Hotel St Pauli
Autres titres:
Real: Svend Wam
Année: 1988
Origine: Norvège
Genre: Drame
Durée: 125mn
Acteurs: Amanda Oops, John Ege, Oyvin Bang Berven, Sossen Khrog, Jons Andersson, Johann Benet, Jorunn Kjellsby...
Résumé: Morgan vit seul avec sa mère handicapée dans une ferme isolée en Norvège. Frustré sexuel, il quitte la Norvège pour Copenhague afin de trouver des prostituées qui puissent satisfaire ses envies. Gerda et Jor vivent à Copenhague. Il existe entre eux une relation très spéciale basée sur des jeux sexuels pervers. Totalement soumise à Jor, Gerda est lasse de cette vie. Une nuit elle rencontre Morgan et le ramène chez Jor. Il est pour elle une sorte de sauveur qui pourra la faire échapper à cette vie. La soirée dégénère. Sous l'emprise de drogues, Morgan se désinhibe, Gerda se donne à lui sous l'oeil de Jor, jaloux et excité. Il se laisse aller alors à ses pulsions. Effrayé Morgan s'enfuit et repousse violemment Gerda. C'est le début pour eux trois d'une lente destruction...
Très connu dans son pays d'origine, la Norvège, Svend Wam, auteur, réalisateur et scénariste, est particulièrement réputé depuis les années 70 pour ses oeuvres indépendantes et souvent fort controversées cosignées pour la plupart avec son ami Peter Vennerod. Hotel St Pauli qu'il réalisa en 1988 est certainement son film le plus décrié et critiqué.
Tiré du roman éponyme de Erland Kiosterud, Hotel St Pauli appartient à la période la plus noire du réalisateur. Le film demeure un des plus sombres et désespérés qu'il ait fait après Life and death, Leve sitt liv, Adjo solidaritet, Svartere enn natten et Drømmeslottet, une série de films sur la rébellion de toute une génération et la lutte contre les conventions.
Hotel St Pauli se veut le sordide portrait de trois personnes qu'on suit dans leur lente descente aux enfers respective. Gerda est une jeune fille belle et sensuelle, prostituée à ses
heures mais surtout totalement soumise aux fantasmes très spéciaux de son compagnon, Jor, un écrivain. Morgan est un jeune fermier sexuellement frustré qui vient de quitter sa Norvège natale pour Copenhague en quête de putains pour satisfaire sa libido et parfaire son éducation sexuelle. Lorsqu'une nuit Gerda fait la connaissance de Morgan elle voit en lui sa chance d'échapper à la vie qu'elle mène avec Jor. Cette rencontre sera simplement le départ d'une longue et lente destruction pour les trois protagonistes tous prisonniers de leurs névroses, leurs obsessions et leurs sentiments.
Hotel St Pauli est l'histoire d'une relation triolique particulièrement malsaine entre trois êtres que seuls leur folie et leur désespoir relient. Le film traduit parfaitement cette détresse à travers ses paysages austères, d'une part la vision d'un Copenhague portuaire particulièrement triste et la lande norvégienne balayée par le vent au milieu de laquelle se dresse la ferme où, dans un silence mortuaire, vit Morgan, seul avec sa mère handicapée, d'autre part via le portrait de ses protagonistes. Morgan est un jeune garçon frustré, mal dans sa peau, par instant psychotique et surtout sexuellement insatisfait. Gerda et Jor vivent une relation très spéciale déchirés entre l'amour et la haine, l'attirance et la soumission sur fond de jeux sexuels pervers.
La tristesse qui émane du film et la complexité de ses personnages est un des principaux atouts d'Hotel St Pauli. Malheureusement Wam oublie de leur donner une certaine consistance au détriment d'un contenu choc qu'il veut le plus sordide possible. Ainsi a t-on du mal à comprendre les motivations de chacun, leurs réactions et par conséquent de s'y attacher. Cela vaut essentiellement pour le personnage de Morgan, assez mal dépeint au final. Qui est il? Quelle relation vit il avec sa mère et surtout quelle est l'origine de ses névroses? On ne peut que supposer au vu de ce que Wam laisse transparaitre ce qui engendre vite une certaine frustration dans un film où tout semble basé sur la psychologie des protagonistes. Wam préfère accumuler les séquences trash y compris de sexe explicite dans des décors glauques. Des toilettes publiques où Morgan va se masturber de façon frénétique et douches communes de Copenhague à la chambre d'hôtel miteuse où Gerda a trouvé refuge, Wam donne l'étrange impression de vouloir stigmatiser toute la déchéance humaine.
