The devil's playground
Autres titres: Il cortile del diavolo
Réal: Fred Schepisi
Année: 1976
Origine: Australie
Genre: Drame
Durée: 109mn
Acteurs: Arthur Dignam, Nick Tate, Simon Burke, Charles McCallum, John Frawley, Jonathan Hardy, Gerry Duggan, Peter Cox, John Diedrich, Thomas Keneally, Sheila Florance, Alan Cinis, Gerry Duggan, Michael David, Warren Coleman, Marc Gough, Gary Pixton...
Résumé: Dans un pensionnat catholique des années 50 le jeune Tom, 13 ans, est déchiré entre sa foi pour Dieu et sa sexualité naissante. Si les pères et frères de l'institution apprennent aux adolescents à réfréner toute forme de sexualité ils sont pourtant tout aussi tourmentés par le sexe que leurs jeunes pensionnaires. Plus les jours passent plus Tom se sent perdu et doute de l'existence de Dieu. Le renvoi de son meilleur ami pour pensées impures et mauvaise influence ainsi que la mort d'un élève vont pousser Tom à prendre une décision radicale...
Après avoir débuté dans la publicité et les documentaires l'australien Fred Schepisi met en scène son premier long métrage en 1976, The devil's playground, un film semi autobiographique puisque inspiré de sa propre vie, plus exactement des années qu'il passa dans une école catholique alors qu'il n'était encore qu'un jeune adolescent.
Automne 1953 - Le jeune Tom Allen, 13 ans, est pensionnaire dans une école religieuse de Melbourne. Cette prestigieuse institution est tenue par des pères et des frères qui y font régner la discipline dans un climat de tension sexuelle souvent très fort. Les adolescents
sont en pleine puberté. Ils découvrent leur corps, avec lui de nouvelles envies naissantes qu'ils doivent réfréner, Dieu ne permettant pas le désir de chair. Tom qui souffre d'énurésie est déchiré entre ses envies interdites, cette sexualité naissante, et sa foi envers Dieu. Les frères et pères sont tout aussi tourmentés et ont du mal à résister parfois à l'appel de la chair. Chacun d'eux a ses propres convictions. Il y a notamment parmi les plus stricts le père Francine, un jeune prêtre rigide qui fait régner la discipline, veillant de manière presque obsessionnelle à ce qu'aucun des adolescents ne cède à leurs pulsions naissantes, pas même à la masturbation, allant jusqu'à les épier sous la douche qu'ils ne doivent jamais
prendre entièrement nus. Adepte de la méditation, du silence, le père Marshall sous son air jovial prêche la damnation éternelle aux indisciplinés. Parmi les plus libéraux il y a le frère Victor, un homme chaleureux, bon vivant. L'école compte parmi les élèves une sorte de caste appelée Les fanatiques. Adeptes de la mortification, de l'auto punition ils s'infligent des supplices où se mêlent sadisme, masochisme et homosexualité. Les fanatiques ne sont guère appréciés et bon nombre de pensionnaires conseillent notamment à Tom de les éviter. De plus en plus déchiré entre sa vocation et ses désirs d'homme, Tom en arrive à ne plus croire en Dieu. Tout bascule le jour où un Fanatique est retrouvé mort noyé dans le lac
après le supplice qu'il s'est lui même imposé et le renvoi de Fitz, son meilleur ami, pour pensées impures. Après qu'un des pères lui ai dit qu'il devait l'oublier et le considérer désormais comme mort Tom s'enfuit en stop du séminaire afin de rejoindre son ami. Sur la route une voiture s'arrête. Le frère Victor l'invite à monter. Lui aussi a fui l'école. Tom est désormais libre.
Plus qu'un film sur la vie au quotidien dans les écoles religieuses d'antan The devil's playground est surtout et avant un film qui traite de la répression sexuelle dans ces institutions, comment on y combat la sexualité en enseignant aux jeunes pensionnaires à
ignorer leur puberté et se battre contre leurs désirs jusqu'à totalement les annihiler. Sur un sujet aussi sérieux Schepisi signe un coming of age movie étonnamment nostalgique, une oeuvre douce-amère tendre et lucide qui pourtant ne perd en rien de sa férocité. The devil's playground ne cherche pas à pointer du doigt les écoles religieuses. Schepisi n'accuse et ne juge personne. Son film n'est ni un procès ni même une analyse, il se contente simplement de montrer, de témoigner, d'informer en mettant en images ce que son auteur a jadis vécu d'où cette mélancolie, cette douce nostalgie pour une époque où l'oppression régnait en maitre dans les institutions catholiques sans pour autant occulter toute la
fraicheur de l'enfance et de l'adolescence, une période souvent magique où on découvre son corps, ses changements, ses bouleversements avec beaucoup d'anxiété, de trouble mais aussi de plaisir. Schepisi a très bien su mettre en parallèle la rudesse, l'intransigeance de la vie en ces lieux et l'éveil des sens si naturels de leurs jeunes pensionnaires avec la candeur de leur âge. Le film joue sans cesse sur ces deux tableaux ce qui désamorce la rigueur du propos, apporte un peu de légèreté à l'ensemble sans pour autant éluder le propos et éviter les scènes dramatiques dans un environnement où l'obsession pour le sexe, la tension sexuelle sont omniprésentes.
