Erica... un soffio di perversa sessualita
Autres titres: Les cartes de mentent jamais / Tarot / Angela / Angela ou les cartes ne mentent jamais / El diablo detras de las cartas / Tarots / The magician
Real: José Maria Forqué
Année: 1973
Origine: Espagne / France
Genre: Giallo
Durée: 91mn
Acteurs: Sue Lyon, Fernando Rey, Gloria Graham, Christian Hay, George Rigaud, Julián Ugarte, Anne Libert, Marisol Delgado, Barta Barri, Mara Goyanes...
Résumé: Angela, une jeune américaine passionnée de tarots fait la connaissance de Marc, le valet d'Arthur, un vieil homme fortuné atteint de cécité. dans un premier temps Marc pousse Angela à coucher avec Arthur contre une coquette somme d'argent. D'abord intéressée Angela se ravise et tombe amoureuse de Marc. Ce dernier l'invite à venir habiter dans la somptueuse villa d'Arthur à la grande colère de Nathalie, à la fois domestique de confiance d'Arthur et maitresse de Marc. Opportuniste Marc incite Angela à épouser Arthur afin qu'à sa mort elle hérite de sa fortune. Elle accepte. Malheureusement Arthur découvre leur liaison. Alors que le vieil homme s'apprête à tuer Angela Marc le noie dans la baignoire. Il déguise son crime en suicide mais Nathalie soupçonne le couple maudit d'avoir tué Arthur...
Indissociable du cinéma de genre ibérique le nom de José Maria Forqué est associé à une petite cinquantaine de films étalés sur quelques quarante ans de carrière dont très peu sont arrivés en France. Erica.. un soffio di perversa sessualità plus connu sous le titre Tarot fait partie de ceux qui ont eu la chance de franchir en toute discrétion la frontière. Une chance car ce petit thriller coproduit d'ailleurs par la France fait partie des oeuvres les plus intéressantes du cinéaste qui pour ce qu'on connait n'a pas toujours réussi à convaincre, faute trop souvent à des mises en scène trop tièdes et peu convaincantes.
Une jeune et ravissante touriste américaine passionnée de tarots, Angela, voyage en Europe et fait la connaissance de Maurice, un sculpteur, chez qui elle rencontre le séduisant Marc. Celui ci l'invite chez le richissime Arthur, le vieil homme aveugle dont il est le valet. Amateur de jolies femmes, Arthur paie Angela pour qu'elle couche avec mais elle s'enfuit avant de se raviser. Elle se laisse séduire par Marc dont elle devient l'amant. Profitant de sa cécité, Marc l'invite à venir habiter chez Arthur sans lui avouer qu'il sort avec Nathalie, une des domestiques de confiance du nabab. Nathalie voit d'un très mauvais oeil sa venue et soupçonne Marc d'entretenir une liaison avec cette intruse. Les amants diaboliques échafaudent alors un plan machiavélique afin de s'approprier la fortune d'Arthur. Marc persuade Angela d'épouser Arthur afin qu'elle devienne son héritière. A contre coeur elle accepte. Très mal acceptée par Nathalie, la nouvelle maitresse des lieux doit faire bonne figure afin que le mariage soit crédible aux yeux du personnel. Arthur découvre l'infidélité de son épouse et tente de tuer les amants maudits. Marc parvient à tuer le vieil homme en le noyant dans sa baignoire avant de jeter le corps dans la piscine afin de faire croire à un accident. Suspicieuse Nathalie découvre vite le pot au roses et fait chanter les deux amants. Marc tente d'assassiner Nathalie qui parvient à le tuer. La malheureuse se retrouve avec un cadavre qu'elle doit cacher si elle veut que le chantage qu'elle exerce sur Angela fonctionne. Elle est malheureusement contrainte d'avouer à Angela qu'elle a dut tuer Marc au moment où la police arrive au domaine. Les deux femmes jusqu'ici ennemies vont devoir s'épauler pour sauver chacune leur peau et profiter de la fortune du défunt mais le destin va en décider autrement.
Inspiré des gialli à la Lenzi dont complots et machinations diaboliques sont au coeur d'une intrigue dont l'argent est le nerf moteur Tarot discrètement exploité en province sous le titre Les cartes ne mentent jamais est un petit thriller sans grande originalité mais non dénué d'intérêt qui s'avère même captivant sous certains aspects. Le scénario en lui même n'a rien d'extraordinaire. Il se contente de reprendre les ficelles habituelles du genre en développant un triangle amoureux perfide entre un jeune et séduisant opportuniste, une superbe jeune femme tout aussi intéressée et un vieil homme handicapé dont la fortune fait des envieux. L'élaboration du complot est tout aussi classique. Reste à savoir quel sera le grain de sable qui endiguera les sombres projets du couple. On l'entrevoit là encore assez rapidement lorsque Forqué dévoile les liens qui unissent Marc et l'austère Nathalie. Ils sont amants et la gouvernante, très attachée à son maitre mais aussi à son argent, veille et n'entend pas laisser faire Marc et sa nouvelle conquête qu'elle soupçonne à juste raison de fomenter de bien vilains plans. Le triangle devient alors un quadrilatère dans lequel l'opportunisme de chacun, l'amour pour certains, la haine pour d'autres vont précipiter les choses vers un dénouement sordide.
