Canterbury 2: nuove storie d'amore del '300
Autres titres: Les nouveaux contes de Canterbury / Tales of Canterbury / Canterbury N°2 / Canterbury 2: nuove storie d'amore del Trecento
Réal: John Shadow
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Décamérotique
Durée: 82mn
Acteurs: Patrizia Adiutori, Rik Battaglia, Shirley Corrigan, Federico Boido, Giacomo De Angelis, Dada Gallotti, Franco Mazzieri, Alex Rebar, Gualtiero Rispoli, Claudio Ruffini, Franca Sciutto, Greta Vayan, Renzo Marignano, Lisa Seagram, Mara Krupp, Dalila Di Lazzaro...
Résumé: Une nuit d'orage une foule de gens se presse dans une auberge. Autour d'une table quatre hommes dont Geoffrey Chaucer vont alors narrer chacun leur tour une histoire salace, celle d'une épouse chaste nommée Doringen, celle d'une veuve zoophile, celle de trois aventuriers qui veulent tuer la Mort et celle d'un roi grec désireux de faire l'amour à sa belle-fille miraculeusement réapparue...
Le succès du Décameron de Pasolini puis des Contes de Canterbury donna naissance au début des années 70 à un nouveau filon du cinéma érotique, un sous genre qui ne dura guère plus de deux petites années, la décamérotique qui se décline aussi en canterbérotique soit des films qui s'inspirent des deux premiers volets de la Trilogie de la vie du Maitre et reprennent les écrits de Boccace et de Chaucer. Canterbury 2: nuove storie d'amore del 300 fait donc partie de ses pellicules. Longtemps attribué par erreur à Joe D'Amato la paternité de cette nouvelle inspiration des contes de Geoffrey Chaucer revient en
fait à l'anglais John Shadow qui fut le mari d'Ewa Aulin. Shadow ne fit qu'un très rapide passage derrière la caméra. Il débuta en 1968 avec une bizarrerie psychédélique aujourd'hui bien oubliée tant du public que des distributeurs, Microscopic fluid subway to oblivion, puis en 1972 il mit en scène ce Canterbury 2 avant de disparaitre sans laisser de trace, comme évaporé dans le néant. Là encore Shadow, caché pour l'occasion sous le pseudonyme italien Roberto Loyola, n'eut guère de chance puisque le film ne fut jamais édité en vidéo (encore moins en DVD du moins à ce jour) et disparut totalement des radars durant des décennies jusqu'à sa soudaine et très inattendue réapparition il y a quelques
années, diffusé dans une copie magnifique sur les chaines italiennes dans sa version non censurée. A sa sortie en Italie le film avait en effet été fortement amputé par Dame Censure. Cela reste à ce jour la seule façon de découvrir ce Canterbury version Shadow composé de quatre sketches très inégaux auquel participe Chaucer lui même.
Le film s'ouvre sur une séquence des plus étrange. Dans une taverne lors d'une nuit d'orage est réunie toute une foule, parmi elle Chaucer et un mystérieux invité qui en fin de bande se révèle être le roi d'Angleterre lui même, Richard II. Tous sont immobiles, figés comme des statues, le visage grave. La caméra de Shadow les passe en revue sur une musique
étrange, lancinante, presque mortuaire (signée des frères De Angelis), chose unique dans les annales du genre qui d'habitude use et abuse de musiques joviales, entrainantes, de chants médiévaux paillards. Lorsqu'elle celle ci s'arrête tous s'animent enfin, comme un tableau vivant, et la fête commence. Quatre des clients de la taverne vont alors chacun leur tour narrer une histoire.
La première tournée à Balsorano s'intéresse à Dame Doringen et son époux Avergadus qui doit partir à la guerre. Folle amoureuse de son mari Doringen lui promet de ne pas le tromper durant son absence. L'époux lui permet même d'ôter sa ceinture de chasteté. C'était
sans compter l'arrivée du jeune Aurelius, totalement séduit par la beauté de Doringen. Il lui avoue rêver de faire l'amour avec elle. Doringen lui propose alors un marché, certaine qu'il ne pourra jamais le relever: faire apparaitre au milieu de la mer des rochers sur lesquels s'écrasera le navire d'Avergadus. Malin celui ci fait appel aux pouvoirs d'un mage. Prise à son propre piège Doringen doit donc se rendre au rendez-vous pour offrir son corps à Aurelius. Mais Doringen a plus d'un tour dans son sac. Elle fait appel à trois horribles matrones des bois qui violent le pauvre garçon. Epuisé Aurelius ne peut plus faire l'amour à Doringen qui ainsi tient la promesse qu'elle avait fait à son mari.
Le second segment narre les aventures du jeune Federico, un puceau sans cesse en érection. Afin de calmer ses ardeurs et lui perdre sa virginité son père, le boulanger du village, a une idée: tenter qu'il tombe amoureux de la veuve dont il promène quotidiennement les chiens. Celle ci adore les chiens et vit entourée d'une véritable meute. En fait elle est zoophile. Les efforts de Federico sont donc vains. Il a alors une idée. Afin qu'elle s'intéresse à lui il lui promet de lui ramener encore plus de chiens. Séduite par l'idée elle accepte mais le lendemain Federico découvre que les chiens ont dévoré la veuve. Elle ne reste plus que son squelette sur sa couche.
