La chambre des fantasmes
Autres titres:
Real: Jean Michel Sénécal
Année: 1979
Origine: France
Genre: X
Durée: 73mn
Acteurs: Philippe Veschi, François Dantchev, Piotr Stanislas, Christian Impocco, Christian Voeltzel, Yann Aubry, Philippe Leroy, Ismaël Cardoso, Jean Michel Sénécal...
Résumé: Un jeune homme est assis dans sa petite chambre de bonne sur un matelas à même le sol. Les murs sont tapissés d'affiches de film, de photos, de posters et de diverses coupures de magazines. Chacune des images-prétexte va alors faire naitre un fantasme sexuel dans l'esprit du garçon. Tout en se masturbant, il imagine différentes scènes qui vont alors former un film...
Seule et unique réalisation de l'acteur Jean Michel Sénécal qu'on avait découvert dans Pornographie chez Madame Claude de Norbert Terry, La chambre des fantasmes fait aujourd'hui partie de ces films pornographique gay français très recherchés par l'amateur d'autant plus qu'il s'est au fil du temps taillé une solide réputation. La chambre des fantasmes appartient à cette catégorie sacrée de films X homosexuels de la première heure, ces classiques d'un genre qui savait alors parfaitement bien marier le hardcore traditionnel gay à des thèmes ou genres plus spécifiques dont un certain fantastique.
Philippe a 18 ans, il habite une petite chambre de bonne quelque part dans Paris. Il est seul. Il s'assoit sur son lit posé à même le sol et regarde les différents posters et images qui sont épinglés au mur, savoureux patchwork d'affiches de film, de publicités, de photos d'artistes, de dessins érotiques signés Tom of Holland, de coupures de presse de toutes sortes et de couvertures de journaux qui dénoncent l'homosexualité et ses moeurs. A travers chacune de ces images, Philippe s'évade, se laisse aller, rêve et se met à fantasmer. Il se projette au coeur de ce que l'affiche lui inspire et devient le héros de ses propres fantasmes sexuels lorsque ce ne sont pas des inconnus qui s'y retrouvent. Autant dire que le sujet est des plus croustillant et se prête à moult aventures toutes plus humides les unes que les autres. Qui n'a en effet jamais laissé vagabonder son imagination face à une photo, une image?
La chambre des fantasmes se compose d'une succession de petites scènes plus ou moins longues toutes amenées par une image précise qui leur offre un titre. Le film de Sénécal peut être vu comme une agréable parodie de la vie hétérosexuelle qu'il transpose dans l'univers homosexuel à travers ce qu'elle a de plus stéréotypée et routinière. Ainsi le sketch intitulé Le cake n'est qu'un pastiche de la gentille vie conjugale (Un homme uniquement habillé d'un tablier de cuisine prépare un gâteau lorsque arrive son amant tout de cuir noir habillé qui une fois le dessert au four lui fera l'amour dans la cuisine). Le long baiser entre Clark Gable et Vivien Leigh dans Autant en emporte le vent se transforme en une belle étreinte entre deux éphèbes, la morsure de Nosferatu devient une fellation car le monstre qu'interprétait Kinski s'est cassé les dents sur une statue de plâtre, John Travolta dans Saturday night fever se fait désormais appeler Travelota et observe de jeunes danseurs nus dans une boite de nuit avant de se faire sodomiser. Sénécal parodie même Salo et les 120 journées de Sodome en repompant à sa façon la fameuse scène de l'élection du plus beau cul.
Le réalisateur s'amuse aussi à parodier diverses scènes de vie. Ainsi, un béret rouge est délicieusement humilié par un Eroll Flynn de pacotille homophobe ce qui nous vaut une superbe séquence d'urophilie suivie d'une sodomie et de quelques douces maltraitances visiblement appréciées. Il tourne en dérision l'inévitable diner au champagne d'un quelconque soap en faisant des deux amants un homme accompagné d'un travesti qui finiront enlacés sur un lit en compagnie d'un godemiché. Il transforme le tournage d'un spot publicitaire pour sous vêtements (Ah le fameux slip de couleur made in 70s!) en une fantastique et inattendue orgie coquine, fait d'une séance de cinéma une tentative de viol collectif du toujours très volontaire Philippe.
Si les différents protagonistes s'arrosent de leur sperme et de leur urine lors de chaleureux ébats le film est quant à lui arrosé d'une bonne dose d'humour qui le rend ludique et décontracté. Sénécal ne craint pas de son coté d'asperger l'ensemble d'un zeste de mauvais goût en apostrophant les moeurs d'époque par le biais cette fois de Mort à Venise, une audace impensable aujourd'hui, lorsqu'il pousse les mineurs a ne pas avoir peur d'avoir des relations sexuelles. Les anges n'ont pas de sexe comme le démontrera plus tard Lionel Soukaz. On rira donc de bon coeur en voyant Tadzio, le célèbre adolescent héros du film de Visconti, sodomiser son amant de passage qu'il envoie au 7ème ciel!
On reconnaitra également à Sénécal d'avoir su éviter cette fois certains lieux communs aux films X gay à savoir l'association homosexualité=pissotière et culturistes même si Sénécal nous offre une magnifique séquence dans les toilettes publiques, Philippe observant un homme entrain de se masturber et jouir dans son slip à travers un trou percé dans le mur. Après son départ, il ramassera le sous vêtement souillé et l'enfilera pour se masturber à son tour à l'intérieur. Puissamment excitant ou la virilité dans toute sa splendeur! La chambre des fantasmes n'est jamais vulgaire ni sordide. Les scènes de sexe sont belles, bien filmées et savent parfaitement montrées les amours viriles, la force érogène de la sexualité masculine. Il met en scène toute une pléiade de jeunes garçons au charme fortement estampillé années 70 tous plus beaux les uns que les autres, Philippe Veschi le héros en tête, qui devraient combler tous les amoureux de cheveux longs et jeans pattes d'eph' trop moulants. Une partie des acteurs seront par la suite au générique de Race d'Ep de Soukaz et Il était une fois un homosexuel.
Malgré son coté enjoué, La chambre des phantasmes se permet cependant une conclusion assez sombre. Lorsque se termine l'ultime sketch, celui, superbe, totalement fantasmatique des douches publiques communes dans lesquelles se lavent, se savonnent et s'aiment une extraordinaire brochette de jeunes voyous, la caméra dans un long mouvement arrière abandonne son jeune héros à sa solitude, tristement couché dans son lit après avoir joui. Le fantasme reste malheureusement qu'un fantasme, il est à jamais synonyme de solitude et de désespoir. Telle est l'implacable réalité.
La chambre des fantasmes fait incontestablement partie des meilleurs hardcore gay français de la première heure même s'il n'atteint pas la magie des Phallophiles ou n'égale pas certaines oeuvres telle Equation à un inconnu. Voilà un bel exemple de porno homosexuel fantasmagorique qui nous replonge dans le Paris de ces années 70 bénies, à une époque pré-sida où la sexualité était encore joyeusement insouciante, où les garçons se déclinaient certes selon la longueur de leur sexe mais aussi celle de leurs cheveux. De quoi nous faire fantasmer à notre tour, seul dans notre chambre... ou en compagnie fictive de Philippe Veschi.