La rivoluzione sessuale
Autres titres: La révolution sexuelle / The sexual revolution / La revolucion sexual
Real: Riccardo Ghione
Année: 1968
Origine: Italie
Genre: Drame
Durée: 88mn
Acteurs: Marisa Mantovani, Ruggero Miti, Riccardo Cucciolla, Christian Aligny, Laura Antonelli, Gaspare Zola, María Luisa Bavastro, Giulio Girola, Andrés José Cruz Soublette, Lorenza Guerrieri, Guy Heron, María Rosa Sclauzero, María Montero, Rosa Bianca Scerrino, Pilar Castel, Leo Gavero, Gabriella Malachi, Carmen Montejo, Isabel Ruth...
Résumé: Huit hommes et huit femmes acceptent de passer dix jours dans une auberge côtière afin d'être les sujets des théories psychanalytiques du Professeur Missoroli. Durant cette semaine, un tirage au sort se fera chaque jour afin de former des couples qui devront suivre leurs pulsion afin de se libérer sexuellement sans jamais tomber amoureux, éprouver de sentiment, de jalousie ou se laisser aller à tout romantisme. Des tensions ne vont pas tarder à apparaitre notamment lorsque Giorgio, le fils rebelle du professeur, refuse que sa petite mie s'offre à un autre que lui...
Ami proche de Marco Ferreri, le milanais Riccardo Ghione est surtout connu pour avoir financé dans les années 60 de nombreux courts-métrages pour les plus grands noms du cinéma italien d'alors (Visconti, Antonioni...). Après le départ de Ferreri pour l'Espagne, Ghione disparut. On perd sa trace jusqu'en 1968, année où il réalise La rivoluzione sessuale dont le scénario fut écrit par Dario Argento sur un thème alors très en vogue alors parfaitement résumé par le titre du film lui même. Inspiré du roman de Wilhelm Reich, La rivoluzione sessuale traite de la sexualité, de la libido de nos sociétés occidentales
bourgeoises prisonnières de leur morale, de leurs tabous, des carcans moraux dans lesquels elle s'enferment sans pouvoir y échapper, conditionnées par une vie faite de frustrations. C'est la définition même de toute la contre culture de la fin des années 60 et du début des années 70, du mode de vie hippy que le cinéma a si souvent illustré alors dans des oeuvres souvent anti conformistes, contestataires, très libres, souvent osées, parfois scandaleuses. Le film de Ghione n'en est qu'un exemple de plus.
Huit hommes et huit femmes, disciples de la philosophie du Professeur Missiroli, dont un couple, les Segre, leur belle soeur, leur fils Giorgio et sa petite amie Stella. Tous acceptent de
le suivre dans une auberge au bord de la mer afin d'y passer dix jours, mettre en pratique ses théories sur la sexualité et se soumettre à ses expériences. Chaque nuit, chacun changera de partenaire selon un tirage au sort effectué par l'assistante du Professeur. L'objectif est de se libérer sexuellement, de faire exploser les tabous et vivre une sexualité harmonieuse, sans limite d'où tout sentimentalisme, jalousie et romantisme sera exclu, cela en utilisant l'énergie cosmique et celle du corps humain. Assez rapidement des tensions vont naitre. Giorgio, figure du fils rebelle, a du mal à accepter que sa fiancée puisse se retrouver dans les bras d'un autre homme et met en péril les théories du Professeur, son
père, Dino Segre, un vaillant sexagénaire, tombe quant à lui follement amoureux d'une jeune hippie jusqu'à en perdre la raison tandis que certains couples désignés par le sort (Giorgio avec sa propre sa tante, la femme du professeur avec son meilleur ami) sont une porte ouverte aux conflits.
A la fin des années 60, le cinéma italien a souvent dépeint une société particulièrement sombre voire sinistre aussi bien sur le plan politique qu'humain que ce soit dans le présent ou dans un avenir plus ou moins proche, une société dans laquelle le pouvoir et l'imaginaire donnaient naissance à nos propres monstres. La rivoluzione sessuale ne fait pas exception.
Le film de Ghione tente une fois de plus à prouver l'incapacité de la bourgeoisie à se libérer de ses tabous, de ses carcans, qui la mènent lentement à sa propre destruction, incapable de briser les chaines qui la retiennent à ses valeurs morales. L'acte sexuel dans nos sociétés modernes est grotesque, ridicule, irrationnel, ennuyeux. L'homme l'a transformé en une sorte de névrose morbide, génératrice de complexes, d'angoisses mais l'édifice sociale et politique reposent cependant dessus. Ghione à travers l'expérience collective du Professeur propose d'y remédier.