Le troisième sketch illustre le défi que se sont lancés trois aventuriers, Carlotta, Aldo et Giovanni. Ils veulent trouver et tuer la Mort elle même. Ils espèrent la rencontrer dans une forêt où dit-on est caché un trésor. Celui les intéresse beaucoup. Ils se mettent à sa recherche et finissent par le trouver. Chacun espère alors le garder pour lui. Giovanni envoie Carlotta au village acheter du vin, informe Aldo de son plan. Ils tueront Carlotta à son retour. Celle ci compte aussi se débarrasser de ses deux compagnons et verse du poison dans le vin. Pendant que Carlotta fait l'amour à Aldo Giovanni les empale. Mais il a déjà bu le vin empoisonné. Il meurt. Leur âme sort de leur corps et tout trois vont en Enfer.
Le dernier conte nous entraine à la cour d'un vieux roi grec très laid qui vit avec son homme à tout faire, Ercole. Trois nobles, Chaucer lui même, un archer et une femme d'armes, font croire au vieux roi libidineux qu'ils ont retrouvé sa belle-fille. Le souverain est aux anges puisqu'il n'a qu'un désir: lui faire l'amour. Il s'agit en fait d'une putain qu'ils ont payé et c'est eux qui profiteront de la récompense. Le roi meurt alors qu'il lui fait l'amour. C'est Ercole qui désormais réconfortera la putain devenue reine.
Ce qu'on retient de prime abord de cette Canterbérotique ce sont les thèmes assez inhabituels que Shadow traite notamment la zoophilie canine (le second sketch), quelques
années avant La bête de Borowczyk, et l'inceste (le quatrième). Malheureusement ce sont les deux plus faibles voire les deux plus mauvais. Celui qui traite de zoophilie est parfaitement ridicule et se contente de montrer la veuve entourée de chiens. Il faut donc forcer son imagination pour penser à une relation bestiale. Ne subsiste du conte que deux séquences: celle de la jeune femme persuadée que Federico est atteint d'une grave maladie en voyant son membre à l'horizontal et l'image du squelette de la veuve sur son lit.
Quant à la dernière histoire, inspirée du conte de Chaucer "Il racconto del cuoco", elle n'est jamais vraiment drôle, trop répétitive (les apparitions du solide Ercole endossant tous les
costumes) et sans surprise. Quant à l'inceste il n'est pas consommé puisqu'il s'agit d'une imposture. Le thème s'effondre.
Reste le premier (tiré de The Franklin's tale) et surtout le troisième conte pour donner au film tout son intérêt. Du premier on retiendra essentiellement la séquence où trois laiderons obèses vêtues de haillons, les seins à l'air, violent le pauvre Aurelius au milieu des bois. Du troisième c'est surtout son originalité son aura résolument fantastique voire horrifique. On est d'ailleurs bien plus proche de l'Enfer de Dante que des contes cocasses de Chaucer même s'il s'inspire d'un de ses écrits: The pardoner's tale. Un joli hybride entre le poète et
Dante. Le conte est purement savoureux et très bien mis en scène, de son point de départ surréaliste (la rencontre avec la Mort pour la tuer) en passant par son développement (les manigances de chacun) au point de chute franchement fascinant et très bien fait: l'empalement sanglant des deux amants, les âmes qui sortent des trois corps et se dirigent vers les Enfers, une grotte rouge tout en flammes.
On ajoutera au crédit du film une remarquable photographie qui met en valeur de fort jolis décors, de très belles couleurs le plus souvent chatoyantes et une distribution comme souvent dans ce filon tout à fait alléchantes. A l'affiche on retrouve en effet Dada Galotti (la
veuve zoophile), Greta Vayan, Shirley Corrigan, Dalila Di Lazzaro dans une de toutes premières apparitions à l'écran (un plan furtif où, totalement nue, elle papillonne sur la plage dans le premier sketch), Patrizia Adiutori, l'américaine Lisa Seagram et l'apparition non créditée de Mara Krupp. Elles sont notamment entourées de Rik Battaglia, Franco Mazzieri et surtout Federico Boido (Rick Boyd), une des figures récurrentes du western-spaghetti, habitué aux rôles de méchants, qu'on admirera pour la toute première fois (et dernière) totalement nu, de superbes nus dorsaux dont on se régalera.
Loin de la vulgarité des décamérotiques traditionnelles, celle de Shadow est une petite curiosité devenue rare qui vaut essentiellement pour sa superbe photographie, ses couleurs flamboyantes, une mise en scène travaillée, sa lancinante partition et surtout l'étrangeté, le coté hypnotique de son troisième et Dantesque segment. On regrettera simplement que les sujets les plus déviants aient été si mal traités. Quoiqu'il en soit, voilà une canterbérotique à découvrir pour les amateurs du genre.