Le mille e una notte all'italiana
Autres titres: Le Canterbury interdit / Ya bon banana / Decameronissimo
Real: Carlo Infascelli
Année: 1972
Origine: Italie
Genre: Décamérotique
Durée: 81mn
Acteurs: Malisa Longo, Mariana Camara, Carlos de Carvalho, Elio Crovetto, Mario Frera, Jacques Herlin, Fiorella Masselli, Maurizio Merli, Salvatore Puntillo, Giacomo Rizzo, Orchidea de Santis, Pia Giancaro, Carla Mancini, Maurice Poli, Claude Berthy, Giovani de Vita...
Résumé: Dans la taverne de Chichibio se retrouvent aventuriers, seigneurs cocus, sculpteurs et prostituées. William, un jeune aventurier anglo-saxon souhaite prouver que la femme de Barnabo di Barnabo, un noble certain de la fidélité de sa femme, Joconde, qu'il tient enfermée dans sa chambre, le cocufie tout de même. Il devra lui rapporter comme preuve un morceau de sa robe de chambre. Malheureusement William se trompe et c'est la servante noire qu'il fait l'amour. Entre temps, le prêtre du village commande au sculpteur une statue de Sainte Giuliva. L'artiste va la sculpter en prenant pour modèle une prostituée tandis qu'à la taverne de Chichibio se succèdent les histoires de maris cocus...
Déjà responsable du très bon Decamerone proibito / Le décaméron interdit l'année précédente, Carlo Infascelli ici assisté de Antonio Racioppi signe en 1973 cette deuxième décamérotique coproduite avec la France sortie en salles sous le titre Le Canterbury interdit également connue sous une des appellations les plus idiotes et insensées que le genre ait connu Ya bon banana. Autant le dire de suite, si la confusion règne dans le scénario, elle règne aussi dans ses différents titres. Il faut donc avant toute chose éclaircir quelque peu la lanterne du pauvre lecteur souvent perdu dans ces retitrages souvent bien illogiques.
Dés le générique le spectateur est averti grâce à un petit avertissement tout en jolies lettres gothiques que ce qu'il va voir n'est pas moins qu'un mélange du Décaméron de Boccace, des contes de Canterbury et des Mille et une nuits! Un amalgame des plus étonnants qui était déjà à la base du précédent film du réalisateur, Gli altri racconti di Canterbury. La mode étant aux différents décamérotiques, canterbérotiques et autres orientalérotiques pourquoi diantre ne pas brasser les genres et les mêler allègrement? Sauf que dans ce cas précis des Mille et une nuits ne subsiste qu'un léger clin d'oeil par le biais d'un déguisement oriental dont s'affuble une prostituée pour passer inaperçue et s'infiltrer chez un noble afin de le séduire et le cocufier. Signalons aussi que si le film est sorti en France en tant que Canterbury interdit il ne faut pas le confondre avec le Canterbury proibito de Italo Alfaro avec Femi Benussi et Rosita Torosh demeuré inédit sous nos cieux.
Ceci dit, Le mille e una notte all'italiana marque déjà un certain déclin du genre même si nous ne sommes qu'en 1972. Moins pétillant que Decamerone proibito, ce nouvel essai de Infascelli écrit par pas moins de sept scénaristes brille avant tout par son scénario décousu un brin brouillon puisqu'il n'y a pas à proprement parlé de véritable trame. Le film se compose d'une série d'épisodes qui n'ont guère de lien entre eux et s'unissent tant bien que mal parfois de manière peu cohérente en tentant de respecter un semblant d'histoire. C'est la taverne de Chichibio qui sert ici de trait d'union aux divers segments puisque s'y retrouvent aventuriers, petits seigneurs cocus, sculpteurs, prêtres et prostituées. C'est là qu'un sculpteur anglais, William, parie avec un soldat très sûr de lui, Barnabo di Barnabo, que sa femme, la plantureuse Joconde qu'il tient enfermée dans sa chambre, le cocufie tout de même à tout va et entend bien le lui prouver en ramenant avec lui sa bague et un morceau de sa robe de chambre. Il se trompe malheureusement de cible et c'est la servante de couleur qu'il parvient à trousser. A partir de là, Le Canterbury interdit se fait s'enchainer toute une série de petits récits qui tous tournent autour de l'adultère et du cocufiage tandis que le prêtre du bourg commande au sculpteur une statue de Sainte Giuliva qu'il va créer en s'inspirant des formes de la prostituée locale, la pulpeuse Alina.
Si Le Canterbury interdit est quelque peu en dessous de son prédécesseur, tout aussi confus soit il, il n'en demeure pas moins un agréable exemple du genre, enjoué, ludique, plein de bonne humeur d'autant plus que les acteurs semblent s'en donner à coeur joie. Si on pourra regretter que l'action, budget oblige, se déroule essentiellement dans de petits décors intérieurs, on pourra aisément se rattraper sur les nombreuses péripéties pseudo-amoureuses et autres parties de jambes en l'air durant lesquelles tout le monde trompe tout le monde, souvent drôles, des quiproquos polissons peu originaux mais toujours divertissants, le tout filmé sur un rythme effréné qui jamais ne laisse place à l'ennui. On court, on saute (dans les tous les sens du terme), on ourdit des plans coquins, on crie, on se jette dans les bras des uns des autres pour mieux se jeter sur l'occasion d'ouvrir les jambes et offrir son postérieur jusqu'au final échevelé et totalement fou dont la morale sera donnée par le curé: Que les cocus prennent soin de leurs cornes.
C'est une fois de plus la pulpeuse Orchidea De Santis, une des reines du genre, qui mène la danse dans la défroque de Alina, la catin généreuse au sens charnel du terme. Si les scènes de nu tant féminin que masculin sont cette fois assez rares et toujours très pudiques (aucun nu frontal), Orchidea se dévêt suffisamment pour exciter l'imagination du spectateur. A ses cotés, on retrouvera une toute jeune Malisa Longo, version brune, qui incarne à sa façon une nouvelle et étourdissante Cavalla tutta nuda, chevauchant nue son destrier à travers la campagne avant de devoir se faire passer pour un jeune berger qui tombera entre les mains d'une matrone immonde et ses deux fils nains puis un couturier pédéraste éblouissant. On se réjouira de la présence de l'actrice de couleur Marianna Camara, une habituée de la décamérotique qu'on reverra par la suite dans Rivages sanglants, l'opulente Pia Giancaro et Fiorella Masselli. A leurs cotés on reconnaitra et c'est bien là la véritable curiosité du film un tout jeune et très convaincant Maurizio Merli sans moustache et surtout nu se faisant donner le bain par Malisa Longo avant de lui faire rageusement l'amour, Maurice Poli, Mario Frera, Elio Crovetto, Giacomo Rizzo, l'espagnol Carlos de Carvalho, fils de diplomate et acteur à ses heures, ainsi que le français Jacques Herlin qui participa à de nombreuses séries B et Z tant italiennes que françaises.
Rythmé par une partition musicale enjouée signée Giancarlo Chiaramello, Le mille e una notte all'italiana s'il n'est pas le meilleur des décamérotiques est cependant un plaisant divertissement dont l'humour se situe le plus souvent en dessous de la censure. Il reste un exemple plus qu'honorable du genre pour le novice qui aimerait faire plus ample connaissance avec ce style cinématographique typiquement italien. Pour les autres, ce Canterbury leur servira d' affriolante hors d'oeuvre avant la dégustation de mets encore plus savoureux tels Ubalda... entre autres.