Nuova Guinea l'isola dei cannibali
Autres titres: Guinea ama / The real cannibal holocaust / Gesichter des Sterbens
Real: Akira Ide
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Mondo
Durée: 99mn
Acteurs:
Résumé: C'est une invitation à découvrir la Nouvelle Guinée que nous propose ici le réalisateur, non pas sa face touristique mais sa face cachée puisqu'il nous plonge au coeur de la Papouasie et de ses tribus indigènes qui cultivent encore des coutumes ancestrales particulièrement incroyables dont le cannibalisme. Cérémonies funéraires, rapports avec la mort, rituels magiques et anthropophagie sont donc au menu de cette fascinante plongée au sein même d'une civilisation aussi fascinante que terrifiante...
D'origine italo-nipponne Akira Ide s'inspira pour ce qui fut sa seule et unique réalisation des mondos africains alors très en vogue en Italie en ce milieu d'années 70. Contrairement aux principaux pères de ce genre fort controversé, ce n'est pas en Afrique qu'il décida d'entrainer son spectateur mais en Asie, plus exactement en Nouvelle Guinée et en Papouasie pour lui en faire découvrir les rites et coutumes les plus inimaginables voire effroyables pour nous, occidentaux. Akira Ide, très inspiré, marche avec aisance sur les traces de ses confrères italiens et délivre un pur mondo qui devrait sûrement ravir tous les amateurs de ce type de
documentaires aussi morbide que fascinant.
Le film s'ouvre sur une petite leçon de géographie afin de mieux situer les lieux où il nous emmène. La nouvelle Guinée est politiquement coupée en deux régions distinctes, la Nouvelle guinée occidentale rattachée à l'Indonésie et la Nouvelle Guinée orientale à laquelle appartient la Papouasie gouvernée quant à elle par l'Australie. Quoi de mieux pour débuter le film que de s'attarder sur la visite de la Reine Elisabeth en Nouvelle Guinée orientale un an après que le pays ait obtenu son indépendance! Un prétexte sournois pour y glisser quelques propos racistes, une des bases même du mondo. Toujours très digne, la reine, un
appareil photo en or semble t-il en main, passe en revue ces tribus d'indigènes, à demi nus, recouverts de peintures multicolores et de plumes, dansant et chantant sur son passage. Si nous dit de façon toujours aussi solennelle le narrateur la reine est intriguée par ces gens étranges si différents de nous, les papous sont quant à eux déçus de voir que Sa Majesté n'est qu'une femme blanche comparable à n'importe quelle autre femme occidentale. Et c'est sans transition que Ide nous plonge au coeur de la Papouasie, au sein d'une tribu primitive afin de nous dévoiler leur étrange rapport avec la mort qui épouse le cannibalisme. La caméra se fixe sur une femme en train de manger les chairs putrides de son mari décédé et
de déguster un à un, lentement, les asticots qui les recouvrent tout en serrant contre elle son bébé. L'objectif va du cadavre en décomposition à la bouche de la femme, insiste sur les vers qui grouillent et la putréfaction de la chair tandis que le narrateur précise qu'il s'agit là d'un acte d'amour, une façon de prolonger dans l'au delà les liens qui les unissaient. Aussi morbide et répugnante que soit cette scène, il s'agit malheureusement d'un fake, la main qui recueille les asticots ne ressemblant visiblement pas à celle de la femme. L'illusion est réussie, le trompe-l'oeil est quasi parfait mais le cannibalisme en direct n'est malheureusement pas encore de mise. La mort est toujours un sujet de prédilection pour le mondo en règle générale, la séquence qui suit nous invite à un rite funéraire cette fois bien
réel et réalisé dans trucage. Les femmes d'une tribu se recouvrent le corps des sécrétions et autres graisses que rejette le cadavre d'un homme décédé depuis déjà quelques jours, le corps gonflé par les gaz de putréfaction, le visage à demi décomposé, avant de l'enterrer au coeur de la jungle. On découvre aussi un cimetière où s'amoncellent des corps décomposés depuis des années conservés grâce à une technique de fumage aujourd'hui interdite. Nous sont montrés également quelques inoubliables rites funéraires ancestraux droit sortis d'une autre ère. Ide ne pouvait rêver mieux pour mettre l'eau à la bouche d'un public voyeur avide de sensations fortes, en quête d'interdit et d'abominations sous couvert documentaire.
Suit un reportage sur la conception de la beauté chez les femmes noires avec l'inévitable parallèle avec la femme occidentale. La femme de couleur occidentale a du s'adapter nous dit-on. Afin de séduire l'homme, elle copie la femme blanche en se maquillant et en portant de belles chaussures, de courtes jupes... du moins elle essaie, un verbe qui sous entend bien des choses, lourd d'hypocrisie, si joliment cynique. La femme indigène a elle aussi ses méthodes de séduction qui passe par le tatouage et la scarification à la lame de rasoir. Suit donc une douloureuse séquence où une jeune fille se fait tatouer le visage à vif à l'aide d'une écharde en bois, un prétexte également pour que l'objectif de Ide détaille la nudité des sujets,
plus précisément leurs seins rabougris et desséchés.