Plus étonnantes encore sont les séquences de sexe particulièrement osées qui ont donné au film sa réputation. Hotel St Pauli fait ainsi partie des films qui osèrent mélanger à leur histoire des scènes ouvertement hardcore non simulées. De la longue scène d'amour certes très belle et sensuelle qui ouvre le film à la débauche à laquelle se livrent les trois protagonistes sous l'emprise de la drogue jusqu'au viol final particulièrement brutal où l'actrice pratique une véritable fellation avant de castrer Morgan en lui tranchant le pénis à l'aide d'un rasoir, une scène étonnamment réaliste devenue aujourd'hui culte pour
beaucoup Hotel St Pauli se rapproche finalement d'un certain type de cinéma d'exploitation souvent voyeuriste et gratuit. On est tout simplement ici face à un film de sexploitation qui met en images le sempiternel tryptique sexe drogue and rock'n'roll sur fond de désespoir chronique, une nouvelle illustration des véritables amours sadomasochistes où amour et haine ne font qu'un. Cela donne l'occasion au réalisateur d'offrir au spectateur une longue et brutale séquence, celle où Morgan, sous l'emprise des drogues que Jor lui a fait fumer, se désinhibe. Il se met à danser un rock hystérique vite rejoint par Gerda qui finira par se
donner à lui sous les yeux de Jor, à la fois jaloux, blessé et excité. Jor commence alors à fouetter Morgan, libérant ainsi ses pulsions sadiques tout en évacuant sa haine pour cet homme qui lui vole Gerda, sa compagne, son objet mais également son amour, une femme qu'il ne contrôle plus et semble lui échapper. Particulièrement forte, cette scène est la clé du drame qui va alors se jouer entre eux trois, l'origine de leur destruction respective. Suite à cette expérience, Morgan, trompé, blessé, encore plus frustré s'enfuit et rejette Gerda qui ne se remettra pas de la disparition de cet homme qu'elle voyait comme son sauveur. De son coté Jor s'aperçoit qu'il ne peut vivre sans elle.
Malheureusement cette très belle séquence ne suffit pas à sortir le film de son coté exploitatif puisqu'une fois encore Wam s'attarde essentiellement sur son aspect provoquant. Le (trop) long final confirme ce parti-pris avec ce viol inoubliable qui rappellera à l'amateur bien des rape and revenge et ses seringues d'héroïne qui s'enfoncent inexorablement dans les veines afin que la mort salvatrice mette un terme à la souffrance. Inutile de dire que Hotel St Pauli se termine sur un no happy end impitoyable renforcé par un ralenti étouffant.
Privé d'une partie de son aura psychologique, Hotel St Pauli fut la cible de nombreux détracteurs qui ne virent en lui qu'un film médiocre, stupide et gratuit guère aidé par des dialogues peu recherchés. Si Wam a cette fois peut être raté l'occasion de signer une oeuvre particulièrement forte et surtout douloureuse en signant un simple sexploitation, un bonheur pour les amoureux du genre donc et les invétérés du sordide, Hotel St Pauli n'en demeure pas moins intéressant et brille par ses quelques indéniables qualités. Outre cette permanente tristesse qui en émane, on saluera également une interprétation fort convaincante notamment de la très belle et sensuelle Amanda Oops qui ne laissera personne indifférent, totalement investie dans son rôle. A la fois provocante et fragile, elle irradie littéralement l'écran, petite poupée de chair qui finira désarticulée. A ses cotés, John Ege, le look rebelle de l'artiste maudit, campe cet écrivain sadique de façon convaincante tandis que Oyvin Bang Berven dont on appréciera les quelques plans rapides de nudité frontale contrairement à John Ege interprète Morgan.