Eva Ionesco: la spermulite disparue
Gloire soit rendue au Seigneur puisqu'en cette période de Fêtes toutes proches un éditeur français nous offre enfin, à nous amoureux de véritable cinéma de genre et d'exploitation, un film digne de ce nom capable de satisfaire nos désirs. Comme quoi certains savent encore sortir ce qui nous correspond réellement. Est en effet distribué depuis quelques jours chez Carlotta l'inédit et très attendu Spermula de Charles Matton, une réelle curiosité, une fantasmagorie érotico-pornographique devenue aujourd'hui une oeuvre culte, un classique du cinéma interdit français dans lequel se promenait déjà la plus sulfureuse des french
lolita, des lolita tout court même, une certaine Eva Ionesco que la censure de l'époque fit disparaitre à grands coups de ciseaux. Si les sorties DVD ne seront jamais le propos du Maniaco l'évènement était suffisamment d'importance pour être souligné mais c'est surtout l'opportunité de faire d'une pierre deux coups: faire resurgir Eva du néant et ainsi étourdir de bonheur tous ses fans en rendant au film ce dont on l'a jadis privé tout en privant le spectateur de ces images.
Amputé lors de sa sortie des scènes où apparaissait la petite Eva Ionesco dont le nom fut également retiré du générique Spermula subit les foudres de Dame censure qui l'accusa de pédophilie. Si la copie originale du film de Matton circula un temps offrant aux quelques spectateurs privilégiés le plaisir de contempler les quelques séquences où évoluait la plus célèbre petite poupée blonde de cette fin d'années 70 celle ci disparut très rapidement et les images retirées furent semble t-il à jamais perdues. Si on avait espéré, si on avait prié pour que la copie sortie par Carlotta soit l'originale, il s'agit tout simplement de la version jadis sortie en vidéo, la plus complète, celle dite intégrale mais sans les plans d'Eva bien malheureusement.
Après une furtive apparition dans Le locataire de Polanski Eva alors âgée de 10 ans et demi faisait ses débuts au cinéma poussée par sa mère qui depuis sa petite enfance en avait fait son modèle chéri pour toute une série de clichés semi-pornographiques dont le but dixit la marâtre était de mettre en avant l'érotisation de l'enfant. Il n'est donc pas surprenant que la fillette se retrouve propulsée sur le plateau de Spermula, une oeuvre érotique osée, surréaliste, une fable onirique filmée comme une peinture, un tableau aussi singulier que luxuriant qui témoigne de l'imagination et l'audace dont le cinéma érotique, le cinéma de genre faisait alors preuve y compris en France. Aujourd'hui impensable Spermula mélange avec témérité érotisme poussé et science-fiction dans un déluge de couleurs, de lumières et de décors flamboyants dans lesquelles évoluent ces femmes voleuses de virilité d'une beauté stupéfiante. Parmi elles une enfant spermulite, Canissia, qui privée de cette précieuse semence agonise au coeur du vaisseau spatial. C'est d'Eva la seule trace qui reste dans le film, une scène filmée de dos située au début de la pellicule, somme toute banale, où seuls ses admirateurs reconnaitront ses jolies boucles blondes avant que, simple ombre chinoise, deux spermulites viennent la chercher. Elle ne réapparaissait ensuite plus avant la dernière demi heure, quelques plans où on pouvait voir Eva enfin guérie assise lascivement sur un divan observant l'immense orgie finale qu'elle finissait par traverser nue avec élégance, troublante.
De ces séquences aujourd'hui perdues qui certainement ne referont jamais surface ne subsistent que des photos d'époque que les magazines spécialisés essentiellement italiens et espagnols se firent une joie de montrer à leurs lecteurs, revues qui aujourd'hui sont de véritables reliques, des pièces de collection rares pour tous les passionnés d'Eva bien sûr mais aussi de vrai cinéma d'exploitation qui en ces temps bénis ne connaissait aucune limite.
"Spermula: un nuovo scandalo francese", "Eva: il nuovo scandalo della french lolita" titraient ils alors... Le scandale est peut être d'avoir cisaillé une oeuvre cinématographique unique qui marchait sur les pas d'Emmanuelle, d'Histoire d'O, La bonzesse... au sacro-saint nom d'une certaine morale. Par chance les inconditionnels d'Eva pourront l'admirer l'année suivante dans le sulfureux et troublant La maladolescenza / Jeux interdits de l'adolescence de Pier Giuseppe Murgia, une ode à l'éveil de la sexualité adolescente, un des films les plus puissants jamais tourné, un film unique qui repoussa à l'extrême les limites du 7ème art. Un véritable chef d'oeuvre de l'interdit qui aujourd'hui n'a rien perdu de son aura.
Le Maniaco propose aujourd'hui à ses lecteurs les quelques photos d'Eva tirées de Spermula, clichés de plateau et scènes disparues du film, pour leur grand plaisir certes mais aussi pour rendre au film son dû et saluer l'oeuvre originale de Matton telle qu'elle aurait toujours du apparaitre.
Après l'intégrale de Matton si maintenant un éditeur s'attelait maintenant à la filmographie de Jacques Scandelari?