Abuse
Autres titres:
Real: Arthur J. Bressan Jr
Année: 1983
Origine: USA
Genre: Drame
Durée: 93mn
Acteurs: Raphael Sbarge, Richard Ryder, Maurice Massaro, Susan Schneider, Dennis Baines, Mickey Clarke, Arthur J. Bressan, Jean Garrett, J.J Davis, Kathy Gerber, Kathy Giotta, Jack Halton, Steve James, Billy Lux, Keith Michael ...
Résumé: Afin de mener à bien sa thèse Larry un étudiant d'une trentaine d'années est amené à rencontrer Thomas un adolescent de 14 ans battu par ses parents. Larry et Thomas se rapprochent au fil des jours. le jeune garçon devient le personnage central de sa thèse. Thomas reprend gout à la vie aux cotés de cet homme rassurant dont il finit par tomber amoureux. L'adolescent lui fait des avances que Larry ne refuse pas. Ils deviennent amants. Leur relation est découverte et met en danger le travail de Larry...
Arthur J. Bressan, un des pionniers du film pornographique gay, ne se limita pas à la réalisation de films X mais mis également en scène quelques films documentaires et autres drames homosexuels dont Abuse est très certainement celui qui fit le plus grand bruit à l'époque de sa sortie. Avec ce film-vérité tourné en noir et blanc en 1983 Bressan touche un sujet très sensible, les enfants maltraités, les abus sexuels et autres sévices que des parents indignes font subir à leur progéniture. A une époque ou les châtiments corporels sont largement contestés, interdits dans de nombreux pays, Abuse n'a jamais été aussi
d'actualité d'autant plus que le jeune cinéaste en profite pour aborder d'autres thèmes encore plus tabous, la pédérastie et les relations amoureuses entre adolescents et adultes consentants.
Pour écrire son film Bressan s'est inspiré de sa propre vie. Abuse est en quelque sorte une oeuvre autobiographique. Huit ans plus tôt il avait rencontré le véritable héros de son long métrage, Thomas Carroll, un adolescent homosexuel de 14 ans régulièrement battu et maltraité par ses parents. Ils étaient rapidement devenus amis puis amants. Critiqué, raillé par son entourage qui ne comprenait cette relation, Bressan qui se voyait accusé soit
d'exploiter le malheur du garçon, soit d'être à ses yeux un père de substitution, partit vivre avec lui à San Francisco, capitale de l'homosexualité, avant que le couple ne se sépare tout en restant amis. C'est à ce moment que le réalisateur eut l'idée de faire de cette histoire peu banale un film afin de dénoncer un sujet que le cinéma de manière générale évitait bien soigneusement de traiter, un sujet difficile dont on n'aime pas parler, qu'on ignore de façon souvent hypocrite. A ses yeux Bressan tenait là une histoire forte, émouvante, à la fois belle et horrible. Ainsi naquit Abuse.
Larry, un étudiant en journalisme d'une trentaine d'années, doit écrire une thèse sur l'enfance
maltraitée qu'il présentera dans les universités américaines. Lors de ses investigations il rencontre Thomas, un garçon de 14 ans battu quasi quotidiennement. Sa dernière raclée l'a conduit à l'hôpital. Les ecchymoses suspectes qui recouvrent son torse et son attitude étrange intriguent le personnel médical qui soupçonne des maltraitances parentales. C'est dans ses conditions que Larry et Thomas font connaissance. Petit à petit Larry gagne la confiance de l'adolescent qui lentement se se confie à lui. Ils deviennent amis. Larry décide de centrer sa thèse et son film sur Thomas. Au fil des jours et des punitions de plus en plus fortes Thomas se rapproche de Larry et retrouve gout à la vie. Mais l'adolescent dont la
sexualité s'éveille au fil des mois souhaite désormais plus qu'une simple amitié. Un jour il l'embrasse, Larry cède à ses avances. Ils deviennent amants. Malheureusement leur relation est découverte par les supérieurs de Larry qui, choqués, lui somment d'y mettre fin et menacent de refuser sa thèse. Une enquête de police est ouverte. Larry est arrêté puis relâché. Le journaliste va se battre contre vent et marée pour que sa thèse soit acceptée sans pour autant abandonner Thomas avec qui il désire vivre. Le jour de la présentation de sa thèse Larry ne se présente pas. A ses yeux elle appartient à Thomas, le vrai instigateur de ce travail poignant. Le journaliste et l'adolescent décident de vivre ensemble. Ils partent pour
San Francisco, la ville de toutes les libertés.
