Veruschka - poesia di una donna
Autres titres:
Real: Franco Rubartelli
Année: 1971
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 94mn
Acteurs: Veruschka von Lehndorff, Luigi Pistilli, Gianni De Luigi, Mirella Pamphili, Silvana Venturelli, Maria Cumani Quasimodo, Quinto Gambi, Bruno Boschetti, Norberto Botti...
Résumé: Mannequin de réputation internationale Vera est loin d'être une jeune femme heureuse. Partagée entre son jeune mari et son manager-amant tyrannique elle n'arrive pas à choisir avec qui partir. Hantée par son passé, rongée par ses questions existentielles Vera commence un long voyage intérieur auquel se mêlent visions, présages, projections sur fond de mort...
Seul véritable film du photographe Franco Rubartelli si on excepte un obscur Simplicio Veruschka - poesia di una donna pourrait être vu de prime abord comme une oeuvre hommage à Veruschka Von Lehndorff, la modèle à la renommée internationale des années 70 alors compagne du réalisateur. Le film est cependant bien qu'une simple glorification du jeune mannequin qui avait déjà tourné pour Michelangelo Antonioni dans Blow up et apparaitra par la suite dans le Salomé de Carmelo Bene. Veruschka est un film morbide, une pellicule empreinte de mort comme seul le cinéma italien savait en faire dans les
années 70, une oeuvre psychédélique intense, maladive mais effroyablement belle.
La célèbre modèle Vera mène une existence faite de doute et de peurs déchirée entre son travail qui ne la satisfait plus et ses rapports houleux avec son manager et amant Luigi, un homme tyrannique qui l'a autrefois sauvé du suicide. Luigi est marié, Vera est elle aussi en couple mais elle finit par quitter son mari, Michael, pour s'enfuir avec Luigi. Le perception de la réalité pour Vera finit par se briser en une série de visions et de présages, d'avertissements, de rêves, de messages auxquels se mêlent des images de son enfance, de son passé. La fuite des deux amants ne connaitra qu'une seule issue: la rencontre avec
la mort lors d'un final brutal, inéluctable, une conclusion d'une logique parfaite.
Il est des films dont il est difficile de parler. Veruschka en fait partie tant l'oeuvre de Franco Rubartelli est avant tout visuelle. Le film se présente en effet comme une sorte de suite de tableaux, d'images qui se mêlent et s'enchainent sans discontinuité 90 minutes durant. Passé, présent et futur se mélangent sous forme de projections, de prédictions la plupart sur fond de mort. Veruschka - poesia di una donna est comme l'indique son titre un véritable poème mis en images, une ode désespérée, funeste mais étrangement belle dédiée à la jeune mannequin qui en est l'héroïne, le personnage central, l'unique caractère si on excepte
la présence de quelques rôles secondaires qui gravitent autour d'elle.
Oeuvre artistique Veruschka s'ancre parfaitement dans le cinéma de son époque, celui des années 70. Si le scénario est quasi inexistant il n'en épouse pas moins les grands thèmes alors en vogue notamment en Italie. Les crises existentielles de la bourgeoisie, la vie, la mort, l'amour, le sexe sont les grandes lignes de cette biographie fantastique, surréaliste de la jeune femme, un voyage intérieur guidé par ses pulsions, ses crises; ses conflits, ses peurs, ses traumatismes dont l'objectif est de trouver les réponses aux questions cachées au plus profond de son âme, celles terrées dans les méandres de sa psyché. celles d'une
artiste en plein trouble, totalement déstabilisée qui tente de fuir une réalité trop pesante.
