-garou. Les villageois attaquent le château, tuent la gouvernante. Waldemar et Justine s'enfuient. La jeune femme qui en est tombée amoureuse lui promet qu'elle tentera l'impossible pour le sauver de sa malédiction. A Londres elle lui fait rencontrer un ami de son défunt mari, le Dr Henry Lorca, le petit fils du Dr Jekyll, un spécialiste des maladies du cerveau. Lorca détient la formule qui permettait à son grand-père de se transformer en Mister Hyde. Il a l'intention de s'en servir sur Waldemar afin de neutraliser ses métamorphoses. Hyde tuerait son double lycanthrope puis Jekyll lui
injecterait ensuite l'antidote qui détruirait Hyde. Waldemar serait guéri. C'était sans compter les plans de Sandra la machiavélique assistante de Lorca qui aimerait grâce aux expériences de Jekyll régner sur le monde. Elle laisse pour mort Jekyll après l'avoir poignardé et prend le contrôle sur Hyde qui finit par se retourner contre elle et la tuer. Hyde a maintenant toute liberté pour tuer toutes les femmes qu'il croise. Fort heureusement Jekyll a survécu. Il indique à Justine comment tuer Hyde.
Quel étrange film que ce sixième opus des aventures du pauvre Waldemar Daninsky, le plus célèbre loup-garou du cinéma espagnol interprété par l'inégalable Paul Naschy. Les
premiers exploits de notre lycanthrope ibérique débutèrent en 1968 avec La marca del hombre lobo / Le vampire du Dr Dracula, un premier chapitre tout simplement magnifique, stupéfiant, le plus réussi avec La furie des vampires. Ce sixième volet s'il est loin d'être le plus abouti est surement le plus curieux tout simplement parce que Naschy qui en est aussi le scénariste y mélange deux thèmes fondamentaux du cinéma fantastique, la lycanthropie bien sûr et le dédoublement de personnalité avec le mythe de Jekyll et Hyde. Intrigant de les associer dans ce scénario qui mange un peu à tous les râteliers d'où un film inégal, bancal, délirant et parfois très drôle. Les intentions de Naschy sont louables. On sait l'amour qu'il
vouait à ces thèmes. Malheureusement le résultat est ici fort mitigé sans jamais être foncièrement mauvais.
La meilleure partie du film est sans nul doute ses trente premières minutes qui renoue avec un certain cinéma gothique cher à nos coeurs. On a d'ailleurs bien plus l'impression d'être dans un film de vampires que de lycanthropes. Tout est là pour créer une véritable atmosphère. L'arrivée du couple en Transylvanie dans un village perdu au milieu de la campagne hivernale triste et froide, la peur qui se lit dans les yeux des villageois effrayés par d'horribles légendes, le vieux cimetière abandonné, le sinistre château qui se dresse au
loin, le valet difforme. L'impression est encore plus forte lorsque Justine s'y réveille. L'apparition inquiétante de Waldemar, la fuite effrénée de la jeune femme en nuisette dans les cryptes du château... L'ombre de la Hammer est bel et bien là parfaitement recréée par un Klimovsky inspiré. On s'attendrait presque à voir surgir Christopher Lee mais ce sera Naschy et l'effet s'effondre faute de crédibilité et surtout de sérieux. Dés lors que Naschy apparait à l'écran impossible de ne pas sourire face à quelques énormités auxquelles on peine à croire. Difficile d'imaginer en effet que Justine tombe amoureuse de Waldemar quelques jours après la mort horrible de son mari, dur de croire qu'elle ne soit à aucun
moment ni surprise ni effrayée que Waldemar soit un loup-garou sans parler de quelques ellipses regrettables dont celle de la décapitation de la gouvernante. Où? Quand? Comment? On ne le saura jamais. On ne verra que sa tête tenue à bout de bras par un des villageois déchainés, ces mêmes villageois qui soudainement disparaissent du récit pour laisser s'enfuir Waldemar. Tout aussi surprenante est la vengeance du frère des trois bandits qui ont tué le mari de Justine. Si elle est légitime dans le récit balancée ainsi en quelques cinq minutes et d'une manière aussi absurde elle a de quoi faire sourire. D'un Hammer de très bonne facture on passe à un simple petit film d'exploitation qui oscille entre
série B et série Z, ternissant ainsi le charme des premières minutes. Après qu'ils aient quitté la Transylvanie la seconde partie du film peut alors commencer.
Autre lieu autre ambiance. Nous voila à Londres pour mieux faire la connaissance du petit-fils du Dr Jekyll. La rencontre du loup-garou et du fameux docteur, deux thèmes forts du fantastique, avait de quoi mettre l'eau à la bouche. L'idée est originale, délirante mais Klimovsky peine à mettre en scène l'imaginaire bouillonnant de Naschy comme il peine à dépasser le simple stade de l'exploitation pure et simple. Il multiplie les transformations de Waldemar en loup-garou, cette fois vraiment sommaires, basiques, jamais effrayantes
encore moins spectaculaires. Il se contente de montrer un Naschy pataud en chemise et pantalon, le visage recouvert d'un masque poilu peu impressionnant. Quant aux transformations en Hyde serait-ce méchant de dire qu'elles sont ratées tant Naschy semble ridicule et tellement comique, déambulant en cape noire et rouge au milieu du Swinging London des années 70. Plus que vraiment s'attarder sur la confrontation des deux mythes il enchaine surtout les scènes d'horreur plutôt réussies sans jamais lésiner sur les effets gore, de quoi ravir les amateurs de meurtres brutaux et de visions sanguinolentes. Plus intéressante est la façon dont Leon Klimovsky introduit Hyde dans le récit. Après le film dit
gothique, après le loup-garou voici un clin d'oeil aux savants fous avec notre bon Jekyll et ses expériences interdites pratiquées dans un laboratoire secret dissimulé dans son manoir, tout son attirail d'éprouvettes et d'alambics et les électrodes qui recouvrent le crâne de Waldemar, le désir de régner sur le monde. Le mélange des genres est vraiment sympathique, plutôt singulier et donne un charme particulier à cette bobine patchwork dont le final reste cependant légèrement décevant, tellement classique puisqu'il pourrait s'appliquer à n'importe quel autre film de loup-garou. D'une rencontre Hyde-lycanthrope on pouvait espérer une conclusion plus originale.
Si le film nous laisse un peu sur notre faim car sous exploité l'affiche vaut quant à elle le détour puisqu'en tête de distribution aux cotés de Naschy on retrouve la blonde et très séduisante Shirley Corrigan (La nuit des pétrifiés, Les nouveaux contes de Canterbury, Les contes érotiques ou la sexologie de Pierre, Sette scialli di seta gialla, Blindman...) qui selon les versions qu'on visionne se déshabille plus ou moins. On retiendra surtout la scène où attachée, elle se fait fouetter par Sandra puis par Hyde. Jack Taylor est Jekyll. La brune Mirta Miller est la démoniaque Sandra.
Ce sixième volet des péripéties sanglantes de Waldeman Daninsky n'est certes pas le meilleur de cette longue série mais il n'en demeure pas moins une oeuvre originale de par son sujet, cet improbable mariage entre deux des grands mythes du cinéma et le mélange des genres qu'elle exerce. Malgré son coté inégal et un manque de sérieux qui lui fait perdre pas mal de sa force Dr Jekyll y el hombre lobo, demeuré totalement inédit chez nous, est une jolie curiosité agrémentée d'agréables moments, un film écrit et imaginé par un passionné de fantastique qui plaira tant à l'amateur de cinéma fantastique bien sûr qu'à l'amateur d'exploitation ibérique dont il constitue un agréable exemple.