On ne peut parler des papous sans évoquer l'os qu'ils portent à travers du nez. Ide nous fait donc assister à sa pose qui se fait lors de l'adolescence. On nous détaille ainsi la façon dont le nez est percé à l'aide d'une énorme aiguille en bois avant qu'un petit os factice soit posé dans l'attente que l'orifice nasal cicatrise pour y enfiler l'os définitif. Comme on sait combien le nez est délicat, la séquence est particulièrement douloureuse. Le nez est très important chez les papous puisqu'il est aussi un élément de séduction. On s'embrasse nez contre nez, on se câline le nez, on le bichonne et on le purifie également lors de séances assez
impressionnantes durant lesquelles on y enfonce deux grandes tiges de bois pour le nettoyer et se faire saigner. Puis en penchant la tête en avant, on laisse le sang s'écouler à terre.
Les hommes peuvent vivre nus dans la jungle tout en étant pudiques. Preuves en sont ces cache-sexe fabriqués à partir du bec des oiseaux qu'ils se confectionnent, sorte de coquilles gravées et décorées adaptées à la taille du pénis et objet de séduction pour la femme... avec démonstration de la pose en direct afin qu'on puisse apprécier de jolis pénis indigènes! Le port de la coquille entraine une cérémonie, une danse festive qui prouve que l'adolescent est désormais un homme.
Il ne faut pas oublier que le thème principal du film est le cannibalisme, une pratique ancestrale courante chez les papous qui dévorent leurs ennemis. Le rite est interdit par la loi et la police guinéenne doit souvent intervenir afin d'éviter que les indigènes dont les traits sur le visage montrent le nombre de victimes mangées ne pratiquent l'anthropophagie. Ide suit un policier et ses hommes à travers la jungle traquant un papou accusé de cannibalisme. Il est arrêté et condamné à trois ans de détention dans une ferme où il devra travailler de force. Mais dans ces prisons très spéciales ont souvent lieu des rixes entre condamnés provenant de tribus rivales... et c'est cuit quelque part dans la forêt que le perdant finira comme le
montre Ide qui filme de loin un corps entrain de rôtir du moins nous le fait-on croire.
Pas de mondo sans ses indispensables scènes de massacres d'animaux, ici un crocodile et une famille de porcs sauvages assommés vivants puis dépecés, éventrés, vidés et cuits afin d'être mangés avec gourmandise par une tribu. Au menu également des lézards, une chauve-souris et des serpents cuits encore vivants et des boyaux servis avec des feuilles. Et après un si bon repas, si on se sent quelque peu nauséeux, un shaman vient vous soulager avec quelques herbes et pratiques magiques.
Pas de mondo non plus sans sexe. Pour satisfaire nos instincts vicieux, la caméra filme un
homme qui pris d'un désir sexuel subite entraine une femme dans la jungle pour lui faire l'amour au milieu des moustiques et des mouches qui viennent les dévorer. Entre le va-et-vient de l'homme qui pénètre la femme et les gestes désespérés des deux partenaires pour chasser les insectes la chorégraphie désarticulée est assez drôle!
Ajoutons à ce si délectable programme quelques plans de lépreux, de pauvres indigènes aux membres malades envahis de mouches, de danses tribales rituelles... on a alors une vision quasi parfaite de L'isola dei cannibali que le slogan commercial annonce comme le véritable Cannibal holocaust.
Si cela est bien entendu exagéré, on peut cependant penser aux films de Deodato, Le dernier monde cannibale et Cannibal holocaust, ne serait ce que pour la description et la visite de ces tribus primitives souvent impressionnantes, aux rites effroyables et à la pratique du cannibalisme d'autant plus que Ide n'a rien inventé et a réellement planté ses caméras au coeur de la Papouasie des années 70. Comme pour les mondos des frères Castiglioni, il y a une réelle intention documentaire ethnique même si quelques scènes ont été reconstituées pour les besoins du film ou simulées. Malgré tout, Nuovo Guinea l'isola dei cannibali tout
comme n'importe quel mondo reste un film d'exploitation avant tout qui appuie avec complaisance les aspects les plus morbides et repoussants des thèmes abordés afin de satisfaire au mieux les instincts les plus vils d'un spectateur friand de voyeurisme et de perversions de toutes sortes. A la fois effroyable et fascinant comme peut l'être la mort, le film d'Akira Ide est un spectacle O combien malsain, douloureux, presque hypnotique dans sa description de la vie de ses hommes dits primitifs à une époque où l'anthropophagie était un fait encore bien réel. Nuova Guinea l'isola dei cannibali est un spectacle sidérant souvent rebutant, difficile, dans la veine des meilleurs mondos africains en provenance d'Italie, hautement recommandé pour tous les amateurs d'images aux limites du supportable que la mort n'effraie pas. Hautement recommandé par le Maniaco. .
Si Akira Ide disparaitra par la suite son nom réapparaitra cependant quelques années plus tard au Japon puisqu'il fit partie de l'équipe d'animation sur la série Albator 78.