Comme toute poésie, comme toute oeuvre d'art de manière générale tout est question de sensibilité. Soit le film fonctionne et touche soit il va vite s'avérer ennuyeux, se transformer en une pellicule à laquelle le spectateur restera la plupart du temps hermétique même s'il est cependant difficile de ne pas être un tant soit peu touché par le style visuel particulièrement inventif à la limite par instant de l'expérimental que développe Rubartelli. Là encore Veruschka témoigne d'une véritable originalité en totale adéquation avec son époque. Ce voyage intérieur régi par la mort, obsession de l'héroïne happée par une spirale à laquelle
elle ne peut échapper, est un tout simplement un petit bijou pop art, un diamant psychédélique fortement estampillé années 70, le parfait reflet de toute la magie de cette époque, dont le maitre mot est bel et bien transformation, métamorphose,; devenir autre chose que soi même. Ainsi Vera va se muer tour à tour en plante, se fondre dans la prairie pour ne plus faire qu'une avec la végétation, en morceau de bois, en animal, en pierre, réduite à son plus simple élément. Chacune des mutations ont deux points communs, le désir inexorable d'un retour vers l'enfance, symbole d'innocence et de pureté, de bonheur passé, et l'empreinte de la mort, finalité de toute chose, appuyé par le trauma d'un
avortement représenté par des poupées, des têtes de latex, double de Vera, qui finiront par se briser.
L'art du body painting et du maquillage sied à merveille au film et surtout au corps de sylphide de Veruschka. certaines peintures sont tout simplement magiques, fascinantes, étonnantes (l'oeil dans l'oeil, la femme végétale dont les plans se mêlent à ceux de Vera faisant l'amour à son double...). Mais cette mosaïque de poésie, d'images, de photographies, de mise en scène théâtrale sublimée par le montage stupéfiant de Kim Arcalli ne serait pas aussi efficace sans les mélancoliques et envoutantes musiques de Ennio Morricone qui
signe là certaines de ses plus belles compositions, sûrement un des plus gros atouts du film hormis la voix off qui narre la majeure partie du film, une voix pleine de tristesse qui n'est autre que celle de la grande actrice et comédienne Mariangela Melato qui double à la perfection, avec maestria, Veruschka.
On saluera la prestation de Veruschka Von Lenhorff et ses performances physiques qu'elle met à disposition du film. Son expressivité et sa fragile beauté font partie intégrante de la réussite de cette pellicule aujourd'hui rare oubliée des éditeurs, que traversent également un
antipathique Luigi Pistilli dans le rôle du manager-amant violent, le séduisant Bruno Boschetti, incontournable figure générique du cinéma de genre dans la peau du jeune époux sans oublier l'éphémère starlette issue des univers érotiques de Radley Metzger Silvana Venturelli dont ce fut l'ultime film ainsi que Quinto Gambi, future doublure et sosie de Tomas Milian et l'austère Maria Cumani Quasimodo respectivement l"énigmatique vagabond hippie au discours aussi étrange que philosophique et la vieille nourrice allemande aux allures de sorcière.
Quintessence même du psychédélisme Veruschka - poesia di una donna est une oeuvre
toute empreinte de spleen, un conte fantastique irracontable, une expérience visuelle aux accents de mort, un sentiment accentué par les paysages hivernaux des plaines romaines, qu'on prendra beaucoup de plaisir à découvrir si on est bien évidemment un tant soit peu sensible à ce type d'art. Les autres n'y verront qu'une succession d'images bizarres agencée sur une intrigue précaire, un film à prétention auteurisante, simple prétexte à mettre en valeur un modèle international. S'arrêter à cette impression restrictive est malheureusement dommage car ce faux biopic surréaliste en forme de peinture pop art mérite amplement
qu'on s'y intéresse ne serait ce que pour son pouvoir de fascination. et la beauté quasi parfaite de sa principale actrice et l'audace toute seventies de certaines séquences (la petite fille blonde, incarnation de Vera enfant, courant nue dans la prairie, une séquence qui fait irrésistiblement penser à un autre OVNI surréaliste cette fois français réalisé cinq ans plus tard, l'onirique porno soft Spermula où se commit une pré-pubère Eva Ionesco).
Il est regrettable qu'après un tel essai Rubartelli se soit éloigné des caméras.