Noa Noa
Autres titres: Rivages sanglants / The survivors of the Bounty
Real: Ugo Liberatore
Année: 1974
Origine: Italie
Genre: Aventures
Durée: 93mn
Acteurs: Hiram Keller, Mariana Camara, Gianfranco Degrassi, Isabelle De Valvert, Vera De Oliveira, Karen Grannum, Neil Hansen, Douglas Hare, Ines Pellegrini, Paolo Malco, Roberto Posse...
Résumé: Huit marins et un officier, le capitaine Fletcher Christian, organisent une mutinerie à bord d'un navire marchand de la marine anglaise. Ils s'emparent du bateau et fuient vers le Pacifique à la recherche d'une île perdue afin de se soustraire à la justice de leur pays. Ils jettent l'ancre sur la petite île de Pitcairn. Elle est habitée par des indigènes qu'ils vont vouloir soumettre à leurs ordres. La révolte gronde et bientôt Blancs et Noirs vont s'affronter...
Avant tout scénariste Ugo Liberatore fut au début des années 70 l'instigateur d'un filon qui fera recette, le film dit érotico-exotique, dont le plus connu et surtout celui pour lequel on se souvient de lui en tant que réalisateur est Bora Bora, une des oeuvres pionnières de ce sous genre du cinéma érotique lancé en 1968 avec Il sesso degli angeli. Suite au succès public de Bora Bora Liberatore signera par la suite Incontro d'amore a Bali puis en 1973 après quelques années d'absence derrière la caméra suite à l'échec cuisant de Incontro d'amore Noa Noa devenu sous nos cieux Rivages sanglants. Noa Noa est né du succès des films de
Luigi Scattini dans lesquels rayonnait la Vénus noire proclamée nouvelle diva du genre Zeudi Araya. Persuadé que le filon a encore de beaux jours devant lui Liberatore imagine cette histoire produite une fois de plus par Alfredo Bini (Accatone, Mamma Roma) qui réussit à convaincre le gouverneur de St Domingue de les laisser tourner sur l'ile. Le cinéaste qui avait abandonné la caméra pour l'écriture (on lui doit notamment le scénario de Tony Ardenza de Duccio Tessari) pouvait donc en toute quiétude mettre en chantier ce remake du célèbre Révoltés du Bounty qui en reprend son principal personnage Fletcher Christian ainsi qu'une partie de l'intrigue.
Le 17 avril 1789 l'officier Fletcher Christian prit la tête d'une mutinerie à bord du Bounty, un navire de l'armée britannique. Après avoir déposé le capitaine et quelques uns de ses fidèles marins, Christian et seize mutins mirent les voiles vers Tahiti dans l'espoir d'échapper à la justice anglaise. Malheureusement la plupart furent arrêtés. Christian et neuf de ses hommes parvinrent à s'échapper et naviguèrent en compagnie d'un groupe d'indigènes qui s'étaient joints à eux vers une destination inconnue en quête d'un nouveau paradis terrestre où ils pourraient vivre à l'abri et reconstruire une nouvelle société. Ils mouillèrent sur l'ile paradisiaque de Pitcairn située derrière un récif corallien. Très vite des tensions vont se faire
sentir entre les mutins et les indigènes. Les marins les utilisent comme esclaves et font des femmes leur instruments de plaisir. Les désaccords se multiplient d'autant plus que Christian est incapable de commander et diriger ses hommes dont la plupart vivent dans la peur d'être un jour découverts et jugés par la marine royale. Les discordes se multiplient jusqu'au jour où les indigènes se révoltent et massacrent les mutins. seuls Christian et deux de ses hommes survivent et sont faits prisonniers. Traités comme des animaux ils vont devoir construire un bateau afin que les indigènes puissent retourner à Tahiti en sachant
qu'ils seront tués une fois le navire terminé. Trois polynésiennes, chacune enceinte d'un des mutins, vont les aider à s'échapper. Leur haine et leur rivalité auront finalement raison des trois marins. Après un ultime massacre seul un des trois marins survivra et regagnera l'Angleterre bien des années plus tard.
