La muerte incierta
Autres titres: La morte incerta / The death uncertain
Real: José Ramon Larraz
Année: 1973
Origine: Espagne
Genre: Fantastique
Durée: 87mn
Acteurs: Raffaele Curi, Mary Maude, Antonio Molino Rojo, Rosalba Neri, Giuseppe Pertile, Yelena Samarina, Fernando Ulloa...
Résumé: Indes - 1930. Déshonorée par son époux, Clive, une indienne, Shaheen, se suicide après qu'il se soit remarié avec une jeune anglaise, Brenda, lors d'un séjour à Londres. Avant de mourir, Shaheen a juré de revenir se venger sous la forme d'un tigre qui porte ses yeux. Depuis la mort de la jeune femme une atmosphère de peur règne sur la plantation. Des bruits résonnent la nuit, Clive croit voir apparaitre le fantôme de son épouse tandis qu'un énorme tigre ne cesse de rôder autour de la maison. Brenda quant à elle découvre une pièce secrète où autrefois s'est joué un drame. Quant au fils, Rupert, il tente de séduire Brenda et la voler à ce père qu'il déteste pour de mystérieuses raisons...
Injustement méconnu en France, l'espagnol José Ramon Larraz dut dans les années 70 s'exiler en Angleterre afin de mener à bien une carrière qui dans son pays natal était alors impensable. C'est là qu'il tourna ses premiers films considérés aujourd'hui par bon nombre d'amateurs comme de véritables petits bijoux d'un cinéma d'exploitation qui n'a rien à envier à la future vague de l'euro-sleaze dont ils pourraient être les précurseurs. Après le sordide et
particulièrement malsain Whirlpool / L'enfer de l'érotisme qui déjà portait toutes les stigmates de ses futures oeuvres, un mélange souvent suffocant de sexe, de violence et de morbidité, puis Deviation / Déviation sexuelle, tout aussi pervers et déviant, et avant Scream... and die, Symptoms et Vampyres, Larraz réalisa cet étrange petit film fantastique aujourd'hui complètement perdu et oublié.
La muerte incierta dont l'unique copie à ce jour demeure une rarissime vidéo espagnole de piètre qualité s'il diffère quelque peu des précédents films du réalisateur ne s'en éloigne pourtant pas tellement de par l'atmosphère qu'il tente de créer. Plus qu'un film d'horreur ou
fantastique La muerte incierta est avant tout un petit film d'atmosphère qui repose entièrement sur une malédiction, celle jetée par une indienne abandonnée par son mari qui lors d'un voyage à Londres l'a remplacé par une autre femme, la jolie Brenda qu'il a épousé. Avant de se suicider, elle a promis de revenir se venger et tourmenter son âme. C'est sous la forme d'un tigre qu'elle revient de l'au delà, prêt à attaquer à tout moment, rôdant de jour comme de nuit autour de la plantation familiale que son époux dirige désormais. Des évènements étranges vont très vite se produire tandis que le fils de Clive n'est pas du tout
insensible aux charmes de Brenda qu'il va essayer de séduire. Obsédé par la malédiction que sa défunte épouse lui aurait jeté, Clive sombre progressivement dans une sorte de douce folie alimentée de surcroit par de lourds secrets familiaux et les légendes locales. Grièvement blessé lors d'un safari par le mystérieux tigre, Clive est de plus en plus malade, incapable désormais de se lever. Son fils qui a toujours nourri envers son père une haine féroce après avoir tenté de l'assassiner profite de l'occasion pour coucher avec Brenda après
lui avoir révélé l'histoire de sa famille. Mais le tigre est toujours là prêt à surgir et accomplir son ultime vengeance.
Bien évidemment Larraz n'est pas parti aux Indes (on a seulement droit à quelques stock-shots locaux) pour tourner cette petite série entièrement réalisée en studio si on excepte quelques rapides plans extérieurs situés dans une quelconque forêt espagnole aux allures faussement exotiques. On devine la restriction du budget, le décor fait illusion mais l'essentiel est cette ambiance très spéciale que Larraz tente d'instaurer. Inutile de s'attendre
ici à une effusion d'effets sanglants, il ne se passe quasiment rien durant les 90 minutes que dure le film. Le malaise provient essentiellement de ces petits riens qui sous l'oeil menaçant du tableau représentant le patriarche viennent troubler le quotidien de Clive et Brenda, le bruit des talons de Shaheen qui claquent sur le sol froid la nuit où elle s'est donnée la mort, ses fantomatiques apparitions ainsi que celles du tigre, les regards apeurés des serviteurs indigènes qui semblent en dire long... Brenda va également découvrir une pièce fermée à clé, inquiétante, lugubre dans laquelle un drame s'est autrefois joué, un lit, une corde...
Larraz cherche à mettre mal à l'aise son spectateur mais cette fois il n'y arrive pas réellement même si on retrouve cette atmosphère maladive qu'il affectionne tant et faisait tout le charme et la force de ses premières oeuvres. Il a beau mélanger légendes urbaines, rites et traditions locales, visions, secrets familiaux inavouables, la sauce ne prend pas vraiment et tout l'aspect morbide du récit s'en trouve grandement amoindri d'autant plus que le final risque de décevoir. L'ensemble ne parvient pas à convaincre totalement même s'il se laisse gentiment regarder ou plutôt découvrir.
Au crédit de cette petite série fossilisée, la présence de Rosalba Neri dans la peau de cette femme hindoue bafouée qui de l'au delà revient se venger, quelques trop rares séquences en début et fin de film durant lesquelles toute l'aura de la grande l'actrice explose l'écran, et celle de Raffaele Curi franchement inquiétant dans le rôle du fils de Clive. Sur bien des points Raffaele fera penser à Karl Lanchbury, l'acteur fétiche des premiers films de Larraz, dont il pourrait être le frère caché. Jaloux, haineux, meurtrier, lugubre, Raffaele écrase de par sa seule présence le reste d'une distribution trop fade, Antonio Molino Rojo en tête suivi de Mary Maude aussi belle qu'effacée.
Toujours au crédit du film, quelques effets efficaces (le bruit de pas infernal qui résonnent dans la nuit, les visions, la pièce secrète, la folie meurtrière du fils) et l'attaque du tigre ainsi qu'une partition musicale angoissante à base de percussions, de violon et de piano. Tous ces éléments rassemblés font de La muerte incierta un honnête petit film d'angoisse qui respecte l'univers mortifère du réalisateur mais qui n'a malheureusement pas la force macabre qu'on était en droit d'attendre. La muerta incierta dont Larraz lui même avouait en 2008 rêver de posséder un jour une copie de ce film disparu n'en demeure pas moins une belle curiosité pour tous les amoureux du cinéma de la première heure du réalisateur, une ghost story d'atmosphère à laquelle il manque ce petit quelque chose, cette touche malsaine qui faisait justement toute a putrescente intensité de son travail. Son incroyable rareté fera certainement oublier et pardonner cette absence. Voilà une véritable gemme pour collectionneur averti.