Lakki the boy who grew wings
Autres titres: Lakki / The boy who could fly / Gutten som kunne fly
Réal: Svend Wam
Année: 1992
Origine: Norvège
Genre: Drame
Durée: 97mn
Acteurs: Anders Borchgrevink, Nina Gunke, Bjørn Skagestad, Jan Grønli, Gabriel Paaske, Jorunn Kjellsby, Oyvin Bang Gervin, Henrik Mestad, Ivar Tindbeg, Stian Bonnevie-Arntzen, Trinn Svensen, Calvin Ray Stiggers, Bjarte Hjelmeland...
Résumé: Lakki, 15 ans, un adolescent solitaire, souffre de la séparation de ses parents lorsqu'il n'était encore qu'un enfant. Il vit avec sa mère alcoolique et nymphomane. Son père est trop occupé pour l'écouter. Lakki se perd dans ses rêves dans lesquels il imagine qu'une paire d'ailes lui pousse dans le dos. Plus les jours passent plus Lakki se sent perdu. Lorsqu'il apprend que sa mère a pris pour nouvel amant son prof de sport dont il est le souffre-douleur, Lakki fuit. Il rencontre un vieux pervers puis un jeune garçon qui lui fait prendre des drogues hallucinogènes. Lorsque sa mère se suicide la vie de l'adolescent bascule...
Le norvégien Svend Wam a débuté sa carrière à l'écran en 1970 en s'associant à son ami cinéaste Peter Vennerod. Ensemble ils vont réaliser une série de films souvent féroces et revendicateurs, mêlant poésie et critiques sociales acerbes avec de temps à autre une touche d'humour. Ils signent ainsi quelques incontournables du cinéma scandinave tels que Plus noire que la nuit, Hvem har Bestem, Liv og dod et le violent Hotel St Pauli qui frise la pornographie avant que leur collaboration ne s'achève en 1989. Dés lors Svend Wam va voler de ses propres ailes et mettre en scène des oeuvres plus orientées vers l'érotisme,
l'homosexualité et le comportement masculin de manière plus générale. On lui doit le très beau Sebastian, un classique du cinéma gay adolescent, Desparate Bekjenskaper, une étude de la jeunesse délinquante et paumée norvégienne où se mêlent homosexualité et drogues sur fond de violence urbaine, et ce Lakki, un drame fantastique inspiré du roman de Per Knutsen.
Lakki a 15 ans. Depuis que ses parents ont divorcé il vit avec sa mère, une femme alcoolique qui multiplie les amants d'un jour. Au collège il est le souffre-douleur de son prof
de sport. Après une brutale altercation avec ce dernier Lakki se plaint auprès de la directrice qui rejette la faute sur l'adolescent. Quelques temps plus tard il découvre que sa mère entretient une relation avec lui. Il n'est qu'un homme de plus dans sa vie mais Lakki doit cohabiter avec lui. Furieux il part chez son père, un homme constamment pris par son travail, en couple avec une femme qui ne supporte pas le garçon. Elle lui demande même de choisir entre elle et son fils. Afin d'oublier ses problèmes, hanté par le souvenir des jours heureux lorsque ses parents étaient encore ensemble, Lakki se perd dans ses rêves et fantasmes. Il est persuadé que des ailes lui poussent lentement dans le dos et qu'un jour
il pourra s'envoler, loin, très loin. De plus en plus paumé il finit par fuir. Il rencontre un quadragénaire pervers, l'homme au bouddha, qui l'invite chez lui pour une séance sadomasochiste puis un garçon, Tim, un paumé qui lui fait découvrir les drogues hallucinogènes. De retour chez lui il constate que sa mère a encore un nouvel amant qu'elle a laissé dormir dans sa chambre. Après une énième dispute avec son fils la pauvre femme tente de se suicider. Lakki essaie désespérément de la sauver. Cet acte va agir sur lui comme un électro-choc.
Considéré parfois comme un coming of age movie Lakki the boy who could fly est surtout
une fable cruelle mettant en scène un adolescent de 15 ans solitaire, qui n'a aucun ami, qui ne s'est jamais remis du divorce de ses parents, souffre-douleur d'un prof de sport qui le brutalise en cours. Voilà un portrait bien sombre d'un garçon qui de surcroit vit avec une mère instable, égoïste, nymphomane et alcoolique et qui ne parvient pas à trouver l'aide, l'écoute, dont il a besoin auprès d'un père bien trop occupé par son travail. Pour échapper à cette réalité Lakki se perd dans ses rêves et son plus grand rêve est de voler pour fuir, loin, très loin de ce monde qui ne veut pas de lui. Pour voler il lui faut des ailes et justement une paire lui pousse dans le dos, tel un ange.
On avait déjà eu le thème du garçon ailé avec le
film de Antonio Mercero Tobi, un garçonnet devenait un beau jour un ange, mais au conte merveilleux de Mercero se substitue ici une histoire sombre et difficile truffée de symboles et de métaphores que chacun s'amusera à repérer, à interpréter. Pas toujours très abordable Lakki pourra surprendre, déconcerter, laisser par moment le spectateur pantois, en proie à moult questions auxquelles le film ne répond pas toujours contrairement au livre. Quoiqu'il en soit Lakki est un film riche, dense et complexe sur la difficulté de grandir dans un monde hostile d'autant plus lorsqu'on est seul, en proie aux tourments, traumatisé par l'éclatement de la cellule familiale. Passé et présent se croisent sans cesse et c'est
justement dans ce passé que beaucoup d'éléments de réponse se trouvent pour mieux comprendre la détresse et les délires de l'adolescent déchiré entre la triste et dure réalité et ses fantasmes et sa lente folie.
