Back room
Autres titres:
Real: Guillem Morales
Année: 2000
Origine: Espagne
Genre:
Durée: 13mn
Acteurs: Juan Jaimez, Oriol Serra, Joan Diez, Ruben Ametlle, Nolo Ortiz, Issac Candalija, Antonio Lozino, Frank Martinez, Joan Morey...
Résumé: Un jeune homme erre dans les couloirs d'une backroom. Timide il aimerait y rencontrer un quelqu'un avec qui passer un agréable moment mais il n'ose pas prendre les devants. Des hommes se croisent, se dévisagent, font l'amour, se cherchent et s'égarent. Un d'entre eux se donne sauvagement à un autre vite rejoint par un troisième. Le garçon finit par avoir une aventure avec un punk décoloré. Il se rhabille, aurait aimé plus. A la fois frustré et séduit par cette faune anonyme et il se met en quête d'un nouveau partenaire...
Premier essai cinématographique de l'espagnol Guillem Morales, jeune cinéaste qui se prédestinait au départ à l'histoire de l'art, Back room est un court métrage sinistre et excitant sur la vie à la fois étrange et amère des back rooms, parfois appelées dark rooms, ces espaces confinés situés à l'arrière des boites de nuit gay plongés dans une semi obscurité où les hommes désireux de sensations fortes et de sexe sauvage, rapide, errent inlassablement en quête d'un ou plusieurs partenaires. C'est là qu'un jeune garçon qu'on devine novice est venu trouver l'amour, ignorant qu'il n'y trouvera que du sexe et des plaisirs charnels fugaces.
Back room tente avec une incroyable adresse de capturer l'atmosphère si particulière de ces lieux de débauche masculins, de saisir ces moments souvent intenses, bizarres, où se mêlent toute une panoplie de sentiments, de sensations souvent extraordinaires car si différents, coincés entre désir ardent, peur, timidité, frustration et liberté totale des sens. Plongé dans une semi-obscurité aux tonalités verdâtres ou rougeâtres, anonyme, on se perd dans l'illusion, balaie tabous et inhibitions pour laisser parler les corps, objets de fantasmes parfois inavouables qui peut être prendront vie dans les bras d'un inconnu au détour d'un couloir.
Cinq personnages sont au centre de l'histoire: un jeune débutant plus en quête d'amour que de mâles en rut, un punk très mignon, un blond décoloré en chaleur, le prototype même de la salope et un quinquagénaire frustré qui espère encore intéressé quelqu'un. Autour d'eux d'autres personnages, des silhouettes, des fantômes, des hommes sans visage qui se cherchent, se croisent, se refusent, se trouvent dans les méandres de la back room. Aucun dialogue, aucune parole, on ne parle pas, on ne se parle pas, tout se joue sur un regard, un geste, une invitation, une attirance mais toutes les pensées et réflexions parfois acerbes qui traversent l'esprit lors de ces moments de échasse à l'homme", sont récitées en voix off.
Chacun trouvera finalement son ou ses partenaires. Le jeune novice se retrouvera dans les griffes du charmant punk qui contrairement à ses attentes ne lui donnera pas l'affection espérée mais en fera son jouet de chair, vite rejoint par le quinquagénaire voyeur qui en profitera pour se glisser entre eux et ainsi satisfaire sa libido, une chance inespérée pour le type même du vieux pervers frustré dont personne ne veut. Il l'abandonnera et le laissera au main du peroxydé en chaleur qui le sodomisera sans ménagement tandis que la lope, déchainée, offrira son corps et son sexe au quinquagénaire. Les étreintes vont se faire de plus en plus violentes, les ébats s'accélèrent, au milieu d'un corridor ou dans une alcôve.
Masturbation, fellation, sodomie se succèdent à un rythme effréné jusqu'au coït final, véritable éruption volcanique durant laquelle Morales filme simultanément ses différents couples en recréant la fureur de l'orgasme, presque bestial, qui se terminera en apothéose, une audacieuse et explosive éjaculation faciale pour l'un, le summum de la douloureuse jouissance anale pour l'autre, les va-et vient, les succions et les coups de reins suivant le rythme puissant et entêtant d'une musique techno assourdissante qui facilite le vertige. Une fois terminé, on se quitte sans un au revoir, soulagé ou encore plus seul (le novice), déjà en quête d'un autre partenaire, objet de désir de nouveaux arrivants, incessant mouvement de
foule, ombres qui glissent, se faufilent.
Back room est une vision presque documentaire de la vie de ces espaces masculins très spéciaux , des diverses activités qui s'y pratiquent, du désespoir et de la convoitise qu'ils engendrent. Morales est parvenu à recréer l'ambiance caractéristique, tout à fait particulière, des back rooms tant et si bien que les émotions, les sensations, en deviennent presque palpables. Il saisit, illustre, parfaitement ce sentiment de confusion qui s'empare de ses occupants, divisés entre hésitation, tentation, ardeur et excitation mais tous régis par une seule envie, celle de sexe. éphémère, rapide ou qui s'éternise jusqu'au bout de la nuit au
rythme des corps en sueur qui s'offrent ou se donnent, en duo, trio ou en groupe. Sous le couvert de la nuit tout devient possible, les différences s'estompent, l'imagination fait le reste. L'homme n'est plus qu'une enveloppe charnelle non identifiable, une machine à sexe pour plaisirs à consommer sur place et dure sera la réalité pour celui qui pensait recevoir ne serait qu'une once de sentiment ou créer un quelconque lien.
Réalisé avec brio, tout en pudeur, aucun plan de nudité frontale malheureusement si ce n'est la furtive image d'un sexe jaillissant d'une braguette au passage du petit novice, mais sans pudibonderie, Back room qui laisse au final ses scènes les plus crues, est une vision
très juste du monde des nuits gay, un court visuellement superbe qui a l'odeur du sexe et de la sueur et dont les scènes puissamment homo-érotiques dans le sens crasse du terme enflammeront par leur réalisme les sens du spectateur ivre de désir. Back room est un témoignage réalité de ces arrières-salles des clubs gay qui provoquera le dégout des prudes et autres traditionalistes mais dans lequel les habitués de ces espaces divins non seulement se reconnaitront mais ressentiront également derrière leur écran ces sensations grisantes qu'ils y vivent. Voilà bel et bien une véritable prouesse, un tour de force quasi interactif que Morales a réussi haut la main qui valut au film plus d'une trentaine de récompenses fort méritée à travers le monde.
Un bonheur pelliculaire sans faille pour tout adepte de sexe viril brut de décoffrage, à l'image même du Maniaco, qui prouve s'il en était encore besoin toute l'intensité du cinéma gay latino.