Il prefetto di ferro
Autres titres: L'affaire Mori
Real: Pasquale Squitieri
Année: 1977
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 105mn
Acteurs: Giuliano Gemma, Claudia Cardinale, Francisco Rabal, Stefano Satta Flores, Enzo Fisichella, Lina Sastri, Paul Muller, Ennio Antonelli, Salvatore Billa, Benito Artesi, Rossella Rusconi, Rik Battaglia, Massimo Mollica, Antonio Orlando, Enrico Maisto, Fabrizio Forte...
Résumé: A la fin des années 20 le préfet Cesare Mori, un homme droit et idéaliste, est envoyé en Sicile par le gouvernement italien afin d'éradiquer la puissance sans cesse grandissante de la mafia. Il organise des rafles dans les villages, propose soin aide au peuple puis s'attaque à la misère avant d'assiéger Gangi, un des principaux repère mafieux. Tout auréolé de son succès Mori fait briser la loi du silence ce qui lui permet de mettre à jour les liens qui unissent la mafia à la noblesse et à la bourgeoisie. Devenu gênant Mori est victime d'une tentative d'assassinat avant d'être renvoyé de Sicile par certaines hautes sphères du gouvernement...
Après Camorra / Tueurs à gages, I guapi / Lucia et les gouapes et L'ambizioso et juste avant Corleone voici le quatrième film d'une série de cinq consacrée à la mafia réalisé par le discret Pasquale Squitieri, l'époux de Claudia Cardinale. Avec Il prefetto di ferro il s'attaque cette fois à une partie aujourd'hui un peu oubliée de l'histoire de l'Italie, celle de l'affaire Mori, du nom du préfet venu du nord de la l'Italie envoyé en Sicile par le gouvernement pour qu'il mette fin à l'hégémonie de la mafia sur une partie de la région.
Le 20 octobre 1925 Cesare Mori, fraichement nommé préfet par Mussolini, débarque pour la
troisième fois en Sicile. Le gouvernement lui a donné les pleins pouvoirs afin qu'il lutte contre la puissance grandissante de la mafia qui a fait main basse sur une partie des terres siciliennes. Avant de s'attaquer à la misère et à l'analphabétisme Mori flanqué de son fidèle adjoint le major Spano propose dans un premier temps son aide aux villageois puis organise des rafles en masse dans les villages avant d'assiéger le village de Gangi, un des principaux repère de brigands, après avoir privé d'eau plusieurs jours durant la population. Tout auréolé de son succès il parvient ensuite à faire briser la loi du silence qui empêchait les citoyens de parler et force ainsi les magistrats à mener à terme les procès mafieux qui se
finissaient tous par des non lieux. Mori découvre alors l'alliance qui existe entre la Mafia, le clergé, la bourgeoisie, les diverses noblesses locales et les fascistes. Le préfet devenu gênant est victime d'une tentative d'assassinat dont il réchappe. Son enquête met ensuite à jour les liens qui unissent le ministre de l'intérieur et la Mafia au moment même où, comme par hasard, Mori est nommé sénateur à Rome. C'est le député fasciste Galli qui se chargera de poursuivre l'oeuvre de Mori. Obligé de quitter Palerme Mori fait ses adieux à Spano qui, écoeuré, a démissionné. La mafia que Mori compare à une vieille pute qui se vend aux plus puissants a de nouveau eu raison de ceux qui ont voulu la détruire.
Peu connu en France où seul trois de ses films ont eu les honneurs d'une sortie en salles ou en vidéo le regretté Pasquale Squitieri, également homme politique, fait partie de ces cinéastes méconnus qui durant leur carrière ont oeuvré pour dénoncer les pouvoirs tant légaux qu'illégaux qui trouvent leur force dans la violence et la répression. Le mal de vivre, la misère dans l'Italie du sud, l'immigration, le fascisme, la mafia et la drogue ont ainsi été les principaux thèmes qu'il traita dans une filmographie certes inégale mais qui ne laisse pas indifférent. Plus qu'une tranche de l'histoire avec L'affaire Mori c'est avant tout le portrait d'un homme qu'il dresse, celui qui parfois fut nommé le Léon Trotsky italien, Cesare Mori. Il
dépeint un homme à la morale irréprochable, droit, intègre, bourré d'idéaux révolutionnaires qui croit plus que tout en l'Etat. Mori se bat pour le peuple avec le peuple mais aussi parfois contre lui car il est souvent à l'origine de ses malheurs, de son exploitation par les puissants. Son combat lui fera prendre conscience, non pas avec une certaine horreur, que la misère du peuple mais aussi la religion sont une des racines de la Mafia qui s'en sert pour grandir, croitre, survivre aidée par les hauts pouvoirs qui en elle trouvent les moyens de subvenir à leurs besoins et nécessité.
Si la peinture de cet homme de fer et la rigueur historique sont ici respectés on a cependant
parfois l'impression que tout va un peu trop vite. Les évènements défilent, s'enchainent à la vitesse grand V tant et si bien que certains manquent par moment de profondeur, d'intensité, et finissent par ressembler à une simple suite d'épisodes. Point de psychologie ici juste des faits, des scènes d'histoire traitées comme un pur western à l'italienne dans la Sicile d'hier rongée par le fascisme, magnifique, admirablement bien reconstituée, dans laquelle évolue un Giuliano Gemma, une des figures emblématiques du western-spaghetti justement mais est ce là une coïncidence, excellent, d'une étonnante justesse, une interprétation intense, rigide qui personnifie à la perfection cet homme de fer. Si certains pourront reprocher au
metteur en scène le traitement choisi il n'altère cependant pas le moindre du monde la qualité de cette pellicule où Squitieri a préféré montrer plutôt que de réellement dénoncer, accuser. L'affaire Mori en perd certainement en émotion, en puissance dramatique mais il n'en demeure pas moins un réquisitoire efficace contre la Mafia, une hydre quasi invulnérable responsable de bien des meurtres, conspirations et autres manipulations.
Aux cotés de Gemma, impeccable, on saluera la prestation tout aussi parfaite de Stefano Satta Flores dans le rôle du major Spano. Francisco Rabal, Massimo Mollica, Salvatore Billa, Rik Battaglia sont tout aussi bons dans des personnages secondaires. On regrettera
simplement que Claudia Cardinale soit trop peu présente cette fois, ses quelques apparitions à l'écran prouvant une fois de plus tout son talent d'actrice dramatique. L'oeil exercé reconnaitra dans la peau du jeune berger la jolie frimousse du pasolinien et regretté Antonio Orlando, déjà à l'affiche de Lucia et les gouapes, fraichement sorti du tournage de Salo et les 120 jours de sodome.
Bercé par les splendides compositions de Ennio Morricone, joliment inspiré, et la voix de Rosa Balesteri pleurant la bouleversante complainte du préfet "La ballata del prefetto Mori", L'affaire Mori est un film qui brille par la justesse qu'il déploie dans la description des faits aidé en cela par une interprétation de fer. Squitieri ne révolutionne certes pas le genre, on a vu mieux. On pense notamment à Cent jours à Palerme de Giuseppe Ferrara avec Lino Ventura. La mise en scène manque parfois de relief, un élément malheureusement récurrent chez le cinéaste, mais son respect de l'Histoire et sa beauté visuelle font de L'affaire Mori un très bon film, sincère, qu'on prendra beaucoup de plaisir à visionner