Provocazione

Autres titres: Le pervers / Ce n'est qu'un jeu maman / Beyond erotica / Lola / No es nada mamá sólo un juego / Non è niente mamma è solo un gioco / Spielball der lust
Real: José Maria Forqué
Année: 1974
Origine: Espagne
Genre: Drame / Erotique / Thriller
Durée: 87mn
Acteurs: Sue Lyon, Fernando Fernadez De Cordoba hijo, Gloria Grahame, Christian Hay, George Rigaud, Julián Ugarte, Anne Libert, Marisol Delgado, Barta Barri, Mara Goyanes, Enrique Soto, Aquiles Guerrero, ...
Résumé: Juan, jeune propriétaire d'une hacienda, méprise les femmes qui à ses yeux ne sont que des jouets qu'il humilie avant de les tuer lors de chasses humaines, couvert par sa mère. En fait Juan souffre depuis son enfance d'un profond traumatisme. Il espionnait régulièrement son père, un être pervers et débauché, entrain d'abuser des esclaves et des servantes puis il l'a vu mourir sous ses yeux lors d'un tragique accident. Depuis il vit seul avec sa mère qui le protège, complice de ce qu'il appelle ses "jeux". Lorsque Lola, la nouvelle servante, arrive à l'hacienda, Juan en fait de suite sa nouvelle victime. Il va la dresser, la dompter mais Lola va lentement retourner la situation et la folie de Juan en sa faveur...
Juan, le jeune propriétaire d'une hacienda dont il a hérité avec sa mère, n'a pour les femmes que haine et mépris. Il aime les humilier, les dominer et les traiter en esclaves avant de les tuer déguisées en lapin lors de chasses humaines. Son oncle le soupçonne de ses crimes considérés jusqu'à présent comme des accidents. En fait Juan est mentalement malade. Enfant il fut souvent témoin des actes contre nature de son père qui aimait violer les femmes, blanches ou noires, qu'il croisait sur son chemin. Il le vit également mourir le jour où il tenta de le sauver d'une horde de boeufs sauvages. Un psychiatre le suit depuis ces évènements tragiques. L'homme sait qu'il n'est pas guéri malgré ce qu'il prétend et ce que prétend sa mère, une femme rigide qui couvre ses actes et accepte le comportement sordide de son
fils. Ce ne sont pour elle que des jeux pervers inoffensifs dont elle est la complice. Lorsqu'elle embauche Lola, la fille de son contre-maitre comme servante, la jeune fille va vite devenir le nouveau jouet de Juan qui commence par l'humilier. Si au début Lola se rebelle la mère de Juan la force à obéir aux règles établies par son fils et à jouer avec lui. Un jour Juan parvient à l'enfermer dans une ancienne sellerie où il va la dresser, la dompter et lui apprendre à obéir. Lola va prendre goût à ses jeux. Elle finit par l'épouser. Lola va prendre en main la direction de l'hacienda mais également retourner la situation à son avantage. Lorsqu'elle découvre l'héritage que Juan et sa mère veulent coute que coute voler à l'oncle
Tio, un ivrogne qui veut les déshériter considérant qu'ils ne méritent en aucun cas l'hacienda familiale, Lola va s'en emparer et cacher l'argent. Le jour où Juan décide de la tuer lors d'une nouvelle chasse humaine la jeune femme va se servir de cet argent comme arme pour se défendre, faire chanter Juan et sa mère, les détruire et devenir l'unique propriétaire de l'hacienda après avoir fait subir au jeune homme ce qu'il lui a fait subir. .
A lire ainsi le scénario on s'attend à assister à un véritable petit bijou de perversion sadomasochiste. Le résultat est malheureusement bien en dessous de nos espérances faute à une histoire qui prend l'eau de toutes parts. Les traumatismes d'enfance ont très souvent été à l'origine de drames psychologiques, érotiques ou non, qui empiétaient régulièrement sur le terrain de l'horreur et du thriller horrifique. C'est bel et bien le cas ici puisque dans son ultime partie Provocazione glisse vers doucement vers le thriller avec cette histoire d'héritage mentionné au début du film puis totalement oublié. Mais avant ce retournement de situation il nous aura fallu suivre les déboires de la pauvre Lola, objet des désirs pervers de Juan, un jeune homme d'environ 25 ans traumatisé par la vie de débauche d'un père obsédé par le sexe mort sous ses yeux. C'est sur ce point que le bât blesse. Forqué semble incapable de montrer la moindre once de psychologie et se contente
d'imager les troubles de son héros qui aux yeux de sa mère est resté un petit garçon qu'elle protège en acceptant ses déviances mais également ses pulsions meurtrières, complice muette de ses actes. Très appliqué, Forqué use et abuse tristement de toute la panoplie du parfait petit psychopathe misogyne mais privé de véritable contexte, d'une solide assise, on rit beaucoup plus qu'on éprouve un certain malaise peu aidé par l'incohérence, plutôt l'invraisemblance de l'intrigue.