L'histoire, somme toute banale, est simplement celle d'un groupe de rebelles blancs qui rêve de construire un nouveau paradis terrestre sur une lointaine ile du pacifique mais ces hommes n'y apporteront que mort et destruction faute avant tout à leur velléité. Noa Noa (titre qui rappelle bien entendu Bora Bora et définit en langage tahitien les opposés, le permis et
l'interdit, la liberté et les tabous) ne fait donc guère dans l'originalité. Les idées sont pourtant là, Le scénario est intéressant mais il manque malheureusement au film l'essence même indispensable à ce type d'oeuvre, outre un érotisme à fleur de peau, le souffle épique de l'aventure océane d'une part, une dimension psychologique d'autre part. D'une platitude flagrante Rivages sanglants est d'une linéarité désolante. Le peu de suspens que Liberatore tente d'instaurer est immédiatement désamorcée par sa maladresse et son incapacité à créer toute forme d'atmosphère comme il est incapable de donner corps à son histoire. Difficile dans ces conditions d'accrocher au film et ses personnages, privés de toute
psychologie, unidimensionnels, de simplement les aimer ou les détester, comprendre leurs actes et motivations à l'instar même d'une histoire bien trop superficielle pour aboutir à une quelconque réflexion malgré les thèmes abordés notamment le racisme et les dérives qu'il entraine, le pouvoir, la domination,
En fait tout l'intérêt de Rivages sanglants réside dans l'aspect fortement exploitatif du film. Liberatore a tout bonnement réalisé un pur film d'exploitation qui met en exergue les pires facettes de ses personnages, simples mutins en quête d'une nouvelle terre vite transformés en véritable sadiques qui vont exploiter les indigènes jusqu'à ce que ceux ci retournent la
situation à leur avantage ou la parfaite illustration du fameux adage du chasseur chassé. En ce sens Noa Noa remplit son cahier des charges et devrait satisfaire sans mal les pulsions racistes et autres instincts voyeurs d'un spectateur avide de sensations malsaines, renforcé par une version française qu'on ne se permettrait plus aujourd'hui. Ainsi après une première partie plutôt lente Rivages sanglants prend doucement sa vitesse de croisière et nous offre quelques scènes intéressantes souvent odieuses dont quelques abus sexuels sur des femmes de couleur utilisées comme de simples jouets de plaisir et surtout le final et ses quelques meurtres sanglants dont une éventration, un empalement et surtout une
douloureuse castration au piolet lors du long massacre sur la plage suite à la révolte des noirs. Une seconde partie bien plus captivante et un peu plus mouvementée qui fera la joie des amateurs de gore.
Malgré une alléchante distribution, autre atout du film, l'interprétation reste malheureusement à l'image du film, indolente. Le toujours superbe Hiram Keller qui incarne ici le héros, le fameux capitaine Fletcher Christian, n'a jamais été aussi inexpressif et transparent comme s'il avait été piqué par la mouche du sommeil. Sa mollesse tranche avec le coté bien plus nerveux de ses partenaires dont Gianfranco De Grassi, un habitué des rôles de voyous tout
comme Carlo Puri, Paolo Malco, Roberto Posse et quelques figures éphémères du Bis comme Douglas Hare décédé quatre ans plus tard. Parmi les actrices indigènes on remarquera la présence de Mariana Camara plus habituée à se dévêtir dans des décamérotiques. la danseuse Zula et la présence furtive de la pasolinienne Ines Pellegrini, ici à ses débuts, créditée sous son véritable nom Macia Pellegrini.
Si Liberatore a raté sa dernière incursion dans le film exotico-érotique en signant une bande un peu trop longue et surtout trop indolente, privée de véritable mise en scène et d'âme il
offre cependant un petit film d'exploitation tout à fait digne d'intérêt. Bien qu'inégal il charmera sans aucun doute les amoureux de ce type de cinéma, oscillant sans cesse entre l'abject, le gore et l'érotisme léger sur fond d'une Saint-Domingue carte postale toujours aussi paradisiaque où déambulent ces huit mutins chevelus à la beauté sauvage estampillée années 70 et quelques indigènes évoluant quasiment nu(e)s. Accompagnée d'une partition musicale à l'avenant le mélange fonctionne encore et toujours.