Wam signe une oeuvre belle aux limbes du fantastique teintée d'onirisme, de surréalisme faisant de son jeune héros une sorte d'être par instant irréel baignant dans des halos de lumière blanche tel un ange descendu sur Terre pour y vivre le martyr. Les scènes où il s'imagine avoir des ailes qui lentement poussent dans son dos, phénomène qui le terrifie mais lui procure en même temps un plaisir incommensurable, son passeport pour sa
liberté, sont de toute beauté, à la fois splendides et inquiétantes jusqu'à sa transformation définitive en ange que reflète un miroir embué. Dans chacune de ses scènes il y a quelque chose de divin, de christique, et ce dés l'ouverture du film. En tentant d'échapper à son bourreau de prof Lakki saute d'un plongeoir et semble se transformer en oiseau s'enfonçant dans l'eau de la piscine pour mieux en ressortir tel un dieu (Excalibur n'est pas si loin). Et c'est tel un Christ que ses amis le portent en triomphe. Si les références divines sont légion l'oiseau est lui aussi omniprésent. Symbole de liberté il est dans les croyances populaires celui qui porte les âmes soit au paradis, l'endroit où Lakki aimerait fuir, soit en enfer, qu'il
connait déjà sur terre. Il s'y était déjà retrouvé une nuit lors d'un bad trip sous hallucinogène alors que son ami lui promettait un havre de paix. Il est aussi à l'origine des peurs et délires de Lakki, terrifié étant enfant par un corbeau pris dans la toile de sa tente la nuit où son père a brutalement quitté sa mère, ce même corbeau qui plane au dessus des flammes de l'enfer lors de ses cauchemars.
Si à chaque nouvelle vision de cette pellicule métaphorique chacun pourra s'interroger, repérer de nouveaux détails, de nouvelles références (certaines propre à la culture norvégienne) et ainsi mieux l'interpréter, si on se laisse porter par la beauté du film et son
esthétisme, la poésie qui s'en dégage il est cependant regrettable que Svend Wam n'ait pas vraiment réussi à créer une véritable atmosphère. Lakki manque de cette intensité dramatique qui en aurait fait une oeuvre forte, bouleversante voire troublante. On a simplement un peu de mal à s'attacher aux personnages, à cette mère alcoolique qui à travers ses amants tente d'oublier une vie ratée, à ce père absent, insensible, à Lakki qui malgré le jeu convaincant de son interprète ne parvient pas vraiment à émouvoir. En fait la majorité des protagonistes apparaissent méprisables, détestables, faisant des choix souvent étranges qu'on a du mal à vraiment comprendre.
Quant au final totalement surréaliste, abrupt, il pourra décevoir et laisser le spectateur quelque peu sur sa faim. La tentative de suicide de la mère de Lakki sera comme un électro-choc pour l'adolescent qui revient brutalement à la réalité en tuant celui qui l'était pour enfin renaitre. De magnifiques tableaux tous empreints d'un très fort symbolisme, aussi oniriques soient-ils, (la destruction des ailes par le feu, l'interaction espace-temps et surtout l'image de Lakki, nu, couché en position foetale dans un nid géant aux cotés d'un énorme oeuf) qui s'enchainent dans une sorte de tourbillon comme pour mieux absorber la folie du garçon ne suffisent pas à faire oublier un happy end trop rapide, donc frustrant. Dommage!
L'interprétation est à la hauteur de l'histoire. Le jeune Anders Borchgrevink dont c'était la première apparition à l'écran, 15 ans, a la beauté des peuples du nord, blond comme les blés, visiblement à l'aise dans la peau d'un personnage difficile. Le film lui doit beaucoup. Et si Wam reste pudique il nous le déshabille de temps à autre et nous offre ainsi quelques furtifs plans de nu juvénile non négligeables. Anders ne connaitra pas une énorme carrière au cinéma mais il apparaitra tout de même par la suite dans quelques séries et téléfilms norvégiens. Nina Gunke et Bjørn Skagestad interprètent ses parents. Impossible de ne pas remarquer le séduisant et chevelu Gabriel Paaske qui joue Tim le dealer aperçu auparavant
dans l'islandais Le viking blanc.
Adapter à l'écran un roman aussi complexe que celui de Knutsen n'était pas un pari facile. Le résultat est un film certes hermétique, souvent dur, cruel qui pourra déconcerter au premier abord, une pellicule qu'on apprendra à apprécier au fil des visionnages et qui se bonifie au cours du temps aux yeux du spectateur. Sans être une totale réussite Lakki n'en demeure pas moins un très bon film qu'on aurait simplement aimé plus émotionnellement intense.
Lakki fut un des films de son auteur qui remporta le moins de succès auprès du public. Boudé par ce dernier il fut retiré de l'affiche au bout de cinq jours d'exploitation. Certaines scènes furent modifiées et le film ressortit quelques mois plus tard sous un nouveau titre Gutten som kunne fly / The boy that could fly.