Le sexe, source de tous les maux, de toutes les obsessions, la peur des pères et frères les plus austères et conservateurs, le sexe (sous toutes ses formes y compris la simple nudité, interdite, y compris sous la douche) qui condamne à la damnation éternelle est pourtant au centre de tous les esprits même chez les religieux hantés par des désirs somme toute bien humains. The devil's playground joue parfaitement bien sur les deux tableaux. Si la puberté échauffe les sens des élèves les pères et frères sont eux aussi du moins pour certains (le frère Francine) en proie aux tourments, luttant pour réfréner leurs envies et respecter leurs voeux. On retiendra plus particulièrement deux scènes qui à elles seules résument de façon
magistrale cette lutte intérieure, le rêve très humide du prêtre qui s'imagine nager nu entouré de femmes tout aussi nues et celle perturbante où il se réfugie dans les toilettes d'une piscine mixte, fortement troublé par les femmes en maillot de bain et la nudité des hommes dans les vestiaires.
Et ce combat intérieur au quotidien est un des sujets centraux de The devil's playground avec toutes ces contradictions et ce que cela entraine. Peut-on au nom de la religion aller dans le sens contraire de la nature humaine jusqu'à parfois tomber dans le non sens, l'aberration? Peut-on s'infliger ou infliger à autrui de telles règles sans parler de torture
physique et morale qui peuvent mener à certains extrêmes (les Fanatiques et leurs pratiques secrètes sadomasochistes), tout simplement à la destruction de celui qui les subit? N'est-ce pas aller contre ce que disent les évangiles, ce que Dieu est censé apporter à l'Homme, le bonheur? Réfréner ses désirs c'est apprendre à détester son corps, à se détester soi-même jusqu'au dégout. Ses contradictions conduisent au doute, au questionnement et peuvent remettre en question nos convictions, l'existence même de Dieu. C'est justement en reniant ses convictions, en s'éloignant de ce Dieu qu'il n'a jamais trouvé malgré ses appels, ses prières que Tom retrouvera la liberté. A sa sortie son auteur
déclarait non pas avoir spécifiquement fait un film sur les institutions religieuses mais simplement sur le coté néfaste de l'autorité, la rigueur et la discipline, les maitre mots pour éviter toute dérive. L'indiscipline est la mère de tous les vices, elle est la fameuse cour de jeu du diable où se débattent pensionnaires et corps religieux. Ceux qui établissent ces règles de discipline, même s'ils sont persuadés d'avoir raison, ne pourront jamais empêcher les qualités humaines de survivre quelque soit le milieu, aussi oppressif soit-il, où elles sont strictement appliquées.
Outre son intrigue The devil's playground brille également pour son atmosphère à la fois
belle et inquiétante. Schepisi joue divinement bien avec les éclairages, la photographie, il allie à la perfection l'austérité du pensionnat, sa froideur à la beauté des décors extérieurs, une campagne boisée plongée dans la brume hivernale qui par instant donne à l'ensemble une aura quasi surnaturelle, par instant morbide, que renforce une somptueuse partition musicale. Malgré son thème, son environnement particulièrement sexuel le film reste cependant pudique, évitant tout voyeurisme et complaisance même s'il nous offre pour notre plus grand bonheur quelques jolis plans de nudité frontale tant adulte qu'adolescente et quelques masturbations suggérées entre jeunes pensionnaires. Un autre atout du film est
son interprétation, brillante, tant de la part des jeunes comédiens que des acteurs adultes. En tête d'affiche le jeune et séduisant Simon Burke, 15 ans, tout simplement excellent dans le rôle de Tom. Simon (qu'on peut voir nu) reprendra en 2014 son rôle dans la série télévisée éponyme tirée du film. Il est entouré de grands noms du cinéma australien dont Charles McCallum, Arthur Dignam, John Frawley, Jonathan Hardy, Thomas Kennealy et Nick Tate, l'inoubliable pilote Alan Carter de la série Cosmos 1999 qui trouvait là le meilleur rôle de sa carrière.
Sélectionné jadis au festival de Cannes The devil's playground resta néanmoins totalement
inédit en France. Cette oeuvre douce-amère fut en Australie un gros succès même si elle défraya la chronique ce qui ne l'empêcha pas de remporter bon nombre de prix et de recevoir de nombreuses éloges de la part de la critique. Bizarrement le film disparut au fil du temps jusqu'à devenir difficilement visible si ce n'est via la VHS anglaise. Sa sortie numérique il y a quelques années le fit sortir de cet oubli et lui redonna une seconde vie. Ainsi redécouvert The devil's playground est aujourd'hui un must du coming of age movie et prouve s'il en était encore besoin la force et l'intelligence du cinéma australien.