Avec Abuse Bressan signe une oeuvre cinglante, belle et audacieuse, courageuse, d'une étonnante sensibilité. Tourné avec beaucoup de pudeur, sans aucun voyeurisme alors que le sujet s'y prêtait, Abuse se présente sous la forme d'un film documentaire composé de bon nombre de faits et d'interviews reconstitués entrecoupé par les investigations de Larry, sa relation avec Thomas et les sévices qu'endure le garçon. Inutile d'en attendre moult scènes choc, Bressan évite tout sensationnalisme même si les séquences de maltraitances risquent d'en mettre plus d'un mal à l'aise. Sur fond de hurlements de douleur Bressan
multiplie les plans de brulures de cigarettes, de flammes de briquet, de coups de ceinturon, de tortures physiques à grand renfort de zooms déformants, fait défiler des photos particulièrement atroces d'enfants défigurés, blessés, couverts de bleus. Entre fiction et réalité le fil est ici plus que mince. Il en va de même pour la relation amoureuse qui lie l'homme et l'adolescent. Bressan reste judicieusement sage et se contente de quelques tendres baisers échangés et une jolie scène de lit suggérée. Le cinéaste a opté pour une vision optimiste de cette liaison défendue, dite contre nature, jugée obscène par la bonne morale. Il a fait le choix de la montrer sous son meilleur jour, saine, pure, belle, sincère,
démontrant que l'amour n'a pas de sexe ni d'âge si on s'aime. Il balaie ainsi d'un revers de main sans heurt ni violence un des plus gros tabous de notre société actuelle et tente à prouver que l'homosexualité peut être positive, que l'amour peut exister entre deux hommes quelque soit l'âge des partenaires contrairement à la plupart des films gay qui le dépeigne brutal, sale, voué à l'échec.
A aucun moment Bressan ne cherche à prendre partie, à juger ou dénoncer les différentes parties, à émettre son opinion sur les maltraitances. Abuse n'est pas un procès. Il se contente simplement de montrer les faits, bruts, de faire prendre conscience au public que
cela existe, qu'il ne faut ni se voiler la face ni se retrancher dans le silence comme il cherche à lui faire accepter l'homosexualité sous toutes ses formes, aussi tabou soient elles, Aussi sombre et cruel que soit il Abuse est néanmoins un film lumineux, plein d'espoir qui n'a pas pris une seule ride quarante ans plus tard tant les choses ont peu évolué.
L'interprétation est d'une justesse étonnante. On mentionnera le jeu tout en nuances du jeune Raphael Sbarge. 18 ans lors du tournage, un jeune acteur qui débuta à 4 ans dans le célèbre 1 rue Sésame avant de devenir un acteur très en vue à la télévision et au cinéma (Risky business, Crazy for you, Les aventuriers de la 4ème dimension, Carnosaur...). C'est
à la télévision que Richard Ryder qui interprète Larry fit la plupart de sa carrière avant de disparaitre en 1995 emporté par le Sida.
Abuse connut bien des soucis lorsque Bressan voulut le sortir. Rejeté par tous les distributeurs indépendants, souvent vomi par la critique, fusillé par l'opinion public le film trouva cependant grâce aux yeux d'une petite compagnie new-yorkaise, Cinevista, qui accepta de le sortir avant que le film ne disparaisse lentement comme la plupart des oeuvres du réalisateurs après sa mort survenue en 1987, lui aussi emporté par le Sida à tout juste 44 ans.
Alors que les châtiments corporels en tant que punitions sont au coeur de tous les débats depuis bien des années l'avant dernier film de Arthur J. Bressan Jr trouvera écho auprès de bien des spectateurs qui se déchireront quant à savoir s'ils doivent être abolis ou non en différenciant bien sûr maltraitance et simple remise en place. Une gifle ou une bonne fessée déculottée n'a jamais tué personne, bien au contraire, quelque soit l'âge. Nos pères, grands-pères et arrières-grands-parents peuvent en témoigner.