Le film s'ouvre sur une chasse humaine. Une jeune femme habillée en "bunny" est pourchassée par Juan à travers bois. Après qu'elle se soit pris le pied dans un piège à ours, ses chiens se lancent sur elle et la dévorent vivante sous le regard impassible de Juan qui se remémore son père abusant d'une esclave noire. Si l'uniforme de bunny transforme la victime en animal, il renvoie surtout à l'amour que porte Juan aux lapins. Pourquoi pas... sauf qu'ici le ridicule l'emporte et l'emportera encore plus lorsque Lola le portera en se moquant de Juan. A cette once des chasses du comte Zaroff vont progressivement s'ajouter un zeste d'inceste avec la relation très étroite qui lie Juan à sa mère à laquelle se greffe un soupçon de complexe oedipien le tout noyé dans un océan de déviances sadomasochistes caricaturales à l'excès qui vont engendrer une multitude de questions dans l'esprit du
spectateur amusé. Toute l'hacienda est au courant des agissements de Juan mais pourquoi tout le monde garde t-il le silence? Pourquoi personne ne réagit lorsqu'il dompte et dresse tel un animal les victimes qu'il choisit? Pourquoi aucune enquête n'a t-elle jamais été ouverte sur ces morts suspectes d'autant plus que la culpabilité de Juan n'est pas vraiment un secret notamment aux yeux de son oncle, un personnage qui disparait en début de bande pour ne revenir qu'en dernière bobine pour relancer le film et l'orienter vers le pur thriller?
Aucun des protagonistes n'est réellement brossé. Il ne s'agit que de simples stéréotypes dont on se demande parfois l'utilité notamment le psychiatre bien peu futé. On a donc d'une part un jeune garçon fragile, malade, psycho-déviant, misogyne qui vit dans le passé, un grand enfant pour qui tout ça n'est qu'un simple jeu, en ce sens le titre espagnol est fort explicite (Ce n'est qu'un jeu maman, une phrase qui revient en leitmotiv tout au long du film pour excuser les actes abominables de Juan), d'autre part une mère, une femme rigide, autoritaire, désespérée, prête à tout pour couvrir son fils mais aussi récupérer l'héritage de son mari. A ce couple maudit vient s'ajouter Lola, la servante, nouveau jouet de Juan, un troisième personnage qui dés son arrivée fait basculer le film dans l'absurde. Certes sa période de dressage est assez malsaine. Enfermée dans une sellerie tel un animal, privée
de nourriture si ce n'est un hamburger aux vers de terre, un effet plus que prévisible, réduite à imiter le lapin pour mendier son repas, pataugeant dans sa crasse, à demi-nue, elle devra apprendre à obéir à Juan et faire tout ce qu'il exige d'elle. Difficile de croire à ce domptage en règle, à cet avilissement tant il n'est jamais très sérieux.
Non seulement Forqué est incapable d'instaurer la moindre atmosphère mais il sombre très rapidement dans le comique involontaire. Le film perd ainsi se crédibilité mais surtout toute sa force, toute son aura de dégénérescence mentale représentée par ce duo diabolique, incarnation de quelques unes des pires tares de l'être humain. Aussi louables soient les intentions de départ, rien ne fonctionne vraiment.
Si la mise en scène, souvent quelconque, n'aide guère, l'interprétation n'est quant à elle jamais très convaincante. Alida Valli alors en pleine période décadente, est égale à elle même, se contentant de jouer les femmes sévères, implacables comme elle en a l'habitude. Ni plus ni moins cette fois. Avec son visage poupin, candide, David Hemmings fait effet mais le rôle lui échappe quelque peu, trop lisse. On a du mal à croire à son personnage de psychopathe traumatisé comme on a du mal à s'attacher à lui, à le détester, à éprouver la moindre compassion comme on a du mal à comprendre certaines de ses obsessions. Que signifie cette chambre remplie de poupées suspendues avec lesquelles il joue le temps d'une brève séquence qui arrive comme un cheveu sur la soupe si ce n'est pour rallonger une liste de trauma qui fusent tout azimut. Quant à l'allemande Andrea Rau, actrice essentiellement de télévision vue chez Franco (3 filles pour Robinson Crusoe), elle est jolie mais les motivations et réactions de Lola sont tout aussi peu improbables que le reste du film.
Tourné au Venezuela, Provocazione ne parvient à aucun moment à retranscrire ni l'atmosphère moite ni la vie dans les haciendas à une époque où l'ombre du colonialisme planait encore. On pourrait être n'importe où ailleurs, le résultat serait identique. C'est d'autant plus flagrant que Forqué n'a pas pris le soin de plus détailler les activités de ses protagonistes à qui il a simplement mis une étiquette.
Provocazione n'est au final qu'un pur film d'exploitation qui mêle de façon brouillonne inceste, viol, chasse humaine, déviances sexuelles, complexe d'Oedipe, domptage, bestialité sur fond de nudité étonnamment décente puisque jamais le film ne dépasse l'érotisme soft et de racisme latent. On peut en effet y voir une dénonciation ratée du colonialisme car le thème comme bien d'autres reste en filigrane. Mieux avoir alors revoir le puissant Mandinga, véritable petit bijou de sexploitation malsaine tout empreint d'un racisme hautement jouissif aujourd'hui impensable à l'écran signé Mario Pinzauti qu'il tourna à la suite du tout aussi douteux Emmanuelle bianca e nera.
Provocazione qu'on préférera appeler de son second titre français Ce n'est qu'un jeu maman est une jolie distraction bien inoffensive que l'amateur d'exploitation appréciera à sa juste valeur malheureusement trop brouillonne, trop gentille pour pouvoir réellement satisfaire sa soif de voyeurisme et de complaisance et étancher ainsi sa soif de perversion en tout genre. Discrètement sortie en France, uniquement en province, presque dix ans après sa réalisation, voilà une mise en bouche, une douceur vitriolée pour patienter avant de s'envoler vers des horizons de perversion beaucoup plus puissants.