Il testimone deve tacere
Autres titres: Silence the witness / Der Zeuge muss schweigen
Real: Giuseppe Rosati
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Drame / Polizesco
Durée: 92mn
Acteurs: Bekim Fehmiu, Rosanna Schiaffino, Aldo Giuffrè, Guido Leontini, Elio Zamuto, Luigi Pistilli, Claudio Nicastro, Barbara Betti, Franco Ressel, Liana Trouché, Romolo Valli, Daniele Vargas, Gianfranco Tondinelli, Luciano Rossi...
Résumé: Le brave et honnête docteur Sironi est témoin d'un accident une nuit sur une route de campagne. Le chauffeur de la voiture est mort, son passager est à demi inconscient. Il lui donne les premiers soins. L'homme lui demande d'aller au commissariat le plus proche. Lorsque Sironi accompagné de la police revient sur les lieux il n'y a aucune trace de l'accident. C'est le point de départ d'un long cauchemar qui commence pour Sironi, vite accusé d'avoir inventé cette sordide histoire pour couvrir des actes médicaux frauduleux. Lorsqu'une de ses patientes est retrouvée assassinée il devient le suspect N°1. Sironi est en fait la marionnette de hauts politiques mafieux qui manipulent comme bon leur semble la justice et la police...
Auteur de quatre polizeschi Giuseppe Rosati n'aura pourtant guère laissé de traces dans l'histoire du polar à l'italienne. Premier film de cette série Il testimone deve tacere est certainement le plus intéressant du moins du point de vue de son intrigue et du pessimisme dans laquelle elle baigne.
Alors que l'inspecteur De Luca s'apprête à dénoncer les agissements frauduleux du puissant Marchetti il est tué par le chauffeur de ce dernier. Les deux hommes fuient le lieu du crime mais ils percutent sur une route de campagne la voiture du docteur Sironi. Le chauffeur est
tué sur le coup. Marchetti est inconscient. Le médecin lui donne les premiers soins. Marchetti revient à lui et demande à Sironi de prévenir le poste de police le plus proche. A l'arrivée des autorités la voiture a disparu, il n'y a aucune trace d'accident. Malgré les affirmations du pauvre docteur l'inspecteur Santi le soupçonne de mentir pour dissimuler des actes malveillants. Alors qu'il regarde la télévision Sironi reconnait Marchetti comme étant l'homme qu'il a soigné. Il prévient l'inspecteur qui ouvre une enquête. Proche du sénateur Turrisi et de certains hommes politiques enquêter sur Marchetti n'est pas chose facile. Santi se voit vite bloqué dans ses investigations avant d'être muté. Quant au docteur il est de plus en plus dos
au mur et devient le suspect numéro 1 depuis le jour où une de ses patientes, une mineure de 15 ans, prostituée, est retrouvée assassinée. Elle avait consulté Sironi le soir de l'accident. On l'accuse d'avoir inventé cet accident pour couvrir le meurtre de la jeune fille. Dos au mur Sironi en plus d'être le parfait coupable doit démissionner, se voit contraint de quitter la ville et sa maison prochainement mise en vente. Plus personne ne peut rien pour lui. Ni la police ni la justice toutes deux sous le joug des puissants politiques. Un soir en rentrant chez lui Sironi assiste au viol de sa femme, un avertissement pour que le lendemain matin il
avoue au juge qu'il a inventé toute cette histoire pour couvrir un acte médical illégal sur la personne de la jeune prostituée. Sironi, brave petit citoyen, a tout perdu.
Il testimone deve tacere, littéralement Le témoin doit se taire, n'est pas vraiment un polar ni même un noir dont il n'a que l'odeur. Il s'agit plus en fait d'un film socio-politique qui rappelle les films de Damiani, un drame qui tente de dénoncer la loi du silence et les abus de pouvoir et les manoeuvres fourbes des hautes sphères politiques tentaculaires prêtes à détruire la vie d'un honnête petit citoyen pour dissimuler ses agissements. Après une ouverture marquante, l'exécution sans sommation du commissaire de police sur une plage déserte,
une scène aussi inattendue que cruelle digne d'un excellent polar, Il testimone deve tacere s'attache principalement à la lente et inexorable descente aux enfers d'un humble docteur, un citoyen sans histoire, aimé de tous, père de famille, qui va tout perdre et se voir accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis simplement pour avoir été témoin d'un accident et avoir porté secours à l'un des passagers. Il se voit pris dans un engrenage dont il ne peut se sortir, la malchance, personnifiée par cette mineure venue le consulter puis violer et tuée par deux voyous le soir même de l'accident, aggravant son cas. Le sort s'acharne sur le pauvre docteur mais sert ceux qui manipulent la justice.
Sur ce canevas Rosati signe un film pessimiste qui se partage entre investigations et dénonciations sociales. Il ne faut donc pas s'attendre ici à un film d'action, une pellicule musclée ce qui ne signifie pas que Il testimone deve tacere ennuie encore moins qu'il se transforme après cette ouverture cinglante en une bande soporifère. Rosati met au contraire en scène une bande certes discrète mais suffisamment intéressante pour capter l'attention du spectateur de par sa tristesse, son atmosphère monotone et l'émotion qu'elle distille. Difficile de ne pas être touché par ce que vit cet homme qui voit sa vie s'effondrer sa,ns qu'il ne puisse réagir, pris au piège par une bande de politiciens sans scrupules qui ont tous les
droits même celui celui de contrôler la justice dans une Naples hivernale, grise, loin cette fois des clichés ensoleillés et folkloriques habituels. Contrairement aux films de Castellari ou les oeuvres coups de poing de Maurizio Merli le citoyen chez Rosati ne se rebelle pas, ne triomphe pas, ne pratique pas l'auto-justice. La police s'écrase, la justice se tait. La mafia et le gouvernement en place décident de tout en ayant recours aux méthodes les plus abjectes. En ce sens le viol mémorable de l'épouse du docteur face à son mari, impuissant, au bord de la nausée, est un des moments les plus forts d'un film qui en compte un second, celui de la jeune mineure violée puis froidement assassinée par deux voyous drogués.
Ce drame élémentaire mais efficace vaut également pour son interprétation, Bekim Fehmiu tout en justesse et douceur en tête dans le rôle du brave médecin, à mille lieues du rôle d'Ulysse dans la mini série L'odyssée qui l'avait rendu célèbre en Italie. Guido Leontini, Romolo Valli, Franco Ressel et Guido Alberti, les quatre visages du Pouvoir, sont odieux à souhait. Aldo Giuffré, le commissaire, et Elio Zamuto, le juge, incarnent quant à eux une justice désabusée. Luigi Pistilli fait une très brève apparition dans l'imperméable de l'inspecteur De Luca. On mentionnera la présence hallucinée de Luciano Rossi dans son éternel rôle de psychopathe névrosé, un des deux violeurs ici, La générique Barbara Betti si
elle a un peu passé l'âge de jouer une mineure de 15 ans, nous offre cependant un joli nu. Quant au jeune Antonio Orlando, une des inoubliables victimes de Salo ou les 120 journées de sodome, il est Paolo le livreur à vélo qui ouvre et ferme le film, une ritournelle napolitaine sur les lèvres.
Rythmée par une partition musicale signée Francesco De Masi plutôt sombre qui renforce la noirceur de l'ensemble Il testimone deve tacere est très certainement le film le plus réussi, le plus intéressant de son auteur, un drame socio-politique méconnu certes moins puissant, moins courageux que ceux de Damiani, mais parfaitement honnête. Une oeuvre sympathique, modeste, attachante à découvrir.