La grande force de ces Cartes ne mentent jamais réside essentiellement dans le portrait vénéneux de ses principaux protagonistes tous plus arrivistes, plus odieux les uns que les autres, prêts à tout pour s'emparer de la fortune du vieil Arthur mais chacun à sa manière. En ce sens aussi haïssables soient ils tous parviennent à capter l'intérêt du spectateur qui gentiment va s'amuser à rentrer dans leur jeu en se demandant qui s'en tirera le mieux d'autant plus que l'interprétation est non seulement convaincante mais tout particulièrement visuelle. Sue Lyon, divinement belle, aussi candide que perverse, reprend d'une certaine manière le rôle de la lolita de Kubrick qui la rendit célèbre. Le français Christian Hay, la découverte de Marcel Carné qui en fit un de ces Jeunes loups, un de ses films les plus rares, est d'une beauté tout bonnement magnétique, so sexy dans ses pantalons blancs moulants ultra taille basse laissant par instant entrevoir la naissance de sa raie des fesses. Fernando Rey est un aveugle inquiétant aux tendances perverses. Gloria Grahame, ex-star de films noirs des années 40 et 50, joue à la perfection les gouvernantes rigides, aigries. Cette alléchante distribution est complétée par la présence du christique et envoutant Julian Uguarte (Toutes les couleurs du vices, Mil ojos del asessino, Les vampires du Dr Dracula...) et Anne Libert, une habituée des comédies polissonnes françaises et des films du toujours repoussant Jesus franco.
Autre atout du film sa belle villa bourgeoise aux décors estampillés années 70 où prédomnent les tons blancs et bleus, joliment mise en valeur, une agréable partition musicale signée Michel Colombier et son thème chanté et quelques superbes séquences dont le meurtre sauvage de l'aveugle dans la baignoire et surtout la longue et spectaculaire mort, presque surréaliste, de Marc dans l'atelier du sculpture succombant aux rafales de Nathalie au beau milieu de dizaines de masques figés à l'effigie de Angela alors qu'apparait en transparence différentes cartes du tarot.
L'ensemble est agrémenté d'un soupçon d'érotisme sulfureux un brin malsain non seulement par la présence de Sue Lyon mais également par la relation qu'elle entretient avec le vieil homme très attiré apparemment par les prostituées et les jeunes innocentes aux tendances perverses. Il faut signaler que la version sortie en France fut bêtement pimentée d'inserts aux limites du hardcore interprétées par une toute jeune Claudine Beccarie.
Ce qu'on pourra le plus regretter c'est outre le manque d'originalité de l'intrigue le fait que bon nombre d'éléments n'ont pas été assez exploités, laissés à l'état embryonnaire notamment les fameux tarots du titre qui n'ont quasiment aucune utilité dans l'histoire si ce n'est lors du final. Mieux utilisés ils auraient pu apporter à l'ensemble un souffle occulte, jeter un voile de mysticisme sur l'histoire en y introduisant quelques notions sur la fatalité, les présages et autres prédictions liés au destin.
La critique sociale d'une certaine bourgeoisie, thème récurrent du cinéma d'alors notamment dans le giallo, est tout aussi sommaire et peu percutante et fait perdre beaucoup de sa puissance à la peinture qu'en dresse le cinéaste.
L'enquête policière est quasi absente. Elle ne semble exister que pour le final et son ultime rebondissement, un dénouement certes logique et cohérent mais un peu trop facile et rapide pour un tel noeud de vipère qui pourra décevoir et donner la fâcheuse impression que son auteur n'a pas vraiment su faute d'imagination donner au film une conclusion digne de son scénario faussement complexe.
Quelque soit ses défauts Tarots - Les cartes ne mentent jamais est un petit giallo à la Lenzi non négligeable qui se laisse voir sans déplaisir. Jamais ennuyeux, par instant fascinant, il saura sûrement convaincre les férus de thrillers à l'italienne ainsi que les plus indulgents d'entre vous. On pourra lui reprocher sa lenteur et sa mollesse mais la noirceur du récit et des personnages gomment assez rapidement ces reproches pour laisser place à un petit bonheur coupable sans grandes prétentions. S'il est un cran en dessous de La volpe dalla coda di velluto, premier giallo du cinéaste réalisé deux ans auparavant, Les cartes ne mentent jamais est une agréable surprise qui a toute sa raison d'être dans la vidéothèque de l'amateur. Il fait définitivement partie des films les plus intéressants de Forqué qui l'année suivante tournera l'hilarant et totalement raté Le pervers / Provocazione / Beyond erotica.
Il est amusant de constater que dans la version italienne Angela est devenue Erica!