La controfigura
Autres titres: The double
Real: Romolo Guerrieri
Année: 1971
Origine: Italie
Genre: Giallo
Durée: 88mn
Acteurs: Jean Sorel, Ewa Aulin, Lucia Bosè, Silvano Tranquilli, Marilù Tolo, Giacomo Rossi-Stuart, Pupo De Luca, Sergio Doria, Bruno Boschetti, Antonio Pierfederici...
Résumé: Alors qu'il regagne sa voiture dans un parking souterrain Frank, un architecte raté, est abattu par un inconnu. A l’agonie, il se souvient des derniers mois de sa vie et reconstitue les évènements qui ont conduit à son assassinat. Alors qu'il séjournait au Maroc en compagnie de sa jeune épouse, Frank est tombé sous le charme de sa belle-mère, Lucia, venue les rejoindre. Il va vivre une relation torride avec elle jusqu'à l'arrivée d'un mystérieux jeune hippie américain. Le jeune garçon va vite faire tourner la tête non seulement à Lucia mais aussi à sa fille, attisant la jalousie morbide de Frank. De retour à Rome, Frank qui a bien souvent souhaité la mort du garçon, retrouve son cadavre. Il est persuadé que le meurtrier ne peut être que Lucia et brûle le corps. Malheureusement elle ne peut être la coupable, étant absente le jour de son décès. Le liste des suspects est bien mince mais la vérité est peut être toute autre. C'est peut être la raison pour laquelle Frank vient d'être abattu par cet inconnu...
Trois ans après L'adorable corps de Deborah, Romolo Guerrieri, sympathique petit artisan de la série B italienne, revient au giallo avec une adaptation du roman de Libero Bigiaretti, La controfigura, un thriller à la base hautement psychologique que le metteur en scène transforme en un sexy giallo qui lorgne indéniablement vers ceux de Umberto Lenzi. Imprégné d'un érotisme cette fois discret mais omniprésent, La controfigura en reprend les bases à savoir la résolution d'un apparent complot qui touche un trio de personnages
antipathiques auquel vient se greffer la venue d'un mystérieux inconnu le tout sur fond de superbes décors tropicaux marocains. Traditionnel donc comme l'ouverture fort prometteuse durant laquelle on assiste à l'assassinat du principal protagoniste, Frank, dans un parking souterrain. A l'agonie, sous les yeux de son meurtrier, il va alors dans un ultime effort, revivre les derniers mois de sa vie afin de comprendre les raisons qui ont poussé cet homme à le tuer. Le prologue n'est pas nouveau puisqu'il est également à l'origine du scénario de l'excellent La corte notte delle bambole di vetro / Je suis vivant de Aldo Lado dont La controfigura est très proche, le suspens en moins.
En fait le grande originalité du film de Guerrieri est son montage construit en un long flash-back dans lequel s'insèrent non seulement d'autres flash-back mais également les projections des désirs, des pulsions des personnages plus particulièrement de Frank. Le procédé est intéressant mais malheureusement trop confus ici. A force d'aller et de venir dans différentes dimensions temporelles Guerrieri semble s'égarer et par la même perdre son spectateur dans les méandres du temps. Difficile parfois de dire ce qui est, ce qui fut et ce que les personnages imaginent simplement sous le coup de la jalousie et de la colère.
Peut être Guerrieri a t-il voulu ainsi imager la confusion qui règne dans l'esprit du mourant. Quoiqu'il en soit, c'est dans le notre qu'il la jette.
Cela risque d'en rebuter plus d'un d'autant plus que La controfigura manque sincèrement d'énergie, un défaut que la lenteur de la narration ne vient guère arranger puisqu'il ne se passe pratiquement rien durant toute la première partie si ce n'est une série de scènes érotiques légères (il n'y a cette fois quasiment aucun plan de nudité) qui tentent de montrer la frivolité d'une jeune épouse écervelée, la jalousie morbide d'un riche mari oisif obsédé par une belle-mère désinvolte avec qui il a eu un soir une relation sexuelle torride. C'est donc à
un drame sentimental de plus auquel on assiste et les raisons du meurtre de Frank se dessinent doucement. La dépravation et les vices de la bourgeoisie face aux courants de pensée d'une jeunesse libertaire en pleine révolution sexuelle, incarnée ici par Eddie, l'énigmatique et séduisant hippie américain qui fera tourner la tête tant de la mère que de la fille, est une fois de plus au coeur d'une inéluctable tragédie. Le discours de Guerrieri reste à l'état d'ébauche et pourra donc décevoir comme la résolution du mystère que le spectateur un tant soit peu habitué aux codes du genre aura en grande partie élucidé. Rien de bien neuf
donc si ce ne sont les motivations même du tueur auxquelles on ne s'attendaient certainement pas, seule véritable surprise d'une intrigue conventionnelle dont tout l'aspect transgressif est malheureusement avorté par la paresse de la mise en scène, l'absence d'émotion et cette ultime explication, un rebondissement peu convaincant dans ce contexte bien spécifique. Alors que toute l'intrigue tournait autour de cette relations triolique obsessionnelle, cette révélation semble tomber comme un cheveu sur la soupe, un peu comme si Guerrieri, la trouvant trop simple, avait voulu lui donner une nouvelle orientation lors des ultimes secondes en y greffant une ombre d'homosexualité franchement ridicule.
Malgré ses défauts et cette conclusion absurde, La controfigura, du moins aux yeux des plus indulgents, n'est cependant pas dénué de charme. Le film se laisse gentiment visionner essentiellement pour sa solide distribution sur laquelle il repose tout entier. On sera une fois de plus ravi de retrouver Jean Sorel pour son énième participation à ce type d'oeuvre, endossant une fois de plus la peau d'un riche séducteur victime (ou investigateur) d'une terrible machination, toujours aussi enjôleur, mais surtout et avant tout convaincant et convaincu. A ses cotés, l'éphémère sexy starlette suédoise Ewa Aulin dévoile ses charmes avec toujours autant de facilité assez vite éclipsée par la mature et sensuelle Lucia Bosé qui
lui vole la vedette... et son mari! L'apparition de Giacomo Rossi-Stuart, Silvano Tranquili et Marilu Tolo, toujours aussi envoutante, apporte un petit plus non négligeable tout comme la présence christique de Sergio Doria dans le rôle du jeune hippie à la beauté estampillé années 70 qui en fera fantasmer plus d'un. Une très belle partition musicale easy listening signée Armando Trovajoli et les splendides décors nord africains, propre à exacerber les sens, apportent quant à eux cette part d'exotisme et de dépaysement si recherchée par le spectateur qui malgré la lenteur du récit, régulièrement ponctué par les ralentis sur images
de l'interminable agonie de Frank, se laissera doucement bercer par les images et prendre délicatement au jeu, intrigué par ce jeu de va-et-vient temporels, curieux de découvrir le fin mot de l'histoire.
Ce second et ultime giallo de Romolo Guerrieri n'est certes pas une réussite, il est à l'image même du reste de la filmographie de son auteur, léger, trop peu travaillé pour réellement captiver mais cependant jamais détestable. Ce sont de simples divertissements à prendre comme tels, La controfigura ne fait pas exception. Son exotisme,
sa patte, ce charme typiquement seventies toujours aussi fascinant et la solidité de la distribution en font un petit sexy giallo qui se hisse à la hauteur d'inoffensifs thrillers maritimes tels que Istantanea per un delitto de Mario Imperoli. A réserver aux invétérés du genre et autres amoureux d'une lumineuse décennie aujourd'hui révolue pleine de chaleur et de liberté puisque les plus exigeants risquent pour leur part de doucement somnoler.