Outre l'aspect politique que représente le personnage du professeur, improbable gourou-
psychanalyste tout puissant qui dirige ses ouailles et leur dicte leur sexualité en les poussant à vivre leurs fantasmes dans un esprit de parfait libertinage, dans un certain sens on n'est pas très loin des agissements des hauts dignitaires de Salo transposés ici dans un contexte beaucoup plus ouvert et ludique, ce qu'on retient en priorité de La rivoluzione sessuale c'est son esthétisme, ses effets stylistiques et sa mise en scène souvent très théâtrale. Ce petit théâtre de l'absurde comme on pourrait aisément l'appeler fourmille de scènes étonnantes parfois étranges, surréalistes, à la limite felliniennes comme celle, très belle, où tous les protagonistes sont recouverts de penture dorée ou argentée, statues
vivantes évoluant dans un décor bizarre, très pop-art, qui mélange design et avant-gardisme. Tout aussi inattendues sont la séquence où trois personnages font mine de nager en rythme dans une piscine vide, celle où Tony, un des jeunes invités, se met à chanter "Rivoluzione ti voglio qui, Rivoluzione dimmi Fidel, Dimmi ormai non c'è piu Robespierre!" et celle du diner, vorace, où tous les convives se mettent à dévorer à pleines dents du poisson avant que le festin ne se transforme petit à petit en une véritable orgie.
Malgré son coté créatif, le film de Ghione semblera aux yeux de certains parfois ennuyeux. Sexuellement trop sage puisque dépourvu de nudité et de scènes purement érotiques, on
reste en effet dans le suggéré, le soft plus ultra, ce qu'on pourra reprocher à un film traitant de révolution sexuelle et d'échangisme, La rivoluzione sessuale ne possède peut être cette magie propre à cette époque encore moins l'aspect maladif des thèmes qu'il traite. La dissection de la sexualité reste un peu trop sommaire comme l'analyse sociologique. Les jeux sexuels, les divers fantasmes qui naissent au fur et à mesure que les couples sont faits auraient mérité un développement plus élaboré, plus pointu, plus audacieux d'autant plus que Ghione fait appel ici à un dispositif qui utilise l'énergie cosmique pour aider l'Homme à se libérer sexuellement. Il y avait donc un terrain plutôt vaste à explorer, Il ne sort
malheureusement pas des sentiers battus et le discours bourgeois n'est guère percutant.
Nonobstant ces défauts, La rivoluzione sessuale demeure un film surprenant, certes daté, mais d'une part très représentatif du cinéma contestataire italien de cette fin d'années 60, d'autre part de toute une contre culture particulièrement créative où la frontière entre ceux qui croyaient réellement en une révolution sexuelle et ceux qui l'utilisaient uniquement pour vivre une libido débridée est intelligemment marquée. Et c'est une fois de plus la jeunesse hippy qui se montre la plus réceptive, la plus spontanée, prête à vivre allègement tous ces changements. Ghione prend parti pour ces hippies qui lui sont chers (ils seront également à
l'origine des deux autres films du réalisateur A cuore freddo qui lorgne vers l'exploitation cette fois et Un prato macchiato di rosso) et conduit au suicide, à la destruction une bourgeoisie coincée et profiteuse.
Alimenté par des idées souvent brillantes (l'idée du tirage au sort des couples afin de respecter une certaine démocratie , les cobayes sexuels logés dans une auberge isolée, l'exclusion de toute jalousie et sentiments dans les jeux sexuels, Les coups de fouet qui rythme un jerk endiablé...), accompagné d'une jolie partition musicale très années 60 signée Teo Usuelli qui mélange Mozart, Beethoven et rock beatnick (la chanson-thème superbe "Il
nome di Jane"), La rivoluzione sessuale vaut également pour son affiche, brillante. On y retrouve le toujours excellent Riccardo Cucciola en professeur-gourou, une toute débutante mais déjà très séduisante Laura Antonelli à des années lumières encore de la star qu'elle sera quelques années plus tard, une surprenante Lorenza Guerrieri en hippy libérée qui ne cesse de danser et un tout jeune Ruggero Miti, calque quasi parfait d'un Paolo Turco, tout en justesse, aussi sombre que charmant, dans la peau du fils névrosé, un type de personnage qu'il joua régulièrement (on se souvient de sa prestation, divin éphèbe, dans Top sensation).
On reconnaitra également Andres José Cruz Soublette, le fils de la famille du Théorème de Pasolini.
S'il n'a pas la force de certains autres films contestataires de cette époque bénie, La rivoluzione sessuale mérite cependant toute l'attention de l'amateur d'autant plus qu'il fut longtemps invisible, oublié des distributeurs, jusqu'à sa récente réapparition. Très représentatif une fois de plus du cinéma de contre culture de la fin des années 60, ce film idéologique sur l'amour, les conventions conjugales, les théories morales et immorales de 68 devrait sans aucun doute plaire à tous les inconditionnels de cette période aussi magique qu'utopique. Voilà une intéressante curiosité à